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Maîtriser quand on a qu'une vie

Nick Thorburn

Continuer à jouer quand on a un boulot et une famille

Lorsque je me demande ce que sont devenus mes camarades rôlistes et Maîtres de Jeu ces dernières années, leur désintérêt croissant pour les jeux de rôle se fait l’écho des exigences d’une réalité insatiable : il faut bien grandir. Pour être plus précis, les contraintes de la vie moderne sont devenues si envahissantes que notre temps libre à nous autres adultes est devenu un luxe que se répartissent et se disputent une myriade de centre d’intérêts anciens ou nouveaux, tels que les jeux PC , les jeux en ligne, ou passer du temps avec notre famille et nos amis.

Pour ma part, je ne puis qu’évoquer avec nostalgie le temps libre de mon adolescence, et les nombreuses heures que j’ai passé à faire des jeux de rôle avec des amis. Aujourd’hui nos carrières et nos familles ont pris le dessus, et nous n’avons plus que rarement l’occasion d’organiser une bonne vieille partie. Les incompatibilités d’emploi du temps sont particulièrement courantes dans les grands groupes de joueurs, les parties se déroulent souvent avec des participants en moins, ou doivent se terminer plus tôt que prévu parce qu’il faut se lever tôt le lendemain.

Mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons plus faire de bonnes parties.

Joueurs comme Maîtres de Jeu ont encore quelques moyens de « résoudre » ce problème. L’article qui suit traite de quelques techniques et astuces que j’utilise dans mes propres parties pour tenter de combattre ce fléau moderne des JdR de fantasy.


Être prêt et efficace

Si vous êtes Maître de Jeu et que vous n’avez qu’un temps limité avec votre groupe, vous vous devez d’être prêt.

Ayez une bonne idée de ce que vous espérez réaliser au cours de chaque session, de même que des informations dont vous pourriez avoir besoin, telles que les caracs de vos PNJ, des cartes et des textes d’ambiance. Ce besoin se fait moins pressant lorsque vous vous enfoncez de plus en plus loin dans une campagne au mong cours et que vous avez déjà vos notes et votre documentation précédentes à votre disposition, mais il vaut toujours mieux avoir une idée sûre de ce que font les personnages-joueurs et de où va l’intrigue.

Cependant, débuter une nouvelle campagne sans réflexion préalable n’amènera la plupart du temps qu’à un démarrage pesant et confus, qui ne servira qu’à gaspiller plusieurs heures de votre précieux temps (à moins que vous ne soyez un MJ incroyablement prolifique).

Mais, pourriez-vous dire, ce n’est pas si facile de prendre ne serait-ce que le temps de cette préparation.

Ce n’est pas une excuse valable. Chaque jeu de rôle développé par Mongoose (et d’ailleurs par la plupart des autres éditeurs) fournit une quantité appréciable de matériel additionnel afin de vous aider à mettre sur pied vos aventures avec un minimum d’efforts. Même si vous êtes trop pressé par le temps, il existe des centaines de scénarios et de aventures toutes faites. Tout ce que vous avez à faire, c’est de lire l’aventure de votre choix et c'est parti !

Cela nous amène à une autre notion quand à la manière de rentabiliser au maximum chaque session : l’efficacité.

Bien que Les plaisanteries inutiles qui s’intercalent entre deux combats ou deux scènes de role-play sont sans doute aussi amusantes que le jeu lui-même, si ce n’est plus, je vous recommanderais tout de même de ramener gentiment les joueurs dans la partie dès qu’ils commencent à s’éparpiller. L’horloge tourne et vous avez beaucoup à faire en seulement quelques heures.

Souvent, les joueurs cherchent à imposer leur avis, et il arrive qu’ils parlent tous en même temps. Dans ce cas, il est plus efficace de simplement calmer tout le monde et de les entendre l’un après l’autre. Des jets d’initiatives peuvent aider à déterminer qui parle en premier, mais je détermine en général l’ordre selon le sens des aiguilles d’une montre ou dans le sens inverse.

De même, une autre façon d’accélérer la partie est d’avoir une solide compréhension des règles que vous faites jouer. Ergoter sur un point de règle peut gaspiller beaucoup de temps et faire s’enliser la partie dans ce qu’on devrait toujours éviter pendant un jeu de rôle : la Réalité. Souvenez-vous : si vous avez un doute, lancez le dé ! Cela vous épargnera le temps perdu à feuilleter vos livres à la recherche d’un passage obscur, et maintiendra le rythme du jeu.


