La Loi et l'ordre dans les mondes imaginaires
3ème partie: Les Forces de l'Ordre
par M. Joseph Young
Où l'auteur examine les nombreuses et intéressantes
manières de discipliner et de punir
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A la lecture du sous-titre de cet article, vous pourriez vous attendre à ce
qu'il parle de la police; un aspect important de l'application de la loi dans
tout système légal, mais qui a déjà été traité dans nos précédents
articles. Cette dernière partie concerne plutôt ce qui donne au droit ses armes
: les châtiments. Comment punissons-nous nos criminels, et comment le
justifions-nous ? Ces questions ont elles aussi des effets très significatifs
sur les sociétés que nous élaborons, et peuvent sérieusement affecter la vie
des personnages dans nos univers de jeu.
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Vous venez de débarquer dans cette série ? Vous
trouverez ici la partie 1 et la partie
2. |
Nous avons précédemment souligné que la séparation entre notre police et
nos tribunaux permettait de protéger les droits des suspects. A la
différence du modèle féodal, on trouve deux autres distinctions importantes
qui ont des répercussions sur l'univers de jeu : la police est-elle une
branche de l’armée ? Et est-elle en charge du châtiment des
criminels ?.
De nombreux univers dans lesquels nous jouons ont des gouvernements civils, et
non féodaux ou militaires. Si l'armée contrôle les forces de police
intérieure, l'application de la loi a tendance à être plus stricte et plus
rigoureuse, et à développer une mentalité de "guerre contre le
crime" : le suspect est l'ennemi et est traité comme tel. Souvent, les
chefs militaires progressent dans la hiérarchie grâce à leur rigueur et
leur discipline, et ils attendent ces mêmes qualités non seulement des
hommes qui sont sous leurs ordres, mais aussi de toute la population. Le
trouble de l'ordre public dans une taverne peut ne pas être illégal, mais
les personnages impliqués seront considérés comme des suspects dans toute
enquête future. Après tout, l'ébriété et d’autres comportements
indisciplinés sont les signes d'une personne instable, susceptible d'être un
criminel. Ainsi tous les personnages célèbres pour leurs bastons à la
taverne locale seront les premiers interrogés dès qu'un problème apparaîtra.
Voici un aspect qui a plus d’impact sur une campagne de jeu en général : les
chefs militaires qui ont autorité sur la police intérieure ont une base de
pouvoir très solide, et tendent à percevoir les dirigeants civils comme
laxistes vis-à-vis du crime, et mous sur les problèmes de défense. Cela crée
en soi une instabilité, et la réponse d'un général à l’instabilité est
de déposer le pouvoir faible, de supprimer les opinions contraires, et d’établir
un gouvernement ferme et stable dirigé par la seule personne en qui il puisse
avoir confiance : lui-même. Les personnages ont toutes les chances d'être
balayés par les événements lors d'un coup d'état militaire dans un tel
environnement.
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Bafouer les droits des personnages est un
excellent moyen de les rendre fous et de démarrer une aventure, mais allez-y
prudemment. Si vous êtes trop injuste, les joueurs pourraient se sentir
lésés. |
La séparation du châtiment des criminels d'avec la
détention des suspects a également des conséquences notables. Quels que
soient les droits qu'aient les citoyens, ceux qui sont reconnus coupables d'un
crime en perdent la plupart. Les droits des suspects doivent être protégés,
mais les droits des criminels sont nettement moins importants. Que ce soit les
mêmes personnes qui s'occupent à la fois des suspects et des criminels ne fait
que brouiller la distinction - après tout, un prisonnier est un prisonnier, et
même si vous les habillez de couleurs différentes, ils se ressemblent pas
mal.
Etant donné la paresse instinctive des gens, cela signifie que les suspects
seront traités comme des criminels. Dissocier la police du système
pénitentiaire améliore le traitement des suspects, car la police ne prend en
charge que des prisonniers qui ont des droits.
Mais comment justifions-nous l’idée même de châtiment des criminels?
Quelles que soient les méthodes de punition, elles incluront des éléments
qui, dans un autre contexte, seraient criminels : ne tuons-nous pas des
meurtriers, violentons des violents, et incarcérons des kidnappeurs ? En
agissant ainsi, nous, en tant que société, faisons exactement ce que nous
qualifions de criminel pour un individu.
