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Ma première partie a plus ou moins foiré. En fait, elle a complètement
foiré. Elle a tellement foiré que c’est à cause d’elle que je n’ai
jamais tenté de maîtriser une partie depuis, de peur de me planter même à
moitié autant.
Commençons par le début, voire même le tout TOUT début. Ca va être très
long, et probablement assez ennuyeux, mais il est tard et je suis d’humeur à
taper sur mon clavier.
Ma première introduction aux dés de formes rigolotes fut une version en boîte
de Donjons et Dragons. Pas les règles AVANCEES de Donjons et Dragons,
juste ce bon vieux D&D, et je NE parle PAS de la troisième édition.
C’était un truc étrange avec une énorme carte, un paquet de figurines en
carton et un gros livre beau comme un camion avec des onglets de couleurs. Il y
avait une sorte d’histoire dans laquelle vous étiez engagé pour livrer un
cockatrice à quelqu’un puis vous vous retrouviez jeté dans une oubliette
puis vous pouviez jouer aux dés avec votre compagnon de cellule pour savoir s’il
allait partager sa nourriture avec vous. Pour un gosse de 9 ans, c’était
VRAIMENT étrange d’essayer de le résoudre. Cette boîte devint rapidement
une partie intégrante de mon placard jusqu’à ce que nous déménagions,
moment auquel je ne me souviens plus clairement de ce qui a pu lui arriver. J’espère
que ça ne vaut rien aujourd’hui, ou je me sentirais vraiment stupide de l’avoir
perdue. Hé, mais peut-être qu’on l’a encore ! Que je sois damné si
je sais où…
Quoiqu’il en soit, quelques années plus tard, je lus un guide de stratégie
pour un jeu informatique sur SuperNintendo qui s’appelait Shadowrun et
qui avait l’air trop chouette. Il y avait aussi au dos ce petit article sur
une certaine entreprise appelée FASA qui disait que Shadowrun était
avant tout un jeu de rôle ainsi que d’autres trucs qui n’étaient pas
vraiment importants : ce n’était pas comme si je savais où on pouvait
à l’époque TROUVER des jeux de rôle, et je n’avais pas encore joué au
jeu vidéo de toutes façons.
J’AI BIEN joué à ce jeu vidéo plus tard, et, assez étrangement, je l’ai
apprécié, bien que la première fois je sois resté coincé dans la casse de
voitures parce que je ne m’étais pas rendu compte que l’on pouvait aller
combattre dans l’arène pour se faire un max de pognon et se tirer de là vite
fait. Je dois avoir passé la meilleure partie de ces 14 heures à combattre
aléatoirement des ennemis dans des coins paumés pour quelques poignées de
nuyens jusqu’à ce qu’ENFIN j’en aie assez pour partir.
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[1] NdT le shaman est une sorte de magicien avec
un totem (ici le chien), le decker contrôle des véhicules à distance, et le
street samuraï est un guerrier cybernétiquement amélioré. |
Je découvris alors que je ne pouvais pas acheter de
fusil à pompe sans 14 heures supplémentaires de tueries et de pillages, du
coup je me dit " Et puis merde " et je l’oubliai
complètement pendant plusieurs années SUPPLEMENTAIRES. Ce fut plus tard que
je découvris les erreurs de ma technique et que je pus alors pulvériser les
obstacles à ma victoire en tant que seul et unique Shaman Chien / Decker/
Street Samuraï [1] de Seattle armé d’un canon d’assaut.
A nouveau, plusieurs années passèrent. Pour je ne sais quelle raison,
j’avais un abonnement à Disney Adventures Magazine. Je pense que
j’avais dû l’avoir en cadeau de Noël de la part d’une de mes tantes.
Quoiqu’il en soit, croyez-le ou non, ce n’était pas aussi MAUVAIS que ça
au début. Maintenant bien sûr, c’est nul. Ou peut-être étais-je plus
stupide à l’époque. Donc je reçus ce numéro, je ne me souviens plus
duquel il s’agissait, et il y avait cet article sur ce jeu de cartes appelé
Magic : l’Assemblée.
Oui, tout ceci va nous mener à quelque chose, ne vous inquiétez pas. Ici,
vous pouvez vous lever et vous étirer, faire un tour aux toilettes et
attraper quelque chose à manger. Ne vous inquiétez pas , on y arrive
bientôt.
