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Pour ceux d’entre vous qui l’ignorent,
" en couille " est une métaphore moderne argotique pour
"de travers". On l’utilise en général ainsi: "tout est
terriblement parti en couille!" Cet article a pour but de vous dépanner
quand la partie que vous menez déraille soudain et qu’il semble n’y avoir
aucun moyen pour que vous la remettiez sur les rails. Les conseils dans ce
texte sont tirés du nouveau forum de ptgptb, et si vous voulez voir
précisément qui a dit quoi et dans quel contexte, alors n’hésitez pas à
vous rendre ici.
Bon, je sais que tout en lisant ceci vous n’avez PAS BESOIN de lire
comment contrôler votre partie. Aucun d’entre nous ne fait jamais d’erreurs
en tant que MJ, nous n’avons jamais de mauvais jour, ni ne manquons jamais
de créer une intrigue absolument fascinante avec plus d’amorces qu’une
fabrique d’amorces dans un arsenal. Je suis sûr que vous lisez ceci en
hochant la tête en vous disant " je fais ça " et
" je fais ceci " ou " je ne suis jamais obligé
de faire CELA ! ". C’est drôle de devoir l’admettre ou le
reconnaître les gars, mais même les meilleurs MJ ont leurs jours
" sans ".
Heureusement, si vous êtes un MJ dans un mauvais jour lorsque vous écrivez
votre intrigue ou adaptez un scénario du commerce pour votre groupe, il y a
des chances que vous soyez suffisamment en forme pour vous débrouiller avec
style et grâce et que vous sauviez votre peau (ou au moins la session de jeu)
avec quelque improvisation adroite ou l’utilisation d’une connaissance
spécifique de votre groupe et de ce qui fait marcher vos joueurs. Il y aura
cependant ce moment où, de temps en temps, vous n’avez pas l’air de
pouvoir y arriver, et s’il se trouve que vous débutez avec un nouveau
groupe, les chances qu’arrive un déraillement auront considérablement
augmenté.
La première chose est, comme toujours, la préparation. Bon, des articles
entiers du zine ont été consacrés à l’écriture de scénarios de premier
ordre. Alors je ne rentrerai pas trop dans ces détails ici. A la place, je me
concentrerai sur quoi faire quand vous en arrivez à l'horrible et soudaine
prise de conscience que ça fait vingt minutes que vous jouez, et que ça ne
fonctionne pas.
Cependant, la préparation peut être importante pour ça aussi. Assurez-vous
que vous lisez les fiches des Personnages-Joueurs, les gars. S’ils ont,
écrite dans l’historique de leur personnage, une longue liste de frères et
sœurs qui ont un jour juré de se venger du meurtre de leurs parents, alors
non seulement vous devriez garder à l’esprit ces frères et sœurs en
écrivant un scénario ou une campagne, mais gardez les aussi à l’esprit
pour quand les choses ne se passent pas bien.
Quelques indices appuyés, un aperçu d’une vague silhouette qui ressemble
un peu au PJ, et avec de la chance le joueur (ou même tout le groupe s’ils
connaissent l’histoire) va commencer à se demander si une vendetta
familiale est dans l’air. En intégrant de tels détails de PJ dans l’aventure,
vous allez immédiatement impliquer au moins un des joueurs (en
supposant qu’ils tiennent un minimum à leurs personnages, et s’il ne le
font pas, alors vous avez vraiment de gros ennuis !)
Avec de la chance, la stimulation d’un joueur et l’attention portée aux
détails d’un personnage éveilleront l’intérêt du reste du groupe.
Même si tout ce qu’ils demandent est "pourquoi y accordes-tu tant d’attention?",
vous avez commencé à les faire revenir à nouveau dans l’intrigue. Ce n’est
sans doute pas l’intrigue avec laquelle vous avez débuté, mais au moins la
séance n’a pas été gâchée.
Si vos joueurs ne sont pas du genre à inventer un grand historique de
personnage, alors vous pourriez toujours essayer d’insister sur au moins une
sorte d’historique. Il n’y a pas besoin de réécrire Guerre et Paix;
juste quelques accroches d’intrigues qui sont en rapport avec le
Personnage-Joueur. Trois ou quatre phrases à côté de lignes de
" une fois j’ai été attaqué par une bande de dauphins
enragés ", ce n’est certainement pas trop demander ? Tout ce
que vous pouvez faire pour le rattacher au Personnage-Joueur est bon.
Vous devriez aussi essayer de connaître vos joueurs. Je sais qu’un de mes
joueurs peut être aspiré dans toute partie que je me donne la peine de
maîtriser par l’ajout d’un peu de mythe celtique. Un autre adore les
références aux films d’horreur. En sachant ces choses sur les gens qui
jouent à la partie, je peux aussi faire que leurs personnages soient
également plus impliqués. Je sais, les gars, que tout ceci est très
évident, mais c’est une chose d’être assis ici en en parlant ou en le
lisant, et c’en est une autre de le garder à l’esprit quand on fait face
à une brochette de joueurs avec des visages inexpressifs et des cœurs
impatients.
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[1] Guys
and Dolls : comédie musicale très populaire de Joseph Mankiewicz
(1955), avec Brando et Sinatra |
Tant que l’on est sur le sujet des joueurs qui ne
rentrent pas dans l’intrigue, rappelez-vous bien que les joueurs sont là
pour s’amuser. Essayez de ne pas trop vous en faire sur le fait que vos
joueurs ignorent totalement votre intrigue joliment travaillée et détaillée
sur la vie dans le "vrai" Far West, rien que parce que votre groupe
a décidé de faire une série de saluts à la manière des Monty Pythons ou
une version personnelle de Blanches colombes et vilains messieurs
[1] pour les habitants de Tombstone, du moment que tous les membres du
groupe participent et s’amusent.
De même, bien sûr, tout joueur qui lirait ceci devrait essayer de se
souvenir que le MJ a aussi le droit d’apprécier la partie.
Les joueurs devraient être prêts à refréner leurs instincts
délirants si le MJ n’apprécie pas de faire partie du sketch du perroquet.
Il n’est que justice que les joueurs tentent au moins de rentrer dans l’intrigue.
Tout ceci étant dit, cela revient à : quand vous voyez que quelques-uns
ou tous les participants ne s’amusent pas, il est temps que le MJ prenne des
mesures. Comme nous sommes dans le cadre d’une partie de jeu de rôles, il
est très raisonnable de supposer que la plupart des personnes présentes ont
un certain intérêt pour le JdR, ainsi votre meilleure tactique pour ramener
tout le monde dans le droit chemin est de ramener tout le monde dans la
partie. Nous aimons désigner ceci sous le nom de " frappez-les avec
l’intrigue ! "
Bon, nous avons déjà parlé antérieurement de relier votre intrigue avec l’historique
du personnage, mais pour une raison ou une autre, cela n’a pas marché
(peut-être qu’un nouveau PJ a été soudain créé et la raison pour qu’il
accepte le scénario a disparu ?)
Donc, maintenant, vous devez faire quelque chose pour qu’ils s’intéressent
une fois de plus à l’intrigue. L’Appel de Cthulhu excelle à cela,
car il est très facile de faire que les PJ souffrent des conséquences
négatives de l’intrigue. Si les personnages n’arrivent pas à empêcher l’accomplissement
du rituel redouté, alors, eux, leur famille et le monde entier mourront…C’est
une très bonne raison pour que les PJ s’inquiètent de ce qui va se passer.
Les joueurs ont bel et bien été frappés !
La même chose peut s’appliquer aussi dans d’autres jeux. Si les joueurs n’interfèrent
pas d’une manière ou l’autre avec la progression naturelle de l’intrigue,
faites que l’intrigue fasse marche arrière et les morde aux fesses. Cette
idée peut faire très cliché, mais en vérité elle marche (ou sinon
pourquoi serait-elle devenue un cliché ?). Alors regardez des films et
lisez des livres, et essayez de voir ce que les auteurs ont fait quand l’intrigue
semble être sur le point de s’effondrer sous son propre poids. Et bien vous
savez quoi ? Un des personnages principaux ressemble trait pour trait au
Méchant !
