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Vous avez maîtrisé Ars Magica pour vos
amis pendant 12 ans. La campagne inclut une intrigue politique, des pactes
démoniaques, trois générations de mages, l'Inquisition et une sombre
société mystique orientale. Les personnages-joueurs (PJ), dont la profondeur
de personnalité rivalise avec Shakespeare, ont des historiques qui
s'entrecroisent avec ceux des principales familles de PNJ. Sans évoquer tous
les sacrifices personnels qu'ils ont fait pour conjurer de puissants artefacts
magiques tout bonnement scintillants d'énergies cabalistiques.
Vous avez tout vu, tout fait, tout acheté.
Vous prenez la quintessence de votre art d'écriture de MJ, une sorte de
croisement entre Hamlet et Le Seigneur des Anneaux, comprimé dans
une partie de quatre heures. Vous vous faites alors coincer avec deux
débutants, dont l'un a 12 ans et est d'une timidité maladive et deux briscards
d'Ars Magica qui connaissent le système sur le bout des doigts. Les deux
derniers joueurs sont arrivés trop tard pour Living Greyhawk et se
rabattent à contrecoeur vers votre table, la seule qui a des places libres.
En moins d'une demi-heure, les marchands typés Héroïc-Fantasy ont échangé
les âmes des PJ débutants avec quelque Némésis du septième cercle de
l'enfer contre deux tonnes et demie de Vim et une audience avec la Papesse
Jeanne dans son jacuzzi. Les deux briscards ont commencé à rechercher un sort
qui réduirait l'aspect ingrat de tourner les pages des livres de sorts d'un d10
par 2300 pages, et les débutants ont commencé à parler de Cleopatra 2525.
Personne n'a relevé votre subtile référence à Pic de la Mirandole, ni pigé
que les meurtres suivent un schéma croisé inversé de tarot. Le scénario est
en lambeaux, tout comme vos nerfs.
Qu'est ce qui s'est mal passé ?
Comment se fait-il que les joueurs aient été aussi mauvais? Pourquoi n'ont-ils
pas vu le terrible gâchis qu'ils faisaient ? Vous décidez que le problème
avec les conventions, c'est qu'on n'a aucune garantie de qualité. Franchement,
vous espériez mieux et décidez de ne plus jamais maîtriser de partie à la
convention du Club Barbie.
En fait, si quelqu'un est fautif ici, c'est vous. Vous avez oublié que les
conventions et les campagnes ne sont pas du même tonneau. Elles sont aussi
proches que Les frères Karamazov l'est de Star Wars
(rappelez-vous en pour plus tard).
Mais ne craignez rien, voici mon plan en sept points pour les parties de
convention:
Il y a en général deux genres de parties de convention. Celles qui sont
écrites en tant qu'introduction au système du jeu. Celles-ci vous donnent
généralement une version allégée et gratuite des règles pour vous inciter
à acheter le produit fini à sa sortie.
Puis il y a les autres. La seule différence entre les bonnes parties de chaque
type c'est qu'à l'une est joint un pot-de-vin.
Eh oui, les bonnes parties de convention sont des parties d'introduction pour
débutants.
Vous pourriez penser que c'est une généralisation abusive et que si, on peut
avoir des bons joueurs aux conventions. Je ne conteste pas la présence de
joueurs expérimentés, mais rien ne vous garantit qu'ils soient dans votre
partie. Ce qui nous conduit à la première règle :
1. A
moins d'avoir réussi à réserver l'équipe de démonstration de Lapins et
Shoggoths RPG, écrivez une partie que les débutants peuvent jouer.
Une partie pour débutants ne veut pas dire une partie
simple. L'idée est de présenter le jeu aux joueurs. Ce qui veut dire écrire
quelque chose qui fasse ressortir ses différents aspects-clés.