En tant que culture, nous avons besoin de justifier pourquoi ce qui est mal dans
certains circonstances est bien dans ce cas-là. Nous avons besoin d’une
philosophie du châtiment. Déterminer la philosophie du châtiment qui prévaut
dans votre univers de jeu vous donnera tout de suite une idée de son système
judiciaire, et devrait générer quelques situations très intéressantes pour
les personnages.
Depuis les débuts du droit écrit, la philosophie du châtiment à travers le
monde a été la rétribution: le criminel reçoit ce qu'il mérite. Ce fut le
fondement du concept de justice : il est "équitable" et
"juste" de punir quelqu'un à un degré équivalent au méfait qu'il a
commis. Que cela soit illustré par "oeil pour oeil" dans la loi
Mosaïque ou par sept jours de prison pour trouble de l'ordre public, il y a de
la logique dans la théorie du châtiment proportionné ; l'idée que
"la punition s'adapte au crime", c'est-à-dire que le criminel subit
une peine qui paie pour ce qu'il a fait.
Cependant, au vingtième siècle, la théorie du châtiment proportionné a
laissé la place à une autre théorie, en fait deux concepts connus sous le nom
de "théorie humanitaire de la sanction". Les partisans de cette
approche, acclamée comme le futur de la justice criminelle, prétendent que la
Rétribution n'est qu'un mot poli pour vengeance, et que nous ne pouvons
prétendre que se venger est faire justice. Ils disent que le but de la sanction
est plutôt de réhabiliter le criminel et de détourner les autres de l’illégalité.
Les détracteurs de cette théorie font observer qu'on ne peut plus alors se
demander si une peine est juste ou non; ce qui importe est qu'elle soigne ou
dissuade. Et cela a une grande importance pour les personnages et le monde dans
lequel ils vivent leurs aventures.
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Pour plus d’information sur le sujet, l’auteur
vous recommande On the Humanitarian Theory of Punishment de C.S. Lewis,
réimprimé dans God
in the Dock
NdT : si vous êtes intéressés par l’historique de la peine en
France, vous pouvez lire cet
article. |
Le concept de la "peine de réhabilitation" suppose que le criminel
est souffrant, mentalement malade et qu’il a besoin d’être soigné. Nous ne
le punissons pas parce qu’il a fait quelque chose de mal et doit en payer le
prix ; nous le traitons comme un patient parce qu’il est anormal, hors
des normes sociales et qui doit être guéri de ses idées incorrectes.
Le MJ attentif remarquera immédiatement que la plupart de ses
Personnages-Joueurs sont un tant soit peu anormaux. Rien que le fait qu’il
aiment partir à l’aventure, explorer des endroits étranges ou à l’occasion
se battre pour leur vie, les met à part de la gens
" normaux ". Il est également probable que leurs aventures
les entraînent dans des lieux où la religion est différente de la leur, où
les concepts politiques ou la philosophie de la vie leurs sont étrangers. Si le
crime est une maladie mentale, il s’en faut de peu pour que la maladie mentale
devienne un crime – et une maladie mentale peut être une chose aussi
insignifiante que ne pas voir le monde comme les autres. Tout à coup, les
Personnages sont arrêtés parce qu’ils sont des aventuriers et sont emmenés
à l’" hôpital " d’où on ne s’échappe pas, pour
être soignés de leurs diverses aberrations.
En outre, si la réhabilitation est l’objectif, les criminels peuvent être
emprisonnés pour des périodes indéfinies : vous serez détenu jusqu’à
ce que les experts soient convaincus de votre guérison. Vous devez changer
votre état d’esprit, ou être assez intelligent pour les tromper, ou encore
vous évader.
L’effet dissuasif souffre d’un biais encore plus important. Pour qu’une
punition dissuade les autres, il faut que ces autres soient convaincus que l’individu
puni est coupable du crime. Si le suspect est jugé coupable, mais que la
population dans son ensemble croit qu’il est innocent, il doit être
libéré ; punir une telle personne n’aurait aucun effet dissuasif mais
encouragerait plutôt à croire que la sanction est arbitraire, et que personne
n’est à l’abri. Cependant, si le suspect est réellement innocent mais
considéré comme coupable, il doit être condamné. Cette punition aura l’effet
dissuasif nécessaire, et une absence de punition renforcerait le sentiment que
un crime peut rester impuni. Tout à coup, le procès ne compte plus ; seul
compte la campagne de relations publiques. La question n’est plus :
"L’a-t-il fait ?", mais "Le gouvernement peut-il
convaincre le peuple qu’il l’a fait ?". Et si l’accusé est un
PJ ou un ami des PJ, il ne suffit pas de prouver son innocence, ni même de
prouver la culpabilité de quelqu’un d’autre. Vous devez persuader les gens
qu’il est innocent, pour que sa condamnation perde sa valeur dissuasive.