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[2] NdT petits paquets de cartes additionnels
[3] NdT paquets de base du jeu |
Ce jeu avait l’air… en fait il avait l’air pas
mal. Les illustrations étaient vraiment cool, et celles de la quatrième
édition étaient géniales. Cela faisait en quelque sorte vibrer la corde du
fantastique et… hé ! Pas de dés zarbis ! Le fait qu’il
mentionne que certaines cartes valaient très cher n’était pas mauvais non
plus. Tout cela mijota dans mon esprit pendant un temps, jusqu’à cette
visite décisive à la librairie qui me mit en contact avec une boîte de boosters
[2]. Etant jeune et naïf, je m’imaginais que seuls ces paquets étaient
nécessaires pour jouer (il n’y avait aucun starter [3] exposé).
Donc, je les ouvris et me retrouvai sans le moindre putain d’indice sur ce
que j’étais supposé en faire. A ce stade, je commençai à penser que tous
les jeux fantastiques étaient nuls à chier. Avec le recul, c’était un
tirage de cartes assez bon. J’avais une " Liaison
psychique " et une " Bibliothèque Sylvestre "
(qui valent aujourd’hui respectivement environ 17€ et 6€).
J’ai oublié les cartes jusqu’à ce que nous déménagions et je suis
arrivé dans une nouvelle école. Un jour, je découvris une carte de Magic
sur le sol des vestiaires. Etonnant, pensais-je. Il y a ici des gens qui
doivent JOUER à ce jeu étrange. Maintenant je peux trouver quelqu’un qui
puisse me dire ce que valent ces cartes. Je posai la question et découvris
que Magic ETAIT très populaire dans l’école et qu’il y avait un
endroit bizarre sur la grand-route où il s’en vendait.
J’y suis allé l’après-midi même.
En passant rapidement sur la majorité de ces journées à jouer à Magic,
je devins un très bon ami du propriétaire du magasin, Bill. Je lui rendais
visite régulièrement, même pour parler de tout et de rien. En fait, son
magasin n’était pas vraiment un magasin de JEUX, c’était plutôt un
magasin de CARTES, de machins et de tout le bordel bizarre qui va avec. Bill
vendait des jeux de cartes, mais pas vraiment de jeux de rôle…
… jusqu’à ce qu’un jour, je tombe sur ce livre étrange en papier
glacé intitulé Feng Shui. La couverture était vraiment très
surprenante, alors je décidai de voir à quoi ça ressemblait à
l’intérieur.
Tout était drôlement insolite, et tout sentait différemment (oui, encore
aujourd’hui mon bouquin de Feng Shui garde une odeur distincte de
celle de tous mes autres livres. Je crois que c’est dû au papier glacé.),
mais il y avait des trucs qui rendaient vraiment bien. Des dispositifs
arcanotechnologiques ! Je ne sais franchement pas ce que c’est, mais
ça a FOUTREMENT l’air cool. Je peux toujours l’acheter pour le lire…
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[4] NdT: des sortes de dons ou de pouvoirs, qui
permettent p.ex. de tirer tout en bondissant. |
Ainsi Feng Shui fut mon premier jeu. Et c’était
un jeu fichtrement bien, bien que j’aie dû connaître plusieurs autres
systèmes de règles pour m’en rendre compte. Mais, argh ! C’est
encore un de ces jeux de rôle. Toujours plus de dés biscornus et de putain
de cartes… et.. bon… Ce Cyborg-démon est quand même vachement cool… Et….
Et bordel de MERDE, vous avez vu tous ces flingues ! Des Schticks ?
Ils ont des trucs qui s’appellent des Schticks !!! [4]
OK, alors peut-être que ça ne sera pas si mauvais que ça.
Cela m’a pris un mois, un putain de MOIS complet pour me faire une idée du
système de Feng Shui. Un mois. Je ne sais pas POURQUOI ça me
paraissait aussi singulier alors, ni pourquoi c’est une seconde nature
aujourd’hui, mais à l’époque, c’était comme les maths. Il n’y avait
pas de dés biscornus, de cockatrices ou autres, mais ça semblait aussi
mauvais. Mais sachez que j’y suis arrivé. J’étais sacrément fier de
moi.
Et ensuite, un jour chez Bill, j’ai découvert un autre livre, celui-ci
abîmé et tout écorné, mais dont le nom m’était familier : Shadowrun.
Je l’ai choppé tout de suite. Hé ! Le premier m’avait bien plu, et
j’avais aimé le jeu sur ordinateur.
Ce fut le jour où j’appris que les orcs et les trolls de Shadowrun n’étaient
pas REELLEMENT verts, bien que je continue encore à me les représenter
ainsi. Merci Nintendo.