Jouer en face-à-face

Bien que les meilleurs moments lors des jeux de rôle surviennent souvent grâce aux efforts collectifs des joueurs, n’importe quelle campagne peut tirer bénéfice de quelques séances en duo. Cela veut dire que le MJ prend un (ou deux) joueurs à part et développe une aventure qui les concerne eux, mais pas le reste du groupe.

Je suis sûr que vous voyez immédiatement à quel point cela peut réduire certaines difficultés comme trouver un créneau où tout le groupe peut se réunir au même endroit. Vous pouvez planifier la partie pour un seul joueur, de façon à vous concentrer sur ses seuls besoins. Bien sûr, ne laissez pas un joueur monopoliser votre attention. Faites-le pour tous ceux que vous pensez en avoir besoin.

Non seulement cela allège la pression d’accomplir beaucoup en une seule grande session, mais cela ouvre les vannes pour approfondir les personnages-joueurs et leur passé. En général, je fais une petite partie en face-à-face avec chacun de mes joueurs avant la première séance d’une campagne. Cela facilite la création de personnage, ce qui renforce encore l’efficacité (pas besoin de se battre pour accéder aux livres, jamais assez nombreux, afin de tous créer de nouveaux personnages le même soir), et permet de donner un passé au personnage.

Lorsqu’une aventure est en cours, et que le temps manque quand même, vous pouvez prendre à part un ou deux personnages et les envoyer dans leur propre aventure sans rapport avec l’intrigue générale. Cela permet à chacun d’avoir également les projecteurs braqués sur lui, et vous pouvez adapter ces mini-aventures aux points forts de chaque personnage (que ce soit le roleplay ou le combat). Quand enfin tout le monde peut jouer le même jour, vous pouvez rattacher les aventures de tout le monde dans l’intrigue principale.

Souvenez-vous cependant que partir seul à l’aventure peut être dangereux. Je réserve en général les sessions particulières au roleplay et au développement du personnage. S’ils vont quand même explorer un donjon, je fais en sorte qu’il soit petit et qu’ils aient un PNJ de niveau supérieur pour les accompagner. Je m’assurerais également que ce genres de séances particulières se déroulent pendant une période creuse de la campagne ou à un moment où certains personnages peuvent avoir une bonne raison de s’en aller de leur côté et revenir avant la prochaine partie.


Styles de jeu alternatifs

Les parties en solo ne sont pas la seule méthode permettant de continuer à jouer régulièrement lorsqu’une ou plusieurs personnes ne peuvent pas venir pendant quelques temps. Une des options possibles est d’utiliser un autre média pour les informer de ce qui s’est passé, ou de ce qui va se passer, pendant qu’ils étaient absents de la campagne. Les e-mails, par exemple, sont un bon moyen de permettre aux joueurs éloignés de réintégrer la partie sans que leur première session soit embourbée dans les rappels de ce qui s’est passé.

Utiliser les mails (ou la bonne vieille lettre à la poste) permet même aux joueurs de s’impliquer dans la campagne pendant leur absence. Par exemple, un joueur peut indiquer à quoi il souhaite que son personnage consacre son temps loin du reste du groupe. Il peut même interagir de façon limitée avec les autres joueurs.

Ce style de maîtrise peut même donner de la profondeur aux campagnes lorsque l’un des joueurs ne peut être présent pour une bonne partie des séances. Une possibilité qui m’avait bien plu était de donner au personnage du joueur en question plus de pouvoir ou d’influence dans la campagne. Il pouvait jouer le rôle d’un prince, d’un haut dignitaire ou d’un général. Vu comme ça, il peut toujours maintenir un certain degré d’interaction avec le groupe en lui dépêchant des ordres, des édits ou de l’aide, que ce soit par courrier, par e-mail ou en venant jouer leur personnage lorsqu’il peut de nouveau rejoindre la partie à proprement parler.

Une variante intéressante est de faire du joueur absent le méchant de l’histoire. Il peut alors jeter ses vils suppôts en travers du chemin des autres joueurs et leur tendre des pièges machiavéliques de son invention. Les lettres ou e-mails qu’il fait parvenir au MJ représentent ses ordres. A la fin, au moment opportun pour les deux partis, ils peuvent se réunir pour se livrer à une sorte d’affrontement final. Rien que cela change complètement l’approche du jeu, vu que les joueurs affrontent quelqu’un d’autre que vous. Celui qui joue le méchant peut conduire son personnage dans une direction à laquelle vous n’auriez jamais pensé, et cela peut rendre le jeu plus agréable pour vous aussi. Cela réduit également le travail que vous avez à faire pour échafauder les complots diaboliques sur lesquelles tombera le groupe, ce qui ne gâte rien.


Comment abréger les combats

Comme je l’ai déjà dit, il arrive souvent que les combats prédominent dans une partie typique de JdR, par exemple parce qu’on s’interroge sur un point de règle ou qu’on soit occupé à lancer les dés. A mon sens, cela est l’antithèse d’un combat crédible. Je crois que, dans la vie réelle, le combat est quelque chose de fluide et de rapide, qui combine des proportions de chance et de compétence tactiques. Au bout du compte, la simulation qu’en fait le jeu de rôle devrait ressembler à ça. Ainsi, votre partie peut contenir plus de combats et plus d’histoire.

Bien sûr, ce n’est hélas pas aussi simple que ça. Il y a tant de règles distinctes, de styles, de classes de prestige et de modificateurs que le combat peut s’enliser sans qu’on s’en rende compte, au point que très peu, si ce n’est rien, n’arrive plus. Grâce au ciel, il existe une solution à ce problème : la simplicité.

En simplifiant les règles vous pouvez vous épargner beaucoup de temps perdu au cours des combats, et même dans d’autres aspects du jeu. Cela peut également rendre le jeu plus aisé à comprendre pour ceux qui débutent avec ce système, et qui peuvent être totalement perdus lorsqu’il s’agit de retarder leur action afin d’attaquer le méchant après qu’il ait abandonné sa posture de défense totale, ou tout autre exemple qui pourrait vous venir à l’esprit.

Comment simplifie-t-on le combat ? Ignorez les règles exotiques ou les circonstances particulières de l’affrontement. Chaque personnage, chaque créature peut recevoir un bonus fixe d’attaque et de défense, qui ne devrait être modifié que si quelque chose (tel qu’une capacité ou un sort) intervient au cours du combat. Lorsqu’il y a plusieurs adversaires, tous leur donner les mêmes caractéristiques, la même arme, et employer la même valeur d’initiative permet également d’accélérer les choses. Une autre méthode de mon invention consiste à ne laisser qu’un temps limité aux joueurs pour décider de leur action. Non seulement cela augmente la tension, mais cela économise beaucoup de temps qu’ils auraient employé à évaluer méticuleusement la situation (ce qui ne me semble pas très réaliste au cours d’un combat à mort). Ça accélère aussi les choses.

Cela accroît également l’importance de bien connaître les règles du jeu que vous menez. Il y a toujours un joueur qui connaît les règles dans leurs moindres détails et qui vous sautera dessus s’il devine qu’il en sait plus que vous. Ne le laissez pas faire. Vous êtes le Maître du Jeu et votre parole est d'or (pendant vos parties). Le jeu se pliera à vos décisions, même si cela doit contredire quelque passage abscons quelque part dans un livre.

Un élément du combat qui à mes yeux perd très vite son charme, est l’usage d’une multitude d’alliés et d’adversaires : des PNJ gentils qui se frittent avec des PNJ méchants. Ce qui rend cet échange de coups et de tirs si pesants à regarder (et les joueurs ne peuvent rien faire d’autre que regarder), ce sont les multiples jets de dés qu’exige le déroulement d’un combat dans les règles. Je trouve plus simple d’ignorer purement et simplement les règles et de bricoler celles qu’il me faut. S’il vous faut vraiment lancer un dé, lancez un D4 et dites « ce groupe de criminels tirent sur les juges, là, 1D4 d’entre eux sont touchés et mis hors de combat. » C’est aussi simple et aussi rapide que ça, et vous accomplissez ce que vous vouliez en un instant à peine. Vous pouvez bien sûr également trafiquer le résultat pour que la bataille soit plus équilibrée.

Votre but premier devrait toujours être d’offrir, in fine, une partie agréable et satisfaisante. Si les joueurs passent un bon moment, peu importe qu’il y ait des absents ou que les combats n’aient pas duré longtemps. Dans l’agitation du monde moderne où le temps est un luxe, nous n’avons pas souvent l’opportunité de nous divertir. Je continue pourtant à croire que le jeu de rôle et les autres jeux peuvent trouver une place dans nos emplois du temps surchargés. J’espère que cet article vous aura éclairci les idées si vos parties ont souffert de ce problème. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bon courage.


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Traduit par Pierre Buty. Tiré de Signs & Portents avec l'aimable autorisation de Matthew Sprange. Aucune reproduction n'est permise sans l'accord de Mongoose Publishing et PTGPTBvf.
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