Cela pourrait bien faire regretter au personnage emprisonné d’avoir été si
dur avec les villageois.
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Regarder l’épisode de Star Treck :
The Next Generation intitulé Justice pour voir Wesley Crusher
faire face à la peine de mort pour un délit mineur. Malheureusement, il ne
purge jamais sa peine.
[NdT : sur une planète paradisiaque, au milieu d’indigènes
affectueux, Wesley est condamné à mort pour avoir marché sur une pelouse
interdite !]
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Avec la dissuasion, le concept de la condamnation équitable n’existe plus.
Des experts en sciences sociales détermineront ce qui est dissuasif, et on
agira en conséquence. Si on considère que l’on dissuade les gens de l’ivresse
sur la voie publique par une exécution publique des fautifs, alors la sentence
sera la mort.
La culpabilité ou l’innocence du criminel ne sont plus pertinentes. Il est
vain de se plaindre de l’injustice : ce n’est pas censé être juste.
La punition n’a pas besoin de correspondre au crime au sens de la
Rétribution, et le joueur dont le personnage est condamné découvrira que son
innocence importe peu, que le fait que personne n’ait été blessé ne compte
pas, et que l’apparente nature mineure du crime ne compte pas non plus :
il va être exécuté pour avoir marché sur la pelouse en face du tribunal, de
façon à ce que personne ne recommence par la suite.
Maintenant que nous avons décidé pourquoi punir, nous devons décider comment.
Il est difficile de lire la loi Mosaïque sans remarquer le nombre de crimes
punis de mort ou de bastonnade. Ce sont à nos yeux des châtiments cruels en
comparaison de la simple incarcération, mais où une société nomade primitive
pourrait-elle incarcérer ses criminels ? " Hé, Elie, cette
tente est la prison ; pourrais-tu s’il te plaît la ranger sur cette mule
là-bas ? Nous partons. Quand nous aurons atteint de nouveaux pâturages,
tu pourras la réinstaller et te remettre dedans."
L’incarcération est une punition coûteuse, même dans des sociétés qui ont
des habitations fixes. Les prisonniers doivent être surveillés, nourris et
doivent bénéficier d’un minimum d’hygiène (à moins qu’ils n’aient
été condamnés à la mort par emprisonnement). Peu de petites villes auront
les installations ou la main d’œuvre suffisantes pour détenir qui que ce
soit plus de quelques semaines, et souvent cela sera difficile même pour
quelques jours. Les plus grands pays peuvent avoir des systèmes de prisons
centralisés, et transporteront les personnages des villes où ils ont été
arrêtés vers les forteresses où ils doivent être détenus. Et toutes les
cultures ne considèrent pas que les prisonniers doivent être traités avec
humanité. Même aujourd’hui, dans certaines parties du monde, les prisons
sont infestés de vermine, les prisonniers meurent de maladie, sont battus par
les gardiens ou d’autres prisonniers, sont sous-nourris et n’ont pas d’eau
" propre ". Un personnage en prison peut mourir d’une
bonne douzaine de façons lors d’un emprisonnement très bref. Même s’il
survit, il peut être affaibli et devenir fou, et en sortir bien moins en forme
qu’à son arrestation. Il peut même ne plus être capable de gagner sa vie et
ainsi être forcé de revenir au crime…
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Les joueurs ont tendance à voir une période de
prison comme du " temps mort " où ils ne peuvent pas
jouer leur personnage. Faites leur prendre conscience de la dure réalité en
leur faisant interpréter cette période ou en jetant les dés pour savoir s’ils
survivent, ou à quel point ils ont été blessés. |
Pour diminuer les coûts, l’incarcération est souvent accompagnée de travail
forcé. Le criminel travaille pour s’acquitter de sa faute et subvient à son
propre emprisonnement.
Mais de nombreux univers auront des moyens de punition alternatifs, et le meneur
devra également les prendre en considération, en gardant à l’esprit que la
théorie de la sanction influencera à la fois la méthode et la quantité et,
en vérité, déterminera si le châtiment est considéré comme une
" punition " ou non.
