[NdT1] une boisson aromatisée énergisante |
La nourriture est sans doute quelque chose d’important quand on pense aux rôlistes.
En fait, une séance de JdR qui ne serait pas interrompue par une pause pour un remplissage
de verre (la caféine est vitale, la Moutain
Dew [NdT1] populaire, et il s’avère que j’aime le Coca
Light) et pour une livraison à domicile (le traiteur chinois a du succès,
la pizza est un grand classique), serait à peine imaginable. Mais en ce qui
concerne les personnages, la nourriture est soit considérée comme une pièce
d’équipement nécessaire (à côté des pitons et de la boîte de bougies),
ou comme un élément de décor aidant à la description d’une scène (la
salle de banquet, encombrée par la carcasse d’un sanglier abattu, et les
servantes versant de l’hydromel de leurs brocs en étain).
Dans la vraie vie, la nourriture est un élément essentiel de la culture, de la
société et de la socialisation ; elle s’accompagne d’un ensemble
complet de coutumes, d’histoires et de nuances. Un MJ malin pourra tirer parti
de cela pour faire de la nourriture quelque chose de plus qu’un objet sur une
ligne de la liste de l’équipement, que les joueurs doivent tenir à jour et
se rappeler de racheter… ou un simple élément du décor que les joueurs découvrent
lorsqu’ils découvrent une nouvelle scène. Le MJ pourra utiliser la
nourriture et les repas comme des parts intégrantes de l’intrigue, faisant de
quelque chose d’ordinaire une source de dangers nouveaux et d’opportunités.
Lors de mes recherches pour cet article, il m’est de plus en plus apparu que
le sujet était… vaste…
Un travail de référence de 1000 pages serait probablement considéré comme un
« survol ». Je ne suis pas en train d’exagérer ici. La nourriture
est, a été et continuera à être une partie intégrante de la vie humaine, de la société, de la culture, de la loi, des
coutumes, de la tradition, de la science, de la santé et de notre intérêt. Au
lieu de ne serait-ce que tenter de faire cela… je m’efforcerai de pointer
quelques idées que les MJ trouveront peut-être utiles quand ils voudront
« épicer » leur campagne.
Au commencement
« La cuisine est une des plus vieilles activités de l’homme; en vérité,
elle pourrait-être la plus vieille, au-dessus de l’instinct de survie
animal. Au niveau de la société du chasseur-cueilleur nomade, cuisiner est
très simple –tuer quelque chose, le jeter dans le feu avec les fruits et
les légumes trouvés dans la journée, et manger. » [Extrait de : http://asiarecipe.com/cuisine.html]
Être complètement transportable (une nécessité pour les premiers
chasseurs nomades) exclut tout four ou foyer. Même le plus simple des
ustensiles ou accessoires de cuisine - pot, poêle ou l’élégant poêlon chinois
- nécessite l’accès au métal et la capacité de l’extraire et de
le modeler. Tout cela viendra plus tard. Au début, il y avait le bâton, le
feu, et tout ce qui se mangeait partait se ficher sur le bâton et se mettre
dans le feu.
Dans un groupe de l’Âge de pierre, on pense que la meilleure part de la
viande revenait au chef. Le reste était distribué en fonction du rang. Ainsi,
l’endroit où vous étiez assis (par rapport au chef) et la portion qui vous
était attribuée étaient des signes publics significatifs de votre rang et de
votre importance. Les coutumes sur qui faisait circuler la nourriture et quand
on pouvait commencer à manger auraient été parmi les premières mœurs du
temps du repas.
Tandis que les hommes étaient censés chasser et mesuraient leurs prouesses par leur capacité à ramener de la
viande, les femmes et les enfants se chargeaient de la partie cueillette du
« chasseur/cueilleur » et, ironiquement, il a été avancé
qu’elles pourvoyaient à la plus grande portion des besoins nutritifs de la
tribu. Les grains, les légumes, les fruits, les baies, les noix et les racines
fournissaient l’essentiel de leurs calories.
Cela pourrait fournir un modèle pour des campagnes incluant des humains
primitifs, des cultures de l’Age de pierre dans divers endroits reculés (type
« monde perdu »), et des cultures primitives rencontrées sur des
mondes extraterrestres. Un invité refusant la nourriture offerte par le chef ou
la première femme du chef commettrait
un affront grave, voire un crime. Prendre de la nourriture quand ce n’est pas
son tour, ou manger de la nourriture qui a été attribuée à
quelqu’un d’autre serait aussi un crime grave. On croyait certaines
nourritures sacrées (les champignons hallucinogènes étaient de celles-ci) et
des étrangers qui s’en empareraient ou les mangeraient attireraient
certainement sur eux la colère de la tribu. Participer à une chasse était
considéré à la fois comme un rite de passage et comme une expérience qui créait
des liens. Cela pourrait être utilisé pour se lier d’amitié avec cette
tribu, ou pour accéder à des secrets tribaux comme la caverne du shaman, etc.
Souvenez-vous; en ces temps où les hommes passaient toute la journée à
chasser dans la nature et où les femmes soit s’occupaient de leurs enfants,
soit cueillaient de la nourriture, soit prenaient soin de leur lieu de vie, le
repas était le seul moment où toute la tribu se réunissait dans un cadre
semi-formel. Elle y débattait des problèmes, prenait des décisions,
partageait les cancans et des clans s’y formaient. Cela ne signifie peut-être
rien pour nous, mais quelqu’un qui cherchait à comprendre l’organisation
sociale pouvait dire qui s’entendait bien avec qui, qui luttait contre qui, qui faisait la cour à qui, et ceux qui étaient
traité en étrangers par le groupe.
Les opportunités de roleplay sont énormes ! Vous pouvez jouer avec le dédale
des coutumes, des tabous et des mœurs, tandis que votre groupe de Personnages-Joueurs
tente de ne pas mettre en colère ni offenser la tribu. Vous pouvez utiliser les
interactions humaines complexes pour faire avancer une intrigue ou un sujet, ou
même pour que les personnages l’utilisent pour pousser la tribu dans une
direction particulière.
Par exemple, les personnages essaient de trouver des membres de la tribu qui
leur montreront une voie presque impraticable vers un grand complexe de caves.
Savoir à qui faire de la lèche, qui impressionner, qui corrompre, aussi bien
que qui est à éviter et qui pourrait bien posséder les informations, ou
encore qui prend les étrangers pour des imbéciles ; toutes ces choses
peuvent être observées et mises en œuvre lors d’un grand repas.
Les bonnes manières dans un environnement sauvage
"L’hospitalité est une pierre angulaire du mode de vie arabe. Il
est courant qu’une famille syrienne, particulièrement si elle habite dans
le désert, accueille les étrangers chez elle. La tradition s’est développée
à partir de la vie difficile dans le désert – sans nourriture, ni eau, ni
protection contre les étrangers, la plupart des voyageurs mourraient. Partout
où vous allez en Syrie, vous aller probablement entendre le mot tafaddal (qui se traduit grossièrement par bienvenue) et vous serez souvent invité chez les gens pour manger
ou pour une tasse de thé."[lien
mort]
Dans un environnement aussi dur et impitoyable que le désert, les bonnes
manières et les mœurs qui encouragent l’hospitalité et la générosité
peuvent devenir une question de vie ou de mort pour un voyageur. Dans certaines
communautés musulmanes, surtout chez les bédouins du désert et des régions
sauvages, la coutume de l’hospitalité envers un voyageur étranger a presque
force de loi. Il y a des variations, comme la « règle des trois jours »,
qui exige de l’hôte d’être agréable et généreux, mais seulement durant
trois jours. Ensuite, l’invité est considéré comme impoli et égoïste
s’il continue à abuser de son hôte.
L’hospitalité signifie généralement trois choses. L’invité reste dans la
tente de son hôte. On le pourvoit en nourriture et boisson (d’habitude de
l’eau ou du thé). On prend également soin de ses animaux. Si l’hôte est
particulièrement riche, les trois jours d’hospitalité peuvent être un prétexte
pour démontrer son opulence et bâtir
sa réputation, à la fois pour sa générosité et son importance. Tuer
et servir un agneau ou un veau, offrir au voyageur des vins et des fruits de
valeur, faire servir tout le dîner par des serviteurs, sont plusieurs manières
de transformer l’hospitalité de base en un spectacle des plus extravagants.
Dans certains groupes, la coutume d’hospitalité est si forte qu’elle
est exigée même si le voyageur est votre ennemi. C’est un exemple où
l’invité ne voudra certainement pas rester plus que les trois jours !
L’invité a aussi des obligations. Parfois, celle de raconter des
histoires et d’amuser (et d’instruire) son hôte. Parfois, on attend de lui
un cadeau à la fin des trois jours. S’il a été agréable et que son hôte
est très poli, l’invité peut repartir avec des vivres pour lui-même et ses
animaux, et peut-être même avec un présent de la part de l’hôte.
Encore une fois, l’eau et les vivres sont synonymes de vie. « Rompre le
pain » avec quelqu’un signifie plus que simplement partager un repas. Un
invité dans votre maison peut avoir une forte influence sur votre famille. Le
voyageur peut être un voleur, un assassin, ou un voyou. L’hôte peut également
en être un ! La loi peut être en contradiction avec la coutume ; que
doit faire un hôte respectable si le voyageur est recherché par les autorités ?
