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Les héros… On compose légendes et chansons en
leur honneur et la majorité des campagnes en font les alter ego chéris et
imaginaires des joueurs. Ils vont du « scélérat au cœur d’or » jusqu’à
« l’inébranlable forteresse de pureté et de bonté » mais sont pour l’essentiel
au coeur de toute campagne de fantasy. Ils en sont le nerf, le noyau
dur autour duquel les histoires gravitent et un des éléments clefs de la
campagne. Sans eux, l’histoire ne serait rien ; en fait, on pourrait dire
que sans les héros l’histoire ne pourrait même pas exister. Ils sont l’alpha
et l’oméga de l’histoire. La plupart des joueurs le savent et c’est ce
qui les fait revenir encore et encore. L’idée qu’ils puissent être le
soleil autour duquel tourne le monde imaginaire soigneusement détaillé du
maître du jeu est particulièrement attrayante. Elle flatte leur part de
vanité, leur désir d’évasion et ils viennent en redemander semaine après
semaine.
Pourtant, dans les profondeurs du cœur de tout maître du jeu repose une
vérité plus sombre, une motivation bien plus sinistre qui les pousse à
raconter leurs histoires. Elles ne concernent en rien les héros: ce sont des
histoires de méchants.
Certes, les héros gagnent. Ils ont la gloire, l’or et les femmes mais à la
fin de la campagne, l’histoire a toujours été celle du méchant. La
plupart des maîtres du jeu tentent de ne pas laisser leurs joueurs découvrir
la vérité, mais ces derniers le savent. Depuis le début, le récit était
celui du méchant. Après tout, c’est lui qui mène l’histoire ; il
propulse l’intrigue et sert de référent moral auquel se mesurent les
héros. Sans sa vilenie les héros seraient désœuvrés et ne quitteraient
même pas l’auberge. Ils resteraient assis à se remplir du cru local sans
rien faire. C’est le méchant qui leur donne un but et les maintient actifs.
Considérez le fait que dans la plupart des campagnes les joueurs comptent sur
les amorces d’intrigue générées par leurs méchants pour les motiver, les
guider dans la bonne direction et leur servir de source du mal qu’ils
doivent vaincre. Sans un méchant minutieusement préparé et détaillé,
débordant de complots et de basses méchancetés, que serait le héros moyen?
Il serait juste un autre homme du peuple avec une épée et un rêve.
Créer un méchant, ses hommes de main, ses alliés et ses fidèles
subordonnées est l’aspect le plus essentiel de la création d’une
campagne pour le maître du jeu. Le méchant est le reflet sombre des héros.
Il est leur antithèse, leur ennemi le plus intimidant et le plus
implacable.Il est celui qui donne un sens à leurs actes. Sans un méchant
digne de ce nom, les héros ne peuvent pas atteindre les vrais sommets de l’héroïsme,
sans sa noirceur, ils ne peuvent pas briller. C’est pour cela que la
préparation du méchant doit être mûrement réfléchie. Tout joueur attend
de son maître du jeu qu’il fasse de son personnage un héros. Sans un
méchant vraiment satisfaisant contre lequel partir en croisade, la campagne
peut sembler creuse, les menaces superficielles, et les héros rien de moins
que des caricatures de papier défaisant des hommes de paille.
En préparant ces antagonistes-clés pour le joueur, le maître du jeu doit
établir quatre éléments pour créer son méchant : ses objectifs, sa
motivation, ses méthodes et sa personnalité. Une fois ces points définis,
tout autre choix nécessaire pour développer son méchant en herbe se fera de
lui-même. D’où la nécessité d’accorder une attention particulière à
ces quatre points. Si les fondements du méchant sont précaires, celui-ci ne
pourra offrir un contraste valable aux joueurs et ne sera rien de plus qu’un
énième PNJ sans visage. Certes, un de ceux avec une importante récompense
en XP à la fin, mais certainement pas l’adversaire mémorable qu’il
mérite d’être.
Objectifs : Qui voulez-vous conquérir aujourd’hui?