Le châtiment corporel, bien que rejeté par la pensée moderne, est
probablement la forme la plus commune de punition dans l’histoire. Si vous
êtes condamné pour un crime, vous serez battu un nombre approprié de fois et
vous en serez quitte ; ensuite, vous pourrez partir. La loi Mosaïque
limitait le nombre de fois de coups portés dans une seule bastonnade ;
mais les Romains n’avaient pas ce genre de limite. Ils utilisaient un fouet à
plusieurs lanières (le " chat à neuf queues "), souvent
renforcé de morceaux de métal et battaient parfois un criminel jusqu’à la
mort. A travers l’histoire, les criminels ont été soumis à bien d’autres
formes de punitions corporelles tout aussi pittoresques.
La torture est plus couramment utilisée dans la phase du procès, comme moyen
d’extraire une confession de l’accusé. Cependant, historiquement, cet usage
était prévu pour le bénéfice de la victime de la torture. Si l’accusé
avait été condamné à mort, on jugeait important qu’il ait confessé ses
crimes avant de faire face au jugement dans l’au-delà, afin qu’il puisse
sauver son âme. On considérait également qu’il était nécessaire que le
criminel " soulage son âme " en révélant le nom de ses
complices, ce qui permettait de poursuivre l’enquête. La confession d’une
victime de la torture ayant livré le nom d’un personnage sur le lit de mort
conduira à une enquête ; aucun honnête inquisiteur ne pourrait croire
que sa victime ne mente rien que pour se venger d’un ennemi.
Mais il y a une autre forme de punition corporelle, qui a pour but d’avoir des
effets permanents. Dans certaines cultures, ceux qui sont condamnés pour
certains crimes sont défigurés, couramment au fer rouge, de façon à ce que
les autres connaissent leurs crimes à leur vue. D’autres mutilations sont
liées au crime commis : couper la main d’un voleur, crever les yeux
d’un espion, castrer un violeur. Le personnage qui subirait une telle punition
dans un univers primitif pourrait ne pas y survivre ; s’il y parvient, sa
carrière ne sera plus jamais la même.
La mort est le châtiment corporel ultime ; mais elle a également un but
pratique. Dans les cultures primitives et nomades, il n’y a aucun autre moyen
de s’occuper des criminels qui sont susceptibles de continuer à causer du
tort et de semer le chaos dans le futur. Vous ne pouvez ni les emprisonner ni
être certain de pouvoir les tenir à distance. Ils doivent être stoppés, et
c’est la seule façon d’y parvenir. Projetons-nous maintenant dans le futur,
dans un monde en expansion. Il sera plus facile pour les criminels de se cacher,
de partir vers d’autres lieux, de disparaître dans une autre ville, un autre
pays, sur une autre planète. Les mettre à mort est une solution concrète et
économique à ces risques – et cela a aussi un fort effet dissuasif.
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Les joueurs n’aimeront pas du tout qu’un
méchant meure rapidement et facilement par la main de quelqu’un d’autre
(ou par la sienne) – cela leur prive du sentiment de victoire. C’est une
jolie manière de rendre mauvais un méchant, même dans la mort. |
Il y a une autre question souvent évitée au sujet de la peine capitale.
Doit-elle être douloureuse ? Pendant des siècles, la pensée occidentale
a considéré que l’exécution était une punition en soi, et devait être
aussi humaine qui possible. Mais cela est absurde pour certaines cultures.
C’est la douleur de l’exécution qui est l’essence de la punition, et
certains crimes méritent une mort plus horrible. Une mort rapide et sans
douleur serait de la pitié dans un tel univers. Plus la vie devient incertaine,
que ce soit à cause de la peste, de la misère ou de la guerre, plus une
exécution rapide et sans douleur devient miséricordieuse – d’autant plus
pour ceux qui croient en un au-delà meilleur. Commettre un crime
particulièrement odieux (ou au moins le confesser), deviendrait un moyen de
quitter les horreurs du monde pour une vie meilleure.
Mais pour beaucoup, la peine de mort est inacceptable. Certaines sociétés, ne
souhaitant pas commettre sur autrui ce qu’elles condamnent, ont recours au
bannissement : le criminel quittera le pays et n’y reviendra jamais, ou
il devra subir d’autres peines plus lourdes. Dans les temps anciens, l’alternative
était la mort, et dans de nombreux cas, elle était préférable. Etre privé
de tous ses biens, de son statut social, de son foyer et de tout contact avec sa
famille, rejeté de tout ce qui vous est familier vers des lieux où rien ne
correspond à votre idée de la civilisation, pas même la langue, et être
considéré par tous ceux qui vous entourent comme un étranger, équivaut à la
mort sous toutes ses formes exceptée la plus basique. Sans moyens de subvenir
à vos besoins, votre mort est de toutes façons fort probable.