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[NdT1] Arthur est surnommé
Moustique à cause de sa carrure dans Merlin
l'enchanteur de Walt Disney. |
Le premier point-clé du jeu est l'univers. Si vous
maîtrisez Pendragon, faites que tous les PJ soient chevaliers. Oui,
même les femmes. Pendragon c'est avant tout des risque-tout à cheval,
des rencontres romantiques avec des Dames et défaire les affreuses
machinations des ennemis maléfiques d'Arthur, Roi des Britons. Gardez les
variantes " Tout le monde est un écuyer " ou " Les copains de
Moustique " [NdT1] pour votre partie domestique. Voici la règle 2.
2. Allez à l'essence de l'univers du jeu
Maintenant c'est parti. Le deuxième point-clé concerne les
personnages-joueurs. Il y a plusieurs dangers avec les PJ. L'un d'entre eux
consiste en une feuille de personnage surchargée d'acronymes, d'étranges
symboles et de références à des règles obscures. Voici la règle trois.
3. Ecrivez la feuille de personnage en français
Même si vous pensez que votre feuille de Vampire est suffisamment
explicite en elle-même rajoutez un court paragraphe sur ce qu'est vraiment le
personnage et comment cela est lié au reste de la partie. de toute façons Je
ne me souviens jamais de ce qu'un Ventrue fait, donc un rappel est toujours
bon à prendre. Gardez les décorations sanguinolentes, bien sûr, mais faites
ce petit plus pour rendre la partie facile à jouer.
L'autre maladresse est de surcharger l'historique des personnages. Une
sorcière Verbena se déguisant en Danseuse de la Spirale Noire avec un
gardien Spectre et un familier Pooka pourrait sembler le choix évident pour
votre scénario mais… je n'ai pas la moindre idée de ce dont je parle. Les
niveaux de puissance plus bas sont beaucoup plus simples à gérer en
Convention.
4. Faites simple, imbécile! Et évitez les clichés comme la peste.
Oh non! Deux personnages sont encore secrètement amoureux.*bâillement*.
Certes, cela fonctionne bien pour les mangas où il s'agit d'une base, un
exemple de la règle 1, pas d'un cliché. Mais dans D&D 3ème
édition ? Il n'y a pas vraiment de place pour les amants maudits dans Conan.
Faites donc dévorer la promise du héros par des pygmées cannibales par tous
les moyens mais n'ayez pas d'interludes romantiques sous la charmille.
Le décor est en place, les joueurs ont lu et compris leurs feuilles de
persos. Maintenant, c'est lumière, caméra et action. Et j'ai bien dit ACTION
! Donnez quelque chose à faire aux joueurs. Ils ne vont jamais voir en quoi
consiste le jeu s'ils passent la moitié du scénario à débattre du prix de
leurs chambres avec le propriétaire. C'est arrivé dans ma dernière partie
de Dying Earth et ça n'a vraiment pas constitué un bon début. Ce
n'est pas avant que des choses commencent à bouger que les nouveaux joueurs
ont réussi à s'impliquer.
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[NdT2] référence au roman victorien de
Charlotte Bronte, Jane Eyre |
Vous vous souvenez de cet exemple plus haut dans
l'introduction? Arrivé ici, vous devriez penser en termes de cinéma, pas de
littérature. Nous ne nous soucions pas vraiment de " lecteur, tu l'as
épousé "[NdT2], nous voulons d'un Darcy trempé qui fonce à cheval au
travers de la pelouse de croquet pour sortir la belle Emma du lac. Une
comédie de mœurs est déjà assez difficile avec vos joueurs habituels alors
ne vous attendez pas à des miracles de la part d'étrangers complets, parfois
antagonistes. Voici la règle 5 :
5. ACTION! Faites bouger les choses!
Avec cela en tête, pensez aux règles. Permettez aux joueurs de s'habituer
progressivement à elles.
Ne commencez pas avec un combat de deckers dans Shadowrun, commencez
avec une simple transaction de rue ou un test de dissimulation. Même pour les
joueurs expérimentés il y aura sûrement des manies dans la manière dont
vous menez la partie. Pour éviter la situation ou des joueurs embrouillés en
sont réduit à vous citer des passages des règles, expliquez clairement dès
le début la façon dont vous maîtrisez. Non seulement cela leur montrera qui
est le patron, mais cela calmera les nerfs des joueurs, qu'ils connaissent le
jeu ou non
6. Commencez par des exemples de règles simples et augmentez leur
complexité, si vous le devez.