Ou bien les méchants se trompent d’adresse et tuent le voisin de pallier du
PJ ! Peut-être qu’ils n’ont pas de mauvaise adresse et un type
méchant avec un calibre 45 dans chaque main rentre en enfonçant la porte d’un
coup de pied. Si vous voulez être un peu moins violent ; est-ce qu’on
peut faire chanter un des membres du groupe? Si c’est possible, alors
faites-le (qu’il ait ou non réellement fait ce pour quoi on le fait chanter
n’est pas important !). Peut-être qu’un tuyau anonyme ramènera le
groupe à la vie - avec un peu de chance, il n’y a aucune possibilité que
le groupe découvre qui les tuyaute depuis au moins une séance ou deux, ce
qui signifie que vous pouvez alors expérimenter et décider qui c’était.
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[2] NdT : Reverse engineering dans le
texte. Partir du résultat final et en chercher les causes. Exemple : une
fois la cavalerie arrivée à temps pour secourir les PJ, trouver comment. |
La justification rétroactive [2] est un autre
moyen formidable pour ramener votre partie de JdR sur les rails. Vos joueurs n’ont
pas besoin de savoir que vous ne savez pas avec certitude ce qui va se passer
ensuite, ou pourquoi un certain événement vient d’arriver. Ouvrez grandes
vos oreilles. Les joueurs vont souvent échanger quelques spéculations
sur ce qu’ils pensent qu’il se passe. Maintenant, vous pourriez être au
milieu de la partie et vous rendre compte que vous avez rendu votre intrigue
de loin trop abominablement complexe, et que les joueurs n’ont absolument
aucun espoir de résoudre l’énigme, car ils viennent de tuer l’unique PNJ
qui pouvait leur dire ce qu’ils avaient besoin de savoir. Si un des joueurs
dit : " hé, je parie que ce gars a des caméras de sécurité
dans son bureau ! Nous pouvons simplement regarder les bandes d’hier
soir ! ", alors vous pouvez souhaiter partir là-dessus. Cela
ne fait rien que vous ayez dit plus tôt qu’il n’y avait pas de caméras
dans le bureau ; poursuivez simplement là-dessus. Dites qu’il y a des
caméras cachées, s’il le faut. Faites tout ce qu’il faut pour ramener la
partie sur les rails.
Ou bien si vous préférez, pensez à emmener la partie dans une nouvelle
direction. Vous ne vous attendiez pas à ce que les PJ zigouillent le PNJ, et
alors ? Que se passe-t-il ensuite selon la logique interne de la
partie ? La plupart des joueurs laisseront le MJ faire une pause et
réfléchir un moment quand vous leur demandez de vous donner une minute.
Peut-être devriez-vous simplement suivre cette nouvelle piste et voir où
elle vous mène. Cela pourrait particulièrement bien marcher si vous écoutez
les joueurs discuter des conséquences probables de l’apparition soudaine de
ce cadavre à cet endroit à ce moment. Si vous êtes vraiment chanceux,
quelqu’un demandera : " que pourrait-il arriver de
pire ? " et un autre (membre du groupe) répondra à la
question… utilisez ce scénario du pire !
Encore une fois, prenez ce dont vous avez besoin, et expliquez-le a
posteriori dans une trame logique entre deux séances de JdR.
Il y a cependant d'autres manières de secourir un scénario cassé, comme les
intrigues secondaires. Vous pouvez essayer d’avoir
le " scénario de réserve ". Ayez un mini-scénario
prêt (le genre de truc que vous pouvez maîtriser en deux heures) et incluez
dans ce scénario toute information nécessaire à la progression de l’intrigue.
Faites que la maison hantée aie un nom écrit dans la poussière de la
fenêtre, ou le détective privé qui travaille pour la famille de la femme
peut les contacter à l’improviste et demander à les rencontrer pour
que vous puissiez échanger des informations. A vous de voir ce qui
convient à votre scénario, mais il y a toujours un moyen dans tous les
genres de JdR pour que l’information cachée resurgisse. Que ce soient les
infos-cubes d’un JdR de Science-Fiction, ou la mystérieuse inscription
invisible (jusqu’à maintenant) sur une porte.
