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Il était une fois : 

Ancré dans la fantasy

par Jake de Oude

Quand Magic mène aux jeux de rôles

Mon entrée dans le JdR ne se fit pas en une seule fois. Ce fut une longue route, parsemée d'étapes importantes.

Mon premier pas notable sur cette route fut mon initiation à la littérature de fantasy. Les livres de J.R.R. Tolkien firent partie de cette initiation. J'ai lu Bilbo le Hobbit vers l'âge de 10 ans. Ma mère, ainsi que mon grand frère, l'avaient lu, et pensaient que je devrais aussi le lire. Rétrospectivement, je leur suis reconnaissant de m'avoir doucement poussé dans la bonne direction. J'ai dévoré Bilbo et un an après, Le Seigneur des Anneaux puis le Silmarillon. Depuis, j'ai lu un nombre incalculable de livres de fantasy et de science-fiction, y compris Le Cycle des Princes d'Ambre de Roger Zelazny, le cycle complet de Dune par Frank Herbert ainsi que la Belgariade et la Mallorée de David Eddings. Je ne pourrais jamais trop insister sur la qualité et sur l'effet que ces livres, et l'œuvre de Tolkien, me firent.

L'étape suivante vers mon "rôlisme" fut l'arrivée de Magic : L'Assemblée. J'avais 14 ans à l'époque, et l'ami d'un ami nous encouragea à y jeter un coup d'œil, et ainsi mon ami et moi-même avons acheté des decks de base. Coïncidence, les decks étaient arrivés le jour même où nous avions décidé de les acheter. Main de Dieu ? Intervention divine ?

Magic consistait en un tas de cartes avec de luxueuses illustrations représentant toutes sortes de créatures fantastiques. L'art m'a toujours intéressé, et Magic en regorgeait. De même, il comportait beaucoup de stratégie. Tant, en vérité, que de nombreux articles et même des livres ont été écrits sur Magic et sa stratégie, particulièrement dans la construction des paquets. J'étais accro, et il me fallut quatre ans pour me débarrasser de cette drogue.

Alors en quoi ceci est-il important ? Parce que Magic fut le premier jeu non-informatique auquel je jouai, mis à part les jeux de base comme le Monopoly. Il m'ouvrit à d'autres jeux. Uniquement à des jeux de cartes au début, , mais cela allait évoluer avec le temps.

La seconde raison pour laquelle Magic fut si important pour moi est qu'il nous permit de fonder notre groupe de jeu. Avec ces gens, je jouerais pendant quatre années, et ce fut une époque formidable. Je me rappelle avec plaisir ces samedis après-midi, assis autour de la table à manger chez un de mes amis. 
Comme je le disais, les jeux de cartes étaient les plus courants, Magic en tête et Star Wars juste derrière.

Un jour, un des autres joueurs avait acheté une grosse boîte avec un gros dragon rouge sur le couvercle. Vous reconnaîtrez dans cette description la boîte d'introduction à AD&D seconde édition. C'est vrai, AD&D fut mon premier pas dans le monde des JdR - et je sais que je ne suis pas le seul dans ce cas.

(La prochaine fois que vous critiquerez AD&D, réfléchissez-y un peu. AD&D a probablement amené plus de nouveaux joueurs à notre loisir que tous les autres jeux ensemble. Pour ce mérite seulement, il est digne de notre respect. Bien sûr, pour certains d'entre nous, c'est son seul mérite. Mais ceci est une toute autre histoire.)

Nous n'avons joué qu'une aventure avec cette boîte, mais elle fut mémorable. Une des choses dont je me rappelle le plus nettement est la flexibilité des règles. 
- "AD&D flexible ? Mais il a des classes, des niveaux et…".
Oui, bien sûr, mais voyez-vous, nous avions grandi avec un régime sévère de Magic : l'Assemblée. Et s'il y a un jeu qui aie engendré une race de maniaques des règles, c'est bien Magic. Alors que nous explorions le donjon porte-monstre-trésor de la boîte, un des joueurs demanda s'il pouvait envoyer d'un coup de pied le brasero vers les gobelins qui s'approchaient. Après quelques vérifications, le MJ déclara qu'il pouvait. Ouah ! Nous avions là un gars qui faisait quelque chose d'intelligent, et il n'y avait même pas de règle contre ça. Ce n'était même pas l'exploitation d'un défaut des règles. C'était fort !