Aujourd’hui le concept de bannissement réapparaît : une ville des
Etats-Unis a établi que toute personne impliquée dans des activités liées
aux gangs dans ses limites devait choisir entre quitter la ville pour toujours
ou aller en prison. Mais elle a sous-estimé le problème du bannissement dans
un monde fortement peuplé. Lorsqu’il y a des terres stériles et désertes,
les individus bannis sont livrés à eux-mêmes ; mais lorsque les villes
bordent d’autres villes, que les pays bordent d’autres pays, une telle
déportation revient à rejeter votre problème sur quelqu’un d’autre, et il
risque de ne pas être content. Même avec des terres inhabitées, une fois que
les criminels sont bannis, ils formeront leur propre société, et pourraient
bien revenir en force pour prendre la terre de laquelle ils furent chassés et
les foyers qu’ils ont connus autrefois.
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Une armée, une ville ou une planète de
criminels, une société formée par ceux qui sont en dehors de la société,
est un formidable ressort dramatique. Robin des Bois, Alien 3, New York 1997 en
sont des exemples |
Dans une variation sur le même thème, certains pays ont créé des colonies
pénitentiaires éloignées dans des lieux non développés. La plus célèbre
de celles-ci est l’Australie, où pendant des générations les Britanniques
ont déporté leurs criminels après que l’Amérique cesse de les accepter. Il
y a eu des îles semblables et des endroits isolés utilisés de cette façon
dans le passé, et les univers de science-fiction nous ont suggéré que des
planètes habitables mais inhospitalières pourraient être employées ainsi
dans le futur. Malheureusement, ces colonies peuvent trouver un moyen de devenir
des pays en tant que tels. Certaines peuvent devenir des sociétés austères et
effroyables où la survie et la loi du plus fort peuvent mener à de violentes
luttes de pouvoir. Mais les enfants de criminels ne sont pas toujours des
criminels, et les nécessités de la vie créeront une économie, un
gouvernement et une culture là où les gens se sont rassemblés. Et lorsque le
nouveau pays décide qu’il ne veut plus des criminels de l’ancien, ce
système [de déportation] ne fonctionne plus. Peut-être un autre endroit
peut-il être découvert ; mais de tels domaines se font rares quand la
population augmente.
Dans de nombreux cas, le châtiment peut-être économique : laissons le
criminel payer son crime en espèces. Cela pose la question du prix d’une vie,
mais il peut arriver que même pour un meurtre, un paiement à la famille
survivante de la victime et un paiement supplémentaire à l’état soient
suffisants. C’est un système très pragmatique sous de nombreux aspects. La
jeune veuve préférerait avoir son mari, qui travaillait dur, en vie plutôt
que n’importe quelle somme d’argent ; mais si elle est perçoit plus d’argent
que son mari n’aurait pu en gagner dans toute sa vie, le tueur a été puni et
le mal au moins atténué. Dans les tribunaux modernes, les amendes payées à l’état
sont d’habitude considérées séparément des dommages et intérêts versées
aux victimes. Cependant, pour de nombreuses infractions et dans de nombreux
systèmes judiciaires, l’argent peut être nécessaire pour payer son crime,
mais il peut ne pas être suffisant.
Le travail forcé peut refaire ici son apparition. Le criminel incapable de
payer peut être obligé à travailler pour rembourser sa dette, soit dans des
grands travaux étatiques, soit au service de la victime. Certains permettront
au criminel d’être vendu en esclavage, le produit de la vente allant à la
victime (ou au juge).
Au plus bas de l’échelle des punitions, certaines cultures font confiance à
l’humiliation. Quelqu’un qui est mis au pilori au milieu de la ville souffre
peu de blessures physiques ; et il perdra au plus un jour ou deux. Mais les
gens le verront, les enfants se moqueront de lui et tous se souviendront du
visage de l’homme pris dans le carcan ce jour-là. Le châtiment est infligé
à sa réputation. Dans d’autres cultures, cela peut-être fait d’autres
manières. Le marquage au fer rouge a été utilisé de cette façon,
stigmatisant clairement le criminel par la nature de son crime, et le privant de
nombreux droits dans certaines cultures . Le PJ pris une fois et marqué pour
ses crimes sera par la suite accueilli avec suspicion partout où il ira, et de
même pour ses compagnons, qui fréquentent un criminel notoire.
En Orient les criminels condamnés à mort n’était généralement pas tués,
mais rituellement " déclarés morts " lorsque l’épée
leur touchait la nuque. Ils étaient privés de tous leurs droits, de leur
statut, de leurs biens, et rejetés comme des parias – morts, excepté le fait
qu’ils étaient toujours en vie. De nos jours, beaucoup de suspects innocents
se sont plaints des torts faits à leur réputation par les journaux
télévisés; mais de tels médias peuvent être intentionnellement utilisés
pour diffuser les infractions des criminels et exposer leurs délits au monde.
La " Loi Megan " (une loi souvent copiée qui oblige
les délinquants sexuels déjà condamnés à révéler leur identité à la
communauté dans laquelle ils vivent) a été saluée par beaucoup comme un pas
vers la protection des enfants, mais c’est aussi prolonger la peine du
criminel. A cet égard, les anciens concepts de marquage au fer n’auraient pas
pu être beaucoup plus efficaces.
Néanmoins, dans la plupart des mondes, les criminels seront emprisonnés, soit
pour une certaine durée, soit jusqu’à ce que les experts décident de les
relâcher. Mais les univers de science-fiction ont suggéré un autre concept,
celui de l’emprisonnement " hors du temps ".
Le principe de l’emprisonnement hors du temps est de soustraire le criminel de
la société, et de l’y ramener dans le futur, sans qu’il n’ait la
sensation du temps qui passe. Les méthodes typiques sont l’animation
suspendue et la stase temporelle. Mais dans ce cas, comment est puni l’individu ?
Ou bien, comment est-il réhabilité ? D’un point de vue pratique, cela a
peu de sens. Il y a des gens qui paieraient pour avoir le privilège de se
réveiller dans le futur sans avoir vieilli d’un jour. Mais sur le plan de l’intrigue,
cela ouvre certaines perspectives intéressantes. Des Personnages-Joueurs
condamnés pour un crime pourraient se réveiller dans un monde entièrement
différent de celui dans lequel ils ont été arrêtés, découvrant peut-être
que leur peine a été commuée car ce qu’ils ont fait n’est plus
répréhensible, ou découvrant alors qu’ils ont été tenus à l’écart
durant de nombreux siècles, oubliés lorsque le gouvernement qui les avait
emprisonnés perdit le pouvoir. Même s’ils n’ont pas de revenus faramineux
provenant des intérêts bancaires cumulés sur leur compte , cela pourrait
être le début d’une aventure où ils tentent de retrouver les trésors qu’eux-mêmes,
ou d’autres, ont caché longtemps auparavant, avec juste quelques vieux
repères pour les guider. Inversement, des personnages âgés pourraient se
retrouver face à un ennemi vengeur surgi de leur passé, qui, lui, n’a pas
vieilli d’une journée. Leur familiarité avec le monde s’opposerait à sa
jeunesse et sa vigueur. Même de nouveaux personnages peuvent être confrontés
à un infâme criminel du passé ; décider a posteriori qu'un
ancêtre d’un des personnages a joué un rôle clef dans la capture de cet
individu lui donnerait de nombreux motifs de poursuivre le groupe.
Comme vous pouvez le constater, prendre en considération les manières dont le
crime est défini, jugé et puni enrichit d’une façon certaine votre pratique
du jeu de rôle sur de nombreux aspects. Chaque étape du processus légal vous
permettra de définir des univers de jeu, d’éprouver les personnages et vous
inspirera des idées d’aventures. Parfois les joueurs trouveront la loi la loi
de leur côté, parfois ils la verront jouer contre eux ; mais si le meneur
a réfléchi aux systèmes légaux de son univers de jeu, elle sera constamment
présente, soutenant les personnages, s’opposant à eux et les défiant tout
le long de leurs aventures.
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M. Joseph Young est co-auteur de Multiverser : The Game et
vice-président chargé du développement de Valdron Inc. Il est
diplômé de la Widener University School of Law. Il a abondamment écrit
sur de nombreux sujets dont les jeux de rôle, le droit et la théologie, la
plupart étant à disposition sur le réseau et en grande partie indexée de
façon pratique. Cet article est le troisième et dernier de la série.
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Traduit par Antoine Drouart. Tiré de PTGPTB
n°11, avec l'aimable autorisation de Steve Darlington. Aucune reproduction
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