La première et sans doute l’étape la plus importante dans la création
d’un nouveau méchant est de déterminer ses objectifs. Cela va aider à
établir tout ce qui le concerne par la suite. Il y a peu de choses que le
maître du jeu a besoin de décider alors qu’il définit les objectifs
moteurs de son grand méchant: le niveau de puissance des objectifs en
question et le type d’objectifs qu'il a l’intention de poursuivre.
Niveau de puissance
Le niveau du groupe devrait aider à déterminer l’envergure de leur
ennemi. Envoyer les personnages joueurs fraîchement sortis de leur village
affronter les méchants qui veulent conquérir le monde est le meilleur moyen
de les tuer rapidement. Au début, les personnages devraient avoir affaire à
des méchants de niveau faible ou moyen, comme le sont les hommes de main de
méchants plus grands et plus terribles. Ce faisant, leurs objectifs devraient
être ciblés et suffisamment petits pour que les personnages aient une chance
d’interférer de façon significative. L’idéal est que les personnages
interagissent avec un panel de méchants de bas étage qui, s’ils ne
travaillent pas pour votre grand méchant, sont du moins manipulés par lui.
Rappelez-vous: tant que le niveau du groupe est faible, le grand méchant
devrait à peine avoir conscience de leur existence même. A mesure qu’ils
progresseront, ils attireront de plus en plus son attention tandis qu’il
déjoueront encore et encore les diverses manigances de son grand projet. Dans
le même ordre d’idées, rappelez-vous qu’à bas niveaux les joueurs ne
devraient découvrir que des activités mineures du grand méchant. Par
exemple : le grand méchant a besoin de détourner un chargement à
destination d’un lointain royaume et a engagé des maraudeurs pour s’en
occuper. Il a commencé par échauffer une horde de gobelins environnante dans
le but de distraire la milice locale, ou bien il a engagé un groupe rival d’aventuriers
pour acquérir un objet que les Personnages-Joueurs (PJ) recherchent. Ce sont
là des petits riens qu’un groupe de faible niveau peut prendre en main et,
dans un premier temps, il ne devrait pas y avoir de relation apparente avec un
quelconque dessein supérieur. Avec le temps, les liens entre les objectifs de
faible, moyen et haut niveau du grand méchant devraient devenir plus
évidents alors que les PJ commencent à se faire une idée de son véritable
objectif.
Cela ne signifie pas qu’au bout du compte les maîtres du jeu doivent
simplifier les objectifs du grand méchant, seulement les échelonner de
manière à créer des défis adaptés aux PJ Pendant que les PJ contrarieront
la réalisation des plus petits objectifs, ces derniers vont constituer la
base des objectifs plus vastes et plus essentiels du plan ultime du grand
méchant.
Cela permet aux personnages de passer du statut « d’illustres inconnus »,
à celui de « menaces potentielles », en passant par « petites nuisances
», pour enfin culminer comme « ennemis légitimes du grand méchant ». Qui
plus est, dévoiler progressivement les plans du grand méchant à travers l’utilisation
d’objectifs graduels permet aux joueurs de commencer à sentir qu’ils ont
un sérieux impact sur le grand méchant.
Phase Un : Collecte de ressources et manœuvres
Dans les niveaux 1 à 5, le grand méchant devrait se concentrer sur l’étape
« collecte de ressources » ou sur l’étape « manoeuvres stratégiques »
de son plan ultime. C’est pendant ces niveaux là que le grand méchant a
commencé à préparer le terrain pour son objectif final en acquérant des
fonds, en mettant ses serviteurs en position, en agitant les monstres du coin
ou en semant la dissension au sein de la population locale. Pour l’heure,
toutes ces choses sembleront insignifiantes, mais rétrospectivement elles
devraient s’affirmer comme les premiers symptômes d’un problème plus
large. Ces petits objectifs donneront le temps aux personnages joueurs d’amasser
les points d’expérience nécessaires pour s’en sortir faces aux objectifs
de niveau moyen du grand méchant. Il est facile d’insérer d’autres
aventures indépendantes du grand méchant et c’est recommandé au cours de
la campagne. En raison du caractère banal de ces étapes, il est tout à fait
acceptable d’ajouter librement quelques objectifs qui sont faciles pour les
personnages-joueurs dans le but de créer des liens avec les événements qui
devront exister dans la phase suivante. Souvenez-vous que cette phase n’est
rien d’autre qu’une mise en bouche pour le gros des objectifs de la phase
suivante.
Phase Deux : Consolidation
Du niveau 6 au niveau 12, le grand méchant commence la phase de ‘consolidation’
de ses plans. C’est là qu’il cherche à utiliser les ressources acquises
durant la première série d’objectifs pour commencer à évoluer vers la
prochaine et, il l’espère, dernière étape de son grand plan, la phase «
d’exécution ». Au cours de la phase de consolidation, le grand méchant
continue très probablement à acquérir des ressources et à implanter
espions et serviteurs aux endroits stratégiques, mais à plus large échelle.
S’il prenait d’assaut les caravanes d’armes pour équiper ses troupes
lors de la première phase de son plan, il commence désormais à planifier
des attaques sur des cibles plus importantes, tels que des armureries, des
laboratoires d’alchimie pour concocter du feu grégeois, des mines naines
pour le mithril et ainsi de suite. Il devrait également commencer à
esquisser des objectifs plus directs qui contribueront au succès de son plan
général. Assassinats, escarmouches à la frontière et hommes de main
envoyés en quête d’artefacts sont tous appropriés pour de tels niveaux.
Ces objectifs de niveau moyen devraient servir à constituer des maillons plus
évidents d’une grande chaîne de vilenie pour ainsi suggérer un dessein
plus large et une seule intelligence derrière les évènements. C’est au
cours de cette phase que les actions des personnages-joueurs doivent commencer
à être remarquées par le méchant. Jusqu’à maintenant, ils avaient
légèrement déréglé son planning, nécessitant de faire venir du matériel
et de la main-d’œuvre depuis d’autres endroits, ou avaient dénoncé
publiquement des pions de bas niveau qui pouvaient être aisément remplacés.
Maintenant ils ont commencé à endommager les éléments d‘objectifs
nécessaires à l’accomplissement de son plan ultime. En toute
vraisemblance, ils ont suffisamment attiré son attention pour passer vers un
sous-ensemble de l’objectif « consolidation »: la « suppression d’obstacles
».
Phase 2.5 : Suppression d’obstacles
La suppression d’obstacles devrait relever des niveaux 13 à 16. C’est
au cours de cette période que le méchant commence à envoyer sa garde
personnelle pour s’en prendre aux personnes et aux lieux qui entravent
directement ses objectifs. Cela ne signifie pas que les personnages-joueurs n’ont
pas eu d’altercations avec certains de ses plus puissants hommes de main
dans le passé. En toute vraisemblance, le groupe et les serviteurs ont déjà
eu des accros auparavant. Il est même encore plus probable que les
sous-fifres aient averti le grand méchant que les personnages-joueurs
pourraient devenir un problème par la suite et que leurs avertissements n’aient
pas étés écoutés jusqu’à présent. C’est le moment où toute l’inquiétude,
l’irritation et la haine que ces méchants de niveau moyen ont accumulé
envers les personnages est sur le point d’éclater. C’est l’heure où le
méchant lâche la bride de ses hommes et que ces derniers foncent alors droit
sur les personnages.
A ce stade, les personnages ont vraisemblablement dû contrecarrer des
opérations ou des missions placées directement sous la responsabilité des
plus proches lieutenants du grand méchant, qui attendent leur vengeance tout
en rongeant leur frein.
A ces niveaux, le maître du jeu devrait mettre au clair, au cas où les
joueurs ne s’en seraient pas encore aperçus, qu’il y a une tête pensante
à l’œuvre derrière tout ça, et que ces méchants de niveau faible ou
moyen travaillent pour elle. Ce sont les niveaux où les méchants commencent
à riposter, en traquant les contacts des personnages, leurs alliés, leur
famille et leurs amis puis en les menaçant, les enlèvant, en somme, en leur
pourrissant la vie. Ils tentent d’éliminer les personnages-joueurs ou de
les mettre hors d’état de nuire avant la phase cruciale « d’exécution
». C’est également pendant cette étape que le méchant commence à
essayer d’éliminer des PNJ de haut niveau, qui constituent tout autant une
menace pour ses plans. Leurs morts peuvent servir d’avertissement pour les
personnages. Les enjeux sont montés d’un ou deux crans et le méchant en a
assez de prendre leurs agissements avec le sourire.
Après quelques niveaux à menacer leurs vies, nuire à leur réputation et
toute autre vacherie que le méchant peut imaginer, les personnages-joueurs
vont commencer à faire tout leur possible pour rassembler un maximum d’informations
sur le méchant, ses hommes et son organisation dans son ensemble. C’est la
phase où une véritable rivalité s’est créée entre les personnages et
les hommes de main, dont le niveau et les capacités devraient commencer à
être comparable à celui des personnages-joueurs. Tout au long de cette
sous-phase, les éléments de la phase de « consolidation » se poursuivent
et, au fur et à mesure que les personnages commencent à déranger les plans
du maître, les tentatives pour les éliminer s’accroîtront de même, jusqu’à
l’avant-dernière phase, « l’exécution finale ».
Phase trois : Exécution finale
Voici le saint graal des objectifs du grand méchant. Ce sont les
dernières marches vers l’accomplissement de tous ses désirs et volontés.
C’est à la réalisation de ces ultimes objectifs que le grand méchant
consacrera le plus d’énergie, de temps et de ressources. S’il échoue,
tout ce pour quoi il aura oeuvré s’effondrera autour de lui avec violence.
C’est là que le méchant mettra ses armées en marche, libèrera le
puissant sortilège de chaos et de destruction ou marchera hardiment jusqu’aux
cieux pour défier les dieux eux-mêmes. Classiquement, les
personnages-joueurs sont tout ce qui le sépare de la victoire.
Généralement, les joueurs tournent autour des niveaux 17 à 18, de telle
sorte qu’ils sont capables d’affronter directement les menaces les plus
actives que le grand méchant déploie. Il y a moins de petits objectifs au
cours de cette phase que dans les précédentes, mais ceux-là sont vitaux
pour la réalisation ultime du coup final du grand méchant.
Pour autant je ne recommande généralement pas d’interférer directement
avec le libre arbitre des joueurs à n’importe quel moment au cours de la
partie - cela gâche leur plaisir. Cela pourrait leur donner l’impression qu’ils
n’ont pas de prise sur la partie et pourrait conduire à un éclatement du
groupe. N’empêche, ce qui est en train de se jouer est d’importance. S’il
vous reste encore des objectifs moindres avant le dernier et ultime objectif,
la « fin de partie », je ne recommande pas d’en faire jouer plus d’un ou
deux et de les enchaîner à un rythme élevé. Après tout, les joueurs
devraient s’élancer dans la dernière ligne droite et finalement, lorsqu’ils
viendront à triompher de la dernière étape nécessaire à la fin de partie,
soyez sûr qu’ils feront tout exploser. Je suis sérieux. Si les joueurs ont
réussi à arriver aussi loin et qu’ils n’ont pas complètement détruit
les plans du grand méchant alors ils méritent un grand final approprié. Un
combat à mort, au corps à corps, avec le grand méchant. Ils sont sur ses
traces depuis le début de la campagne et la bataille doit être épique.
Plus important encore, cette ultime bataille doit en mettre plein les yeux.
Voir les PJ lui régler son compte juste avant la fin de partie est tout, sauf
une apothéose. C’est son ultime instant de triomphe avant sa chute
inévitable. Laissez-le faire son discours mégalomane, assis dans son haut
fauteuil rembourré de cuir, caresser son chat et asséner du fond du cœur «
Préparez-vous à mourir, M. Bond. ». Après tout, il est sur le point de
perdre de manière monumentale ; laissez-lui son quart d’heure de gloire.
Qui plus est, échouer si près du but ne fera qu’accentuer le désir des
joueurs de le voir tomber comme il convient à une enflure pareille. Cette
phase doit contenir les préparations de dernière minute, le retrait du
personnel-clé des points stratégiques, se retranchant jusqu’au repaire
dans un volcan ou tout ce qui vous semble approprié que votre grand méchant
trouve à faire à ce moment de victoire. Enfin arrive la fin de partie.
Phase quatre : Fin de partie
C’est le moment où le maître du jeu voit si tout son dur labeur a
payé, parce que vient l’affrontement final. Ici les PJ doivent faire face
au grand méchant avec le sentiment que cette fois, c’est eux ou lui, sans
évasion de dernière minute possible, sans sous-fifre pour venir le sauver au
dernier moment. C’est la fin de tout. La campagne toute entière a mené à
cet instant. Le méchant est au seuil de la victoire totale. Ses armées sont
en marche. Le Golem enchanté de la mort qui tue est gorgé de puissance et il
se prépare à effacer le royaume de la carte. Il goûte déjà à la victoire
et alors, il n’a plus qu’un seul but : son ultime objectif, l’achèvement
total de son plan. C’est le grand objectif, celui qui justifie tous les
autres jusqu’à ce point de la campagne. Si tout est clair, les joueurs
doivent faire le lien entre les premiers moments de la campagne à cet instant
et ils savent que c’est la fin. C’est tout ou rien et la récompense doit
être à la hauteur des efforts et du prix payé pour arriver ici.
L’objectif final du grand méchant lors de la conclusion de partie doit
refléter la campagne jusqu’à cet instant et être construit sur les
objectifs qui le précèdent. S’il volait des armes dans la première phase,
engageait des mercenaires, entraînait des troupes et commençait les
escarmouches de frontière dans la deuxième phase, essayait de tuer les PJ et
les grands généraux à travers tout le pays dans la phase 2.5 et commençait
sa marche sur le royaume, massacrant tout sur le passage de sa toute puissante
armée, en phase trois, l’objectif de fin de partie ne devrait être rien de
moins que la conquête totale et l’asservissement de toutes les terres
connues. Un vrai grand méchant mémorable ne tue pas une personne - il en tue
des milliers. Il ne conquiert pas une ville, il conquiert le pays. Il ne
détruit pas le sanctuaire des dieux, il défait les dieux eux-mêmes et la
seule chose dans le royaume connu qui puisse le stopper sont les joueurs
rassemblés autour de la table de jeu.
Maintenant que nous avons évoqué le niveau de puissance des objectifs du
grand méchant, on doit dire quelques mots sur l’objectif en lui-même et,
plus important encore, sur le type d’objectif dont il s’agit. Il y a de
nombreuses possibilités et chacune permet de créer un nouveau méchant
différent du précédent. En déterminant le type d’objectifs que le
méchant a, vous aidez à déterminer à la fois sa méthode et sa motivation,
et commencez tout autant à vous poser quelques questions concernant sa
personnalité.
Types d’objectifs
De fait, tout objectif de grand méchant appartient à l’une de ces
quatre catégories suivantes: l’acquisition de puissance, l’acquisition de
richesses, la conquête et la destruction. Chacune possède des similarités
et la plupart d’entre elles se recoupent mais dans l’ensemble des cas, l’une
passe avant les autres et constitue les bases de l’ultime objectif du grand
méchant. Afin de bien prendre en main les motivations, les méthodes et la
personnalité du grand méchant, son objectif primordial doit être examiné
avec précaution car il est dans une relation symbiotique avec les éléments
que le maître du jeu devra déterminer plus tard. En examinant
individuellement chacun d’entre eux, le maître de jeu peut apprendre
beaucoup à propos de son méchant, tout en permettant de déterminer à quoi
les objectifs en bas de l’échelle doivent ressembler, pour se raccorder à
l’objectif de fin de partie.
Acquisition de puissance - Le Démiurge
Cet objectif de grand méchant correspond à une soif inextinguible de
pouvoir temporel sous une forme ou une autre, que ce soit d’ordre magique,
physique ou politique. L’archimage qui désire devenir la plus puissante
source de magie des arcanes des royaumes est un exemple classique de méchant
suivant cet objectif. Gardez à l’esprit que cet objectif diffère de celui
de conquête en vertu du fait que le méchant recherche la puissance comme une
fin en soi et non comme un moyen de conquête. Utiliser son pouvoir pour
régner et dominer ne l’intéresse pas. Il ne désire rien de moins que le
pouvoir et la maîtrise absolue dans un certain domaine. S’il est possible
au méchant d’avoir pour objectifs secondaires la conquête et la
destruction, sa première préoccupation devrait toujours être l’accumulation
d’une puissance de plus en plus grande. L’objectif d’acquisition de
richesses peut également se superposer, typiquement comme un moyen dans ses
efforts incessants pour consolider son pouvoir toujours croissant.