Le reste de l'aventure ne fut pas particulièrement spectaculaire ou innovant, jusqu'à ce qu'un autre joueur demande s'il pouvait lancer une lourde table en chêne sur d'autres méchants. Ouah ! Un autre passage cool ! Heureusement, il réussit son jet de Force et ne se fit pas un tour de rein…

Après cette unique partie nous avons laissé AD&D accumuler la poussière et sommes retournés à nos cartes. Bon ; il y a certaines personnes ici-bas qui deviennent obsédées par les choses les plus folles. Dans notre groupe, certains devirent obsédés par l'achat de chaque nouvelle extension pour Magic. Et, mes amis, des extension, Wizards of the Coast en ont fait beaucoup. Bientôt, ils devinrent également obsédés par l'achat de raretés épuisées. Au bout du compte, ce genre de comportement rendit le jeu moins drôle. L'année précédent mon départ à l'université, j'avais pratiquement cessé de joué.

Toutefois, ce ne fut pas la fin. J'allai à l'université pour étudier l'informatique - oui, certains diraient que je suis un polard. Et alors ? Je me suis fait de nouveaux amis et au bout d'un moment l'un d'eux mentionna AD&D. Il apparut que nous avions tous été plus ou moins exposés aux JdR et/ou à d'autres jeux. "AD&D ? Lançons-nous". Nous avons alors formé un groupe et nous avons commencé la campagne qui devait durer deux ans et demi. Notre MJ, un type qui jouait au JdR depuis deux ans, nous donna quelques leçons intéressantes. Par exemple :

Mon personnage Accolon (le nom était tiré des Brumes d'Avalon, par Marion Zimmer Bradley - j'ai mentionné que j'adorais les légendes arthuriennes, non ?) rôdait dans une forteresse orc. Avec son ami, un hobbit archétypique au nom évocateur de Sharky, nous étions en train d'infiltrer les bâtiments. 
Alors que nous débouchions au coin d'une rue, nous sommes tombés nez à nez avec un gros orc. Dans notre livre, un orc était un adversaire puissant. 
Je demandai donc : - " Est-ce qu'on se bat ou est-ce qu'on fuit ? "
Bang ! L'orc m'avait frappé sur la tête. 
Cela m'apprit la différence entre le discours en-jeu et hors-jeu.

La seconde grande leçon portait sur l'importance de l'encombrement. Sharky et Accolon avaient sauvé une certaine demoiselle en détresse d'un autre clan d'orcs -apparemment, le monde grouillait de ces bestioles vertes. 
La fille ne pouvait pas marcher donc je la portais. Je portais aussi quelques armes, un peu d'armure, et une semaine de vivres. Bien sûr, les orcs nous poursuivaient, et les orcs ont une bonne endurance. (J'aurais dû le savoir, j'avais lu le Seigneur des Anneaux environ six fois…) 
Après avoir raté quelques jets de Constitution et après quelques indices pas-si-subtils-que-ça du Meneur - " Que portez vous ? Êtes-vous sûrs d'avoir besoin de tout ? "- j'ai décidé de tout lâcher sauf la fille. C'est ce qui nous a sauvé la mise et notre peau à tous. Ouf !

Troisième leçon : la communication avec les autres personnages. La scène : Accolon et une partenaire doivent se rendre dans une certaine partie de la ville, surveillée par trois gardes. 
Accolon a un plan pour intimider les gardes : 
-" Vous feriez mieux de me laisser passer, ou sinon… Vous ne savez pas qui je suis ? Attendez que le sergent apprenne cela ! ".
Sans en avoir averti la combattante, il s'avance vers les gardes et commence à les baratiner. 
La fille pense : - " C'est une bonne diversion ! " et elle contourne discrètement les gardes. Le bluff d'Accolon ne marche pas, et il en est réduit à se battre. L'un des gardes va au tapis. 
MJ : - " Est-ce que tu continues ? "
Moi : - " Oui, cette femme va venir m'aider tôt ou tard ! "
La fille : - " Je suis déjà à deux pâtés de maisons de là… " 
Moi : " Oui, mais Accolon ne le sait pas ! En plus , il est en colère contre les gardes qui ne l'ont pas cru. C'est leur faute si nous avons dû nous battre. "
Ca, c'est du raisonnement ! Le deuxième garde est mