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Dieu n’a pas un boulot facile. Que vous croyiez ou non en Son existence, vous
devez admettre que qui ou quoi que ce soit qui assure notre cycle de
réincarnation mérite bien quelques applaudissements. Que certains ne croient pas
en Son existence ne fait que rendre le travail d’autant plus difficile et
désagréable. Qu’il ne soit plus à la mode d’infliger des punitions
ironiques aux damnés, implique qu’il y a moins de soulagement pour Lui.
Je commence le mois par un sermon. Je déteste prêcher, à moins bien sûr qu’il ne
s’agisse d’un sermon blasphématoire à la Kevin Smith (Dieu est Canadien ? Calice
! Qu’est ce que ça veut dire?). Je tenais à le préciser tout de suite, avant
que votre cynisme naturel de rôliste et lecteur de comics ne débarque.
Nous voici maintenant là où je voulais en venir.
On dit souvent qu’un monde fantastique doit être plus vrai que le vrai pour
amortir le choc des inévitables absurdités. Malgré les platitudes marmonnées par
les joueurs à l'issue des parties, le MJ sait que seule la perfection est
acceptable. Je vous assure que, comme tout bon dictateur, je peux les ignorer
(même si je peux entendre dès maintenant les cris de protestation que cette
déclaration va inévitablement soulever).
Par extension, les MJ qui prennent le rôle de Dieu dans leur univers n'ont pas
non plus un boulot facile. D'abord, le poste requiert un orgueil sans bornes,
une vie sociale en dessous de la moyenne, une imagination en surchauffe et un
minimum de sens du style. Tout comme Dieu. Hourra pour tous ceux qui iront en
enfer pour avoir écrit un simple paragraphe.
Même Lui n'est pas parfait, et contrairement à Lui nous ne sommes pas les
premiers à prétendre que nos « voies sont impénétrables ».
Il n'est pas non plus persécuté par le Spécialiste des Règles (l'idée d'un
Spécialiste de la Réalité est absurde, oubliez-la) ; en butte aux critiques
constantes ; ou victime d'hallucinations dues au manque de sommeil. Il Lui a
fallu sept jours pour créer le monde, et j'ai du mal à mettre en place un
scénario publiable en moins de douze. Dieu est infini, tandis que chaque
lendemain de cuite me ramène au sentiment de ma propre finitude. Nous ne pouvons
être parfaits. Alors comment se débrouiller avec ces déficiences ?
Mentir. Tricher. Voler.
Toutes ces choses qu'Il nous a défendues de faire (bien que je ne sois pas sûr
que convoiter la femme de son prochain serve à grand chose en situation de
partie de JdR, mais un peu d'expérimentation hasardeuse n'a jamais fait de mal à
personne). En clair, révéler vos imperfections d'être humain va décupler votre
perfection de MJ (à moins que vous ne soyez un de ces illuminés qui croient que
la perfection, comme la justice, est un absolu).
Utilisez tout ce qui est à votre disposition ! Lancez les dés derrière votre
écran pour cacher le résultat qui aurait tué le Grand Méchant dès la première
rencontre. Souriez mystérieusement à chaque contradiction, comme si elle faisait
partie de l'intrigue. Engagez quelqu'un pour passer à tabac le Spécialiste des
Règles (je suis sûr que vous conviendrez que c’est une bonne mesure pour se
défouler un peu). Noyez les contradictions sous d'autres contradictions pour
vous donner l'air complexe. Soyez généreux avec l’ecstasy sur la pizza si vos
joueurs commencent à trop réfléchir.
Dans ce monde moderne, où les auteurs sniffent leur inspiration (également connu
sous le nom de 'Syndrome Jean Claude Van Damme '), les Muses sont connues pour
en refuser le don précieux aux MJ. Il ne sert à rien de lutter, offrez-vous
simplement une visite à l’équivalent des Muses disponible au marché noir : le
plagiat .
La clé d'un pillage réussi est de suivre l’exemple des entreprises américaines.
Volez un petit peu à tout le monde ! Les joueurs vont probablement reconnaître
la dernière livraison de Robert Jordan. Toutefois, ajoutez un petit peu de Niven,
quelques morceaux d'Eddings et une touche d'Ellison, et vous avez un
chef-d'œuvre. Restez prudents, ou vous pourriez par inadvertance créer une
infâme soupe (ce qui nous ramènerait à Jordan).
Rappelez-vous aussi que les notes écrites ne sont pas immuables ! Quand un
joueur fait quelque chose de complètement inattendu, ne le récompensez pas.
Punissez sévèrement l'imagination.
Il est récemment devenu de bonne politique dans le milieu du JdR d’affirmer que
tous les scénarios, toutes les règles sont adaptables aux besoins du
consommateur. Utilisez cette remarque au maximum de ses possibilités ! J'ai
tordu la campagne Le château fort aux confins du pays comme un vieux fil
de fer, et mes joueurs n'ont toujours pas compris pourquoi TSR avait mis un
Dragon Rouge dans une aventure pour personnages de niveau 1 à 3.
Mais que faire lorsque l'on est pris en plein mensonge, battu malgré la triche,
ou arrêté pour quelque chose qui n'était manifestement qu'à la limite de la
légalité ? Je suis sûr que l'on vous a conseillé au moins une fois de tout
avouer. Ha! Réfléchissez à ça : Clinton est resté président, Chirac a été élu et
Virenque est toujours sur le Tour de France. Le MJ règne depuis un trône de
pouvoir impénétrable, qui ne tient que par la fourberie. Abdiquer cette
puissance par l’aveu de ses erreurs va se révéler aussi douloureux que, mettons,
déféquer un d30 sur des WC en lames de rasoir, tout en corrigeant les erreurs de
Mage 2ème Edition. Même la malhonnêteté a sa propre moralité, donc ne
lâchez pas vos flingues. Deux mensonges ne font pas une vérité – à peine une
possibilité acceptable.
"Non, j’ai dit « Cthulho-hui ». Tu te moques de l’accent de mon pays ? "
"C’est un vampire spécial. Il est immunisé à la lumière du soleil. Tu perds 3000
xp. Dommage"
"Quels Droits de l’Homme ? "
" Je vous le jure, monsieur le juge, je lui donnais au moins 19 ans. "
Tromper et jouer finement sur les mots peut normalement vous sortir de n’importe
quelle situation, à moins bien sûr que vous ne soyez Georges « Dobeliou » Bush
ou Brigitte Bardot coincée dans un talk-show de l’après-Ardisson. Enfonce-toi,
rigolo ! Après tout, vous pouvez toujours vous enfuir en hurlant (vous voyez
Homer Simpson ?)
Peu importe à quel point vous penserez avoir été malin, il y en aura toujours un
pour se trouver encore plus malin. Les spécialistes des Règles. On peut
toutefois les utiliser à son propre avantage. Retournez les autres joueurs
contre eux. Ne vous contentez pas d’en punir un pour ses incartades – assurez
vous qu’ils trinquent tous. Cela vous place dans une situation enviable
au-dessus du chaos, et même dans la position quasi-divine de pousser
ostensiblement vos fidèles à une guerre sainte fratricide. Si tout le reste
échoue, rappelez vous que la violence est souvent plus rapide que la raison. Il
n’y a rien de plus satisfaisant que de voir un Spécialiste des Règles se tordre
avant de mourir d’une horrible occlusion intestinale.
Enfin, c’est avec une certaine satisfaction que je m’aperçois que
l’avertissement que j’avais prévu pour me protéger de toute affirmation sujette
à controverse ou de mes fautes d’orthographe, me permet de revenir non loin de
mon point de départ : je ne suis pas parfait. Bien sûr, quand les avocats et la
police s’amèneront, je me mettrai à gueuler « Parodie ».
Alors, félicitations. Si vous avez été assez irrationnel pour suivre chacune des
instructions précédentes, vous avez virtuellement assumé le pouvoir de Dieu,
sans aucune de ses responsabilités morales. Vous avez bien mérité un gato. En
public, je vous conseillerais d’utiliser vos pouvoirs avec précaution, de peur
de tomber du Côté Obscur. Mais qui d’autre est d’avis que Vador est plus cool
que le gamin échappé de sa ferme ?
Pour moi, c’est le Mal sur tout la ligne, poupée !
Je suis chaud. Qu’on me trouve un électorat. |