Déposez simplement cet élément d’intrigue dans le scénario avec une
grande grue comme et lorsqu’il le faut. Ce n’est pas vraiment important
que les personnages n’aient jamais entendu parler de cet entrepôt
auparavant, ou bien cette maison en pain d’épice qui apparaît soudain à
côté d’eux. Du moment que cela s’emboîte dans l’histoire au moins un
petit peu, vous pouvez baratiner, sourire d’un air entendu et puis
vous renverser dans votre chaise comme si rien d’inhabituel ne se
passe. La plupart des joueurs ne relèveront même pas, malgré les
gouttes de transpiration qui coulent sur votre visage. Le problème principal
de cette méthode est que vous devez vous assurer de ne pas l’utiliser trop
souvent. Souvenez-vous que ce scénario de liaison est censé être vraiment
facile, et devrait avoir " en cas de danger, brisez la
glace " écrit sur la couverture. Ne l’utilisez que lorsque
les joueurs sont vraiment coincés ; ne leur tendez pas le scénario sur
un plateau à chaque séance.
Vous pouvez faire en sorte que le groupe mette de côté leurs persos
habituels, et jouent d’autres personnages qui ont les informations et les
motivations nécessaires pour faire avancer l’intrigue. Une fois encore,
vous vous préoccuperez plus tard de comment ils transmettent les infos aux
personnages principaux. Qui a dit qu’ils le devraient, même ?
Peut-être les personnages avec lesquels les joueurs ont commencé la partie
ne sont pas les meilleurs pour la finir. Du moment que tout le monde s’amuse,
est-ce vraiment important ? Les persos peuvent être assis dans un café
en se demandant quoi faire ensuite, lorsqu’ils entendent aux nouvelles à la
radio que quelqu’un d’autre a fini le boulot.
Puis revenez en arrière dans le temps et menez le scénario à nouveau - ou
au moins jusqu’à l’endroit où il est parti de travers auparavant - mais
cette fois avec des personnages différents. Ars Magica est un jeu qui
repose entièrement sur le fait de jouer différents personnages. On peut
ajouter énormément à la sensation de réalisme dans n’importe quelle
partie en faisant prendre conscience aux joueurs que leurs personnages ne sont
pas surhumains (même s’ils SONT surhumains !), et ont besoin que
quelqu’un d’autre prenne le relais une fois qu’ils l’ont lâché. C’est
une grande opportunité pour rajouter de la profondeur à une partie, et aussi
de faire que les joueurs accordent plus d’attention aux PNJ qui habitent le
monde qui entoure leurs persos. Ils commandent peut-être leurs boissons à
des barmans absolument quelconques sans y accorder plus d’importance. Mais
si leur dernière aventure est achevée grâce à un PNJ barman dont les
joueurs ont pris le contrôle pour une séance ou deux, alors ils seront
forcés de considérer celui-là et les PNJ futurs comme des personnages
plus complets.Et ça, c’est assurément une bonne chose.
La dernière solution, mais en aucun cas la moindre, si tout le reste échoue,
ou si simplement ça ne vous dit rien : demandez. Dites aux joueurs que vous
êtes un chouïa coincé, vous ne savez pas trop comment faire pour que les
choses se remettent à fonctionner, et demandez-leur ce qu’ils aimeraient
faire. Ils doivent certainement avoir quelques idées, et pourraient même en
avoir quelques-unes vraiment excellentes. Vous pourriez même découvrir que
la perception de la partie comme un désastre n’était qu’une vue de votre
esprit, et que les joueurs ont eu " une sacrée soirée "
… eh, cela se pourrait bien !
Si vous sentez que la partie est gâchée par certains joueurs, par les
actions et l’attitude de certains autres, dites-le leur. Prenez les fauteurs
de troubles à part, et faites-leur savoir que vous pensez qu’ils gâchent
la partie à quelqu’un. Montrez-leur que tandis qu’ils trouvent absolument
irrésistible la répétition continuelle de " Okêêêê " (comme
dans " Les Visiteurs "), tous les autres ne partagent pas
cet avis.
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