Le méchant avec un objectif d’acquisition de pouvoir peut aller du magicien
lunatique et solitaire jusqu’au guerrier charismatique et ces deux classes
sont faites pour un tel but. Les sorciers malfaisants ont également tendance
à préférer cet objectif car il favorise considérablement leurs aptitudes
naturelles. Les rôdeurs, les bardes et les clercs maléfiques sont
généralement moins attirés par la puissance en elle-même à moins que cela
ne coïncide avec leurs éventuelles croyances religieuses. Le caractère
absolu de la puissance pure attire aussi les moines maléfiques par son manque
de moralité, et par le fait que cet objectif ne demande pas au grand méchant
de faire quoi que ce soit d’autre de son pouvoir que de l’amasser. Au bout
du compte, tout ce dont votre méchant a besoin, c'est de son désir de
puissance. Théoriquement, n’importe quelle classe peut être ajustée pour
s’accorder à cet objectif dans les bonnes circonstances.
Un des aspects les plus importants qu’il convient de se rappeler à propos
de cet objectif est qu’il est compatible avec une large gamme de concepts.
La puissance physique n’est que la plus évidente. Puissance magique,
puissance divine, puissance politique et puissance sociale sont des cibles
tout aussi légitimes pour le Démiurge.
Acquisition de richesse - Le Pirate
Voilà l’archétype de l’objectif du maître voleur. La richesse
au-delà de tout rêve d’avarice est la marque de fabrique de cet objectif.
Or, bijoux, artefacts et terres ne font aucune différence tant qu’ils
permettent au grand méchant d’arrondir ses fins de mois. Par bien des
façons, le grand méchant à la poursuite de l’opulence partage des traits
communs avec le Démiurge. Il est rare qu’il compte faire quelque chose des
richesses qu’il convoite. Il veut, et ce qu’il veut, il essaye de se l’approprier
sans autre raison que celle de pouvoir dire qu’il le possède. Les
conquêtes ne l’intéressent que rarement, excepté pour le gain matériel
qu’il en retire, et la destruction est souvent un objectif complètement à
l’opposé de sa mentalité. Ce grand méchant est un expert en acquisition.
Il veut être l’homme le plus riche de toute la contrée et il utilisera n’importe
quelle ressource dont il dispose pour accumuler encore plus de richesses.
L’acquisition de richesses est une seconde nature chez les voleurs. Ainsi,
le chef des guildes de voleurs avec son imposant réseau d’escrocs, de
maîtres chanteurs, de pickpockets et de cambrioleurs, qu’il dirige par son
avidité, est un bon exemple de grand méchant de cet ordre. Les guerriers
malfaisants pillant et dépouillant des villages pour ensuite passer à la
prochaine ville la nuit suivante, les clercs mauvais filoutant la dîme de
leurs ordres et les magiciens fous qui plongent la campagne dans la terreur
afin d’extorquer une rançon mensuelle à ses dirigeants sont des exemples
de méchants en quête de richesse. L’avidité est un élément suffisamment
répandu chez les grands méchants. Pour un Pirate, c’est le trait de
caractère le plus marqué et le plus mis en valeur et tous les moyens sont
bons si cela rapporte.
La richesse matérielle est la plus commune des convoitises pour le Pirate
mais avec son désir d’acquérir s’ouvre tout un champ de possibilités. L’élément
clé est que le méchant convoite quelque chose et aspire à être l’unique
possesseur de celle-ci. Cela peut être n’importe quoi : depuis le savoir,
les hommes ou un objet spécifique, jusqu’à la vraie fortune, les bijoux et
les trésors. Tout est ajustable pour convenir à l’objectif du pirate.
Conquête - Le Conquérant
L’objectif de conquête est le plus commun des objectifs des méchants
de fantasy. Par delà la richesse ou la puissance, la plupart des
méchants de fantasy veulent conquérir le monde. C’est un objectif aussi
vieux que le genre et c’est celui avec lequel les joueurs sont le plus
familiers. Le conquérant est le plus à même d’avoir des éléments de
tous les autres objectifs sous son objectif premier de conquête. Il a
également le potentiel pour représenter la plus grande menace pour le plus
grand nombre, juste après le Destructeur. Tout ce que veut vraiment le
conquérant, c’est voir les seigneurs des terres et les nations s’agenouiller
devant son trône: c’est la finalité de son objectif. Ses motivations pour
la conquête sont ce qui distinguera un conquérant d’un autre et seront
traitées en détail plus loin.
Désormais, le maître du jeu doit déterminer l’envergure de la conquête
de son grand méchant et doit commencer à planifier en conséquence. Un grand
méchant avec l’envie de conquérir une région n’a pas besoin d’être
aussi préparé qu’un grand méchant qui projette de conquérir la planète,
les plans ou le multivers ! Pratiquement n’importe quelle classe peut se
trouver dans les rangs des conquérants mais les guerriers sont les plus
courants. Les magiciens, avec un bon réseau de soutien physique et une armée
à leur disposition sont également fréquents. Même les classes qui
sembleraient les moins adaptées à la vie d’un conquérant peuvent
aisément rentrer dans le moule. Un barde qui cherche à saper un roi par le
complot et les dissensions politiques afin d’intenter un coup d’état et
de se placer lui-même sur le trône est un exemple parfait d’un conquérant
qui choisit d’utiliser la ruse plutôt que la seule force des armes afin de
réaliser ses projets de conquête.
À l’instar du Démiurge et du Pirate, l’objectif du Conquérant peut s’accommoder
de différentes approches. Un grand méchant peut très bien être à la
recherche d’une conquête physique, spirituelle, politique ou idéologique,
et si les chefs de guerre à la tête d’une gigantesque armée sont les plus
communément associés à cet objectif, ils ne sont pas les seuls.
Destruction - Le Destructeur
Peu de méchants sont aussi redoutables que le Destructeur. Il laisse une
vilaine cicatrice à travers la campagne et ce, où qu’il aille. Il ne
recherche rien d’autre que l’annihilation totale de toute chose et de tout
être autour de lui. Comme le Conquérant, le Destructeur tend à se déplacer
avec de grandes armées à moins qu’il ne possède lui-même le pouvoir d’atteindre
le niveau de destruction qu’il désire. Il tend également à poursuivre des
objectifs mineurs moins diversifiés. Il ne recherche pas le profit matériel
et n’a aucun intérêt pour la conquête. Il ne cherche rien d’autre que l’anéantissement
absolu de tout ce qu’il voit. L’acquisition de puissance est un outil de
plus que le Destructeur utilise pour dévaster son environnement. En tant que
tel, c’est le seul autre objectif à se confondre avec son appétit pour la
destruction.
Cela ne signifie pas que le destructeur est toujours une grossière machine à
tuer sans cervelle. Un chef de guerre barbare assoiffé de sang voulant purger
le pays ou un magicien intelligent et calculateur qui cherche à liquider la
famille royale sont deux bons exemples de destructeurs. L’élément le plus
important est son désir de réduire à néant sa cible. Celle-ci peut être
aussi précise ou démesurée que le maître du jeu l’estime appropriée
pour sa campagne.
Dans le cas d’un destructeur nihiliste, les classes martiales sont les
exemples les plus évidents. Les grands méchants guerriers et barbares
gravitent souvent autour de l’objectif du destructeur qui leur permet de
donner libre cours à leurs aptitudes innées pour la dévastation. Sorciers
et magiciens font aussi d’excellent destructeurs avec leur capacité à
faire appel à des pouvoirs magiques immenses et dévastateurs. Rôdeurs et
clercs maléfiques peuvent faire d’excellents destructeurs concentrés sur
une cible unique. Avec son habileté à pister et à traquer sa proie un
rôdeur malfaisant est idéal pour un grand méchant qui se consacre à la
destruction d’un peuple ou d’une organisation. Un clerc maléfique dont le
dogme dicte l’annihilation d’une autre église constitue également une
formidable menace.
A l’instar des autres objectifs présentés, l’objectif de destruction
peut aisément s’adapter au type de grand méchant que le maître du jeu
cherche à créer. Le résultat final est la destruction totale d’une race,
d’une idéologie, d’une organisation voire quelque chose d’aussi ciblé
que la destruction d’une classe d’aventurier. Tout cela convient au
paradigme du destructeur.
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