Finalement nous arrivons à la dernière règle. Même si vous excellez
dans le reste, si vous échouez ici, les buissons d'herbes commenceront à
rouler au milieu de la table comme dans une rue de western et des vautours se
percheront sur votre écran de MJ, une heure après le début de la partie. La
seule chose qui vous rappellera que la partie fut vivante sera la puanteur.
Malheureusement c'est aussi la plus dure des leçons à apprendre.
Les deux armées se font face d'un bout à l'autre des plaines. L'une est de
chair et de sang, l'autre est robotique, insensible et mortelle. Un sacrifice
héroïque est sur le point d'être fait. Et un co**ard qui se croit malin a
l'idée brillante de remonter le moral en faisant tomber un clown sur ses
fesses au premier plan. Merci beaucoup, M. Lucas.
Ne faites pas ça. C'est tout.
Ayez absolument des interludes comiques dans vos parties, mais ne les laissez
pas ruiner les moments de grande tension dramatique. Ne les laissez pas
dissiper les sentiments de danger et d'excitation. Voici la règle 7.
7. Montez la tension
C'est la plus difficile des règles parce que vous devez faire trois choses
en même temps. Vous devez vous fier à vos talents d'écrivain pour créer un
moment de danger réel. Le meilleur moyen pour cela est de présenter un
dilemme moral aux personnages. Doivent ils sauver la princesse ou le Royaume ?
Que se passera-t-il s'ils rapportent les œufs d'alien à Weyland-Yutani ? Au
moins les colons vivront.
Soumettez leur un choix difficile, un où quelqu'un devra souffrir. Vous devez
ensuite amener ce moment dramatique d'une manière qui crée l'ambiance
adéquate.
Faites en sorte que les PNJ argumentent pour chacun des deux choix, de
manière convaincante. Pressez les joueurs par le temps. La décision doit
être prise maintenant. Ne leur laissez pas de temps pour penser ou peser
chaque conséquence de leurs actions.
Puis, si vous êtes un véritable enfoiré, choisissez le pire scénario parmi
ceux que les joueurs imaginaient ne pas pouvoir arriver. Celui qu'ils viennent
de rejeter parce trop improbable. Inventez rapidement une raison, et
balancez-le leur à la figure.
Enfin vous devez gérer vos joueurs de manière à ce qu'ils ne puissent pas
gâcher le scénario. Parce qu'ils vont le faire.
Ils citeront stupidement Aliens ou Ghostbusters pendant une
scène avec un mourant. Ils parleront en chiffres au lieu d'actions : "
327 PV de dommage, grave ! " au lieu de " Je transperce le cœur
noir de la bête avec la rapière de mon père ". Ils s'éclipseront pour
aller chercher des boissons. Ils se mettront même à parler de Cleopatra
2525 comme si cela pouvait être meilleur que votre partie un jour!
Cependant si vous maintenez la tension assez élevée, ils ne se soucieront
pas de telles choses. Ils seront bien trop occupés à s'amuser. Dans les
conventions, où le JdR est une nouveauté pour beaucoup, où le cadre est
souvent moins qu'idéal, vous devez faire que l'attention des joueurs reste
centrée sur quelque chose d'important. La Tension Dramatique fera cela pour
vous.
Dans un Des médias au media : réclamer une
place pour les JdR ptgptb, J.S
Majer affirmait que le jeu de rôles était juste " la maîtrise de
techniques spécifiques, plus un sens de la composition ". Ici j'espère
que j'ai couvert quelques-unes des techniques et abordé la composition d'un
bon scénario pour conventions.
Cet article est dédié aux gens de la RPGA qui, sauf quelques rares
exceptions, ne reconnaîtraient pas un bon scénario même si il leur mordait
les fesses.
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