Lui donner refuge, comme la coutume le demande, ou le dénoncer, comme l’exige
la loi ?
Ce type de code social s’est plutôt développé dans les environnements
difficiles des déserts, mais il pourrait être extrapolé à n’importe quel
environnement hostile, où les voyageurs peuvent être en danger sans
l’hospitalité des autres. Par exemple, un univers de jeu avec une région de
nombreuses petites îles pourrait avoir développé une telle pratique, car
voyager entre les îles est dangereux et il n’y a aucun moyen de ravitailler
un navire entre deux. Les personnages peuvent facilement offenser leur hôte
s’ils ne se renseignent pas sur les limites de l’hospitalité, ou s’ils
violent une règle considérée comme appropriée pour des invités (flirter
avec la fille ou la(les) femme(s) de l’hôte peut entrer dans cette catégorie) !
Cela peut faire aussi une bonne accroche de scénario pour le MJ qui veut donner
des indices aux personnages, ou une pièce d’équipement particulière, un
sort ou une arme dont ils auront besoin plus tard. Souvenez-vous, si les invités
fâchent leur hôte et sont priés de partir avant d’avoir obtenu l’objet en
question, vont-ils revenir discrètement et le voler ? S’ils en arrivent
à une telle extrémité, le bruit se répandra et ils pourraient avoir de gros
problèmes pour trouver un refuge la prochaine fois qu’ils en ont besoin.
Peut-être l’hôte a-t-il une tâche désagréable à réaliser, et a demandé
à ses invités de s’en charger pour lui en échange de son hospitalité.
Peut-être une action qui ne rebutera pas des aventuriers, comme nettoyer un nid
de bestioles, ou rester debout toute la nuit, trois nuits d’affilée, jusqu’à
ce qu’ils puissent affronter le démon du désert qui ravageait ses troupeaux.
Cela peut-être aussi quelque chose qu’ils n’aiment pas faire, comme
assassiner un chef rival ou assister leur hôte dans un raid contre les
troupeaux d’un autre groupe. Rappelez-vous des liens subtils créés par la
relation invité - hôte. Les personnages peuvent souhaiter simplement dire
« non », et s’en sortir ainsi, mais le fait qu’ils aient été
sauvés et bien traités par quelqu’un qui ne les connaissait pas devrait les
plonger dans l’embarras.
Si cela ne marche pas, remuez le couteau dans la plaie. Faites clairement apparaître
qu’on s’attend à ce que les invités se soumettent
à leur hôte, que celui-ci a dépensé beaucoup de biens et de temps
pour les nourrir et s’occuper d’eux, et qu’il pourrait répandre des
rumeurs sur leur ingratitude et leur hypocrisie en tant qu’invités. Ensuite
laissez les joueurs décider si leurs personnages restent fidèles à leur
morale (et en subissent toutes les conséquences) ou se dégonflent et cherchent
à justifier leur accord (et en subissent toutes les conséquences) !
Celui qui contrôle l’Epice
« Les épices exotiques jouent un rôle dans la civilisation depuis
plus de 5000 ans. Les épices ont été utilisées non seulement pour ajouter
de la saveur à la nourriture, mais aussi comme médicaments et produits de
beauté. Historiquement, les épices ont été une denrée de valeur, ayant
pour conséquences des batailles entre pirates et marchands pour la possession
d’un butin aussi rare que l’or ».[lien
mort]
Il y a plusieurs choses importantes à se souvenir à propos des épices. La
première est que la réfrigération est une invention relativement récente.
Les épices étaient en partie utilisées pour couvrir le goût des plats (en
particulier les viandes) qui avaient commencé à rancir. Deuxièmement, les épices
étaient supposées avoir des vertus médicinales, et étaient également
recherchées pour ces raisons. Nombreux sont ceux qui y croient encore
aujourd’hui, et il y a même certaines preuves de ces propriétés !
Troisièmement, les épices sont des produits consommables ; ce qui
signifie que la demande sera aussi importante, sinon plus, l’année prochaine
que cette année. Cela offre de grandes opportunités commerciales aussi bien en
terme de fourniture, de transport, de distribution que de vente au détail.
Je m’aperçois que la plupart des joueurs adorent interpréter des personnages
qui capturent un navire rempli d’un trésor… et par trésor ils entendent de
l’or, des rubis, des diamants et consorts. Mais, il y a encore quelques siècles,
nombre des cargaisons les plus riches traversant les mers étaient des
transports d’épices. De plus, les routes des épices qui conduisaient ce
produit périssable et consommable aux dizaines de millions de consommateurs
européens depuis des lieux lointains et exotiques (comme l’Inde, la Chine et
l’Afrique) étaient formidablement lucratives. Si lucratives, en vérité, que
des guerres ont éclaté à cause
d’elles et que des fortunes furent construites à partir du commerce de l’épice.
« A la fin du XVIIIème siècle, les Américains entrèrent dans le
commerce de l’épice. Le commerce du poivre créa les premiers millionnaires
en la personne des capitaines des bateaux à poivre. » [lien
mort]
Un MJ pourrait introduire une épice aux propriétés d’ouverture de la
conscience quasi magiques (à la Dune). Ou peut-être a-t-elle des propriétés
curatives globales, mais doit être prise de façon continue (comme le ginseng,
mais en mieux). Elle pourrait avoir des utilisations psycho-pharmacologiques,
provoquer des visions chez les shamans, calmer les accès violents d’un
maniaco-dépressif. Elle pourrait être également une lubie passagère que les
riches encouragent et que les pauvres imitent, tandis que les marchands ne font
que s’enrichir.
Les premiers thèmes à évoquer lorsqu’on introduit une épice dans une
campagne sont les suivants:
C’est un produit consommable, donc le besoin va augmenter au fur et mesure que
de plus en plus de gens commencent à l’utiliser et que la « fidélisation »
est grande.
Plus elle est rare, plus elle a de la valeur, et la rareté est fonction d’une
production limitée (peut-être ne pousse-t-elle que dans un environnement/île/planète/vallée
spécifique) et des difficultés de transport (au XVIIIème siècle, une
cargaison de poivre mettait deux à trois
ans pour arriver en Amérique).
Enfin, son utilité : à quoi sert-elle (à préserver la viande ?
elle a bon goût ? à guérir des maux ? à étendre la conscience ?
comme éléments d’un rituel religieux/magique ?)
On devrait aussi se souvenir que les épices proviennent d’une variété de
sources et nécessitent diverses phases
de traitement. Elles peuvent venir de l’écorce d’un arbre (comme la
cannelle), d’une fève (comme le cacao ), d’une racine (comme le gingembre),
ou d’une feuille (comme la menthe poivrée), ou encore dans une campagne plus
exotique, elle peut venir d’un insecte ou d’un animal, ou peut-être d’une
glande particulière ou d’une sécrétion humaine.
Quant à la préparation, elle peut être aussi simple que de lancer quelques
feuilles de menthe dans une salade, jusqu’à l’extraction des huiles
essentielles du cacao pour les inclure dans le chocolat, en passant par
l’infusion avec de l’eau chaude comme pour la plupart des thés, ou le
filtrage d’eau chaude comme pour les grains de café torréfiés et moulus.
De plus, les aventuriers peuvent : protéger une route des épices, piller une
cargaison d’épices, se lancer en quête d’une nouvelle route commerciale,
trouver les ingrédients spéciaux pour la préparation d’une épice rare ou même
livrer une épice aux dons curatifs à une personne d’importance qui en a désespérément
besoin. Souvenez-vous, les épices sont souvent synonymes de richesse et de
voyages dans des contrées exotiques. Deux éléments qui font déjà partie du
lot de la plupart des aventuriers. [NdT2]
Digestif
Je me suis rendu compte que c’était le plus petit des plus petits
articles qui pouvait être écrit au sujet de la nourriture et des repas et de
comment les appliquer aux JdR. J’ose espérer qu’il allumera une étincelle
de créativité dans l’esprit des MJ et des joueurs ; et qu’ils y
trouveront de nouvelles façons originales d’utiliser la nourriture et les
repas comme des opportunités de roleplay et d’intrigues.
Bon Appétit! [En français dans le texte !]
[NdT2] La course aux épices connut bien des périples,
dont celui de Fernand de Magellan. Ce Portugais naturalisé Espagnol entreprit
de rejoindre les îles aux épices des Philippines par l’ouest en 1519. Durant
ce voyage de près de trois ans, il endura la guerre (il était en compétition avec les
Portugais), les tempêtes (au détroit dit aujourd’hui « de Magellan »)
et les naufrages, les mutineries, la faim et la soif (il avait sous-estimé la
taille de l’océan qu’il nomma « Pacifique »), les résistances
indigènes (Magellan meurt d’une flèche empoisonnée). L’expédition ayant
perdu 4 bateaux sur 5 et 219 de ses 240 membres, se révéla pourtant profitable :
la vente des clous de girofle du seul navire revenu rentabilisa largement
l'investissement dans toute l'expédition! Un exemple bien réel pour tous les rôlistes en quête
d’aventures ! Ce
site donne envie d'en faire un scénario.
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