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Oui, mais... - le scénario

Robin D. Laws

Utilisez les techniques du théâtre d'improvisation pour improviser un scénario

 

Le mois dernier, nous avons pillé les salles au trésor des théories de l’improvisation. Nous nous sommes appropriés, pour nos propres besoins de rôlistes, la technique du « Oui, Mais… ». Les MJ qui utilisent cette technique évitent de répondre aux demandes des joueurs par un non catégorique. A la place, ils recherchent des manières de répondre Oui, mais avec des complications qui préservent la cohérence de l’univers ou ajoutent un nouveau défi, ou les deux.

Cette fois, nous allons pousser ce concept à ses extrémités les plus folles en l’utilisant comme base pour un scénario improvisé. Essayez-le la prochaine fois que vous êtes forcés, pour une raison ou pour une autre, d’insérer un événement dans le cours de votre partie, ou comme un exercice/stimulant intellectuel lors d’une convention.

« Oui, mais... : le Scénario » fonctionne mieux avec un système de résolution léger qui permet la création des personnages rapidement, de préférence avec des capacités simples et explicites. Je l’ai également utilisé en n’employant qu’un jeu de cartes comme système de résolution. Un tirage élevé signifiait une bonne réussite tandis qu’une carte basse indiquait un échec et un as permettait au joueur de décrire le résultat idéal pour sa tentative. Cependant, si vous êtes le genre de MJ capable de remplir de tête une fiche de perso parfaitement équilibré à Champions, vous pouvez préférer vous reposer sur un système de règles plus conséquent.

Ce scénario sera plus drôle et imprévisible si le système que vous choisissez génère comparativement moins d’idées préconçues sur le monde et le style de jeu. Si vous sortez les livres de règles de D&D, vos joueurs se mettront probablement à jouer selon leurs schémas classiques, décidés à réaliser l’activité par défaut de ce jeu, se reposant moins sur leur propre capacité d’improvisation créatrice que sur un ensemble de préjugés « prêts-à-réchauffer » de JdR.

Vous pouvez démarrer une partie de « Oui, mais… » quelques instants après que vous joueurs se soient installés. Le jeu est basé sur la création des personnages.

Prévenez vos joueurs que cette partie dépend de leur capacité à vous poser des questions. Toutes les communications avec vous doivent être formulées de manière à ce que l’on y réponde par Oui ou par Non. Sur une question, vous pouvez choisir de donner plus d’informations que ce qui était demandé. Si l’on ne peut pas y répondre par un simple oui ou non, ou si la phrase n’est pas une question du tout, vous demanderez au joueur de la reformuler.

Le jeu progresse en cercle autour de la table dans un sens donné. Les joueurs posent leur question chacun à leur tour, avec une seule question par tour.

Lorsque vous considérez que le groupe comprend bien la manière de jouer, (disons, une forme de compréhension - attendez-vous à un certain degré de confusion à ce niveau), commencez le jeu en vous adressant au premier joueur.

Attendez-vous à encore plus de confusion. Demandez au joueur de vous poser une question. S’il n’en trouve pas, passez au joueur suivant. Si tout le monde semble complètement sécher, commencez par :

« Vous vous réveillez tous plus ou moins au même moment. Vous êtes ensemble dans une pièce. »

Ensuite, encore une fois, réclamez des questions.

Rapidement, sinon instantanément, vos joueurs vont se rendre compte à quel jeu sans fin vous jouez. Ils vous poseront des questions comme :

1. Fait-il sombre ?
2. La pièce a-t-elle une porte ?
3. Suis-je blessé ?
4. Y-a-t-il quelqu’un d’autre que nous dans la pièce ?
5. Suis-je un homme ou une femme ?

Ce que vous faites est de permettre aux joueurs de définir leur personnage, la nature du scénario, et même le genre, à travers les questions qu’ils posent. Les réponses à toutes leurs questions sont un simple « Oui », ou « Oui, mais… » suivi d’une ligne ou deux d’explications qui nuancent, modifient ou limitent les effets que leurs questions ont introduites dans la partie. « Oui, mais… » est toujours la réponse la plus fructueuse.

Ainsi, les réponses aux questions ci-dessus pourraient être :

1. Oui, mais il y a de la lumière venant du dessous de la porte, suffisamment pour que vous puissiez apercevoir un interrupteur sur le côté.
2. Oui, mais la porte se trouve derrière une barricade de meubles brisés. Quelqu’un a fait un gros effort pour empêcher quelque chose à l’extérieur de rentrer à l’intérieur.
3. Oui, mais pas sérieusement, juste quelques égratignures.
4. Oui, il y a un homme en imperméable, mais il semble mort.
5. Reformule la question.

Au fur et à mesure, ce jeu de Questions-réponses va définir les personnages, enrichir le décor et fixer le but que doivent atteindre les personnages.

Tandis que les joueurs posent des questions à propos de leur personnage, vous leur assignez des capacités et des caractéristiques. A chaque fois qu’une réponse définit une capacité du personnage, prenez-en note et assignez-leur une valeur si nécessaire. Les capacités mentionnées en premier reçoivent les meilleurs scores. Bien que la courtoisie, ou un manque d’imagination pernicieuse puissent les empêcher d’essayer, il n’y a rien qui interdise aux joueurs de poser des questions qui définissent les personnages des autres.

Les joueurs malins vont comprendre ce que vous faites et vont ajuster leurs questions pour leur propre bénéfice. Le format « Oui, mais… » fait toutefois de cette approche une gageure :

« Ai-je un fusil à pompe ? »
« Oui, mais pas de munitions. »

« Suis-je super-fort ? »
« Oui, mais seulement quelques moments dans la journée. »

« Ai-je la clé de cette porte ? »
« Oui, mais tu sais qu’il y a une bombe de l’autre côté, branchée de manière à exploser si une clé est insérée dans le serrure.»

Certaines questions vont générer des résultats bizarres ou saugrenus si vous leur appliquez le « Oui, mais… ». A moins que vous ne souhaitiez un groupe de mutants métis et hermaphrodites (non pas que ça soit un problème en soi), des questions comme « Suis-je un homme ? » ou « Suis-je humain ? » auront pour réponse un simple « Oui ». Vous contrôlez le degré d’étrangeté du scénario à la fois par vos descriptions qui modifient le contenu des questions et en choisissant les questions auxquelles vous répondez par un « Oui » tout court.

Le résultat typique est un scénario où des gens se réveillent piégés dans un environnement sans leurs souvenirs. L’option de l’amnésie peut être amusante, car elle reflète les tentatives des joueurs essayent de reconstruire morceau après morceau leur personnage en posant des questions. Cependant, vous pouvez toujours l’anticiper en répondant simplement « Oui », à la question « Nous souvenons-nous de comment nous sommes arrivés ici ? »

De même, les joueurs se retrouvent piégés quand ils posent la question « Y-a-t-il un moyen de sortir ? ». Commencer enfermé est un bon moyen d’encourager la coopération entre PJ, mais encore une fois vous pouvez changer la trame standard en répondant juste « Oui ».

Si les joueurs pensent qu’ils jouent dans un environnement donné, leurs questions y seront adaptées. De toutes façons, ils peuvent faire appel à des particularités culturelles existantes : « Suis-je un Brujah ? » « Est-ce que je peux réaliser la prise des Vulcains ? » La technique du « Oui, mais… » limite votre capacité à combattre ce genre d’approche, mais où est le problème ? Ce n’est pas comme si quelqu’un allait vous poursuivre en justice pour violation de la propriété intellectuelle. Attendez vous à ce que l’aventure qui en découlera soit un mélange surréaliste de plusieurs genres.

A un certain moment dans la partie, les questions-réponses s’avèreront difficiles à poursuivre, tandis que votre narration improvisée gagnera en puissance. En fonction de la rapidité avec laquelle vos joueurs pigent et avec quelle adresse ils manipulent ce style, cela peut arriver au plus tôt une heure dans la session, ou vous mener près de sa conclusion naturelle. D’habitude, cela arrivera à peu près en milieu de partie.

Quand vous en êtes là, dites aux joueurs que vous passez en mode de JdR normal. Jouez alors la partie comme si vous improvisiez n’importe quel scénario, en plaçant des obstacles devant vos joueurs au fur et à mesure qu’ils approchent de l’excitant paroxysme qui résoudra le problème central qu’ils se sont posés eux-mêmes lors de la phase des questions-réponses. Cela peut sembler beaucoup demander, mais en supposant que de manière générale vous pouvez improviser un scénario, vous vous apercevrez que l’élan donné dans la phase des questions-réponses vous porte naturellement.

 


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Traduit par Antoine Drouart. Tiré de See p.XX, avec l'aimable autorisation de Robin D.Laws et Pelgrane Press. 
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