Le système me posa aussi des problèmes. Ok, attendez, il y avait cet arbre
de compétences, ces points et quelques attributs, mais ensuite il y avait des
réserves de dés et l’initiative, et, euh… Mais comment lance-t-on ces
FOUTUS sorts ? Et hop, au placard !
Cela s’arrêta là pendant un temps, jusqu’à ce que je doive prendre
QUELQUE CHOSE à lire pour un voyage en bus. Je décidai de me créer un
personnage et j’emportai Shadowrun avec moi. Je pris bien soin que
personne ne me voie, de peur que l’on me jette des pierres, ou pire, que l’on
me demande comment on y joue.
Et, pour une raison ou pour une autre, j’ai eu une révélation ce jour là.
Spécialisations, armure balistique et armure d’impact, code de
dommages : ils prirent tout leur sens. Et depuis cela se passe comme ça
pour tous les jeux de rôle, rapidement et facilement (excepté GURPS,
mais nous n’aimons pas en parler). Feng Shui fut mon premier amour,
mais Shadowrun fut ma pierre de Rosette.
(C’est votre capitaine qui vous parle. Nous sommes presque arrivés à notre
destination. Merci de remonter vos tablettes et de respecter le signal
non-fumeurs. Merci d’avoir volé sur Air Moi.)
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[5] NdT système commun aux JdR publiés par White
Wolf |
Je fus officiellement introduit aux jeux de rôle en
tant que PJ avec le frère d’un de mes amis, qui maîtrisait ce qui était
grosso modo des parties improvisées avec un système fait maison qui était
plus ou moins comme le système de L’Art du Conteur [5], sauf que nous en
improvisions 90%. Avec le recul, ces parties n’étaient pas terribles, mais
j’en étais si fichtrement excité que je n’en dormais pas de la nuit et
que j’assaillais ma pauvre mère de mes radotages. Les expressos au chocolat
avaient peut-être quelque chose à y voir, également.
J’ai joué quelques autres parties avec Dan… à Vampire: la Mascarade.
Elles n’étaient pas terribles non plus. Nous avions un Malkav’ cinglé,
un Toreador qui n’était vraiment pas sophistiqué et il me semble que j’étais
un Brujah. Je crois avoir été tué par des Mages. Moi, je n’avais même
pas eu l’occasion de tuer quoique ce soit. Cependant, ces parties m’inspirèrent.
S’il peut le faire, alors, par Dieu, je peux le faire aussi.
J’ai commencé à avoir Shadowrun à l’esprit. Je partis faire des
photocopies du background pour le passer à tout le monde, et je tentai de
réunir tout le monde autour d’une table pour créer les personnages. Nous
avons créé les persos, mais personne ne voulut lire le background. Et merde.
Je ne pouvais pas commencer sans background… Il y a des orcs avec des
mitrailleuses, des gens cybernétisés et de la magie et des dragons et plein
de sortes de trucs. Je NE vais PAS expliquer tout ça au cours de la partie.
Non, non, pas question.
Fin du plan A, passons au plan B. C’est le moment de revenir à mes racines.
C’est le moment de revenir à Feng Shui.
Alors j’ai créé des intrigues. J’ai planifié. J’ai imprimé le
CONTENU ENTIER du site de Bryant
Durell sur Feng Shui (dont j’ai encore un classeur plein. Bonjour
les règles maison !). Je me suis FINALEMENT rassis, j’ai fait une
annonce à tout le monde, et les ai guidés tout au long de la création des
personnages. Nous allions réellement y arriver.
J’avais trois joueurs, pour autant que je m’en souvienne, c’est la
raison pour laquelle je me demande pourquoi je me rappelle de cinq PJ.
Passons, j’en virerai deux et garderai ceux dont je me souviens le mieux. L’un
d’eux était un Aigle Transformé (tiré du site de Bryant), un autre était
un habitant réfugié du Monde Inférieur qui s’était enfui par un portail
alors qu’il était pourchassé par d’autres réfugiés (aussi tiré du
site de Bryant), et un arnaqueur qui devait à Grand Frère Tsien BEAUCOUP d’argent
(également du site de Bryant. Je crois qu’on a pas touché le livret de
règles de toute la création).
J’ai attendu en peu, avancé puis reculé, tourné autour du pot… et
finalement j’ai pris mon courage à deux mains, un air décidé, et j’ai
foncé.
Mon Dieu que ce fut mauvais.
Sacrément mauvais.
VRAIMENT mauvais.
J’ai commence par une scène de combat. C’est classique, tout
spécialement dans Feng Shui. Si le groupe n’a aucune raison d’être
ensemble, mettez-les au milieu d’une grosse baston et ils se serreront les
coudes au bout du compte. Sans problème.
Chacun d’eux avait ses propres poursuivants pour une raison ou une autre. L’Animal
Transformé avait des tueurs du Pinacle après lui pour avoir aidé une
sorcière à échapper à un assassinat. Le voyageur du Monde Inférieur avait
d’autres réfugiés encore sur ses talons, et l’escroc avait les
recouvreurs de Tsien après lui. Ils terminèrent tous dans une sorte de
cul-de-sac où arriva une QUATRIEME personne qui était elle aussi
pourchassée par ses PROPRES malfrats. C’était un moine de la Main du Guide
tentant de remettre un paquet à un ancien membre de la confrérie et qui
était pourchassé par des membres des Mangeurs de Lotus. Scène de combat.
Ce fut une scène de combat ENNUYEUSE. Je n’arrivais pas à faire
correctement des descriptions excitantes, et mes amis ne m’aidaient pas en
ne tentant que des actions peu excitantes. On était censé être dans Feng
Shui, et ça ne collait pas fort. De plus, tous mes joueurs semblaient
être pris dans une avalanche de mauvais jets de dés, et c’était BIEN
AVANT que l’on ne me donne le conseil : " si te ne l’aimes
pas, tu l’ignores ". Le combat se traînait. FINALEMENT, j’y ai
mis fin brutalement avec le moine mourant et confiant aux PJ le soin de livrer
le colis, avant de décéder.
Et je ne VOULAIS même pas utiliser de clichés. C’est drôle comme les
choses peuvent se passer.
Ils allèrent dans un bateau-maison de Kowloon pour livrer le paquet et un
sorcier du Lotus les y attaqua. Une autre scène de combat ENNUYEUSE s’ensuivit,
à la fin de laquelle le sorcier mit accidentellement le feu au bateau, fut
assommé et coula avec l’embarcation. Les PJ rencontrèrent le vieux moine,
lui donnèrent le colis et découvrirent qu’il avait besoin de leur aide (Houmf !).
Le colis contenait des informations sur un nouveau site de feng shui assez
puissant… un chantier en cours de construction. Si la construction se
poursuivait, le site perdrait ses propriétés spécifiques mais à l’heure
actuelle, il était assez énergétique pour que le Lotus s’en serve comme
focus d’invocation. Les PJ devaient arrêter cela d’une manière ou d’une
autre, de préférence sans endommager les structures locales (oui, tout à
fait).
Ils s’y rendirent et découvrirent que le Lotus s’était DEJA accordé au
site et venait de finir d’invoquer une monstruosité à quatre bras surgie
droit de l’enfer, contrôlée par un sorcier qui lui ordonna de tuer les PJ.
Scène de combat ennuyeuse. Vous voyez le tableau, n’est-ce-pas ? Elle
se termina par le monstre plus ou moins écrasé dans la partie principale du
bâtiment. Celui-ci s’effondra sur tout le site et causa une sorte de
" retour de Chi " qui ouvrit brièvement un portail vers
le Monde Inférieur. Elle aspira les PJ, le monstre, et un bon nombre de
poutrelles d’acier, puis se referma brusquement.
Ainsi se termina également ma partie, parce que, Bon Dieu de Bon Dieu, c’était
foutrement MAUVAIS. TOUT fut mauvais. Les dialogues étaient nuls, les
clichés inexcusables même pour du Feng Shui, il n’y avait pas de
rythme digne de ce nom, les dés ne permirent à personne de placer un bon
coup, personne ne tenta d’être créatif. Dieu, qu’étais-je devenu ?
Et depuis ce jour je me suis fondamentalement interdit de maîtriser une
partie, même si j’en passe encore par toutes les phases. J’apprends les
systèmes, je lis les parties réservées au meneur de jeu, je lis les
conseils de maîtrise, je sélectionne des morceaux pour la musique d’ambiance,
j’achète de nouveaux suppléments… tout excepté cette étape importante
qui consiste à réellement faire quelque chose qui ressemblerait à
maîtriser.
Diable, je pourrais penser qu’après tant d’années j’ai appris une
chose ou deux et que je pourrais faire du meilleur boulot, mais chaque fois
que je commence à y songer, je me rappelle toujours cette partie de Feng
Shui et cela tue de façon quasi certaine toutes mes velléités à CE
sujet.
J’en suis là, plusieurs années plus tard, avec une collection
impressionnante de matériel, de nombreux systèmes en mémoire, la sagesse de
plusieurs générations de MJ au bout des doigts, et strictement aucune
confiance en moi.
Ô rage, ô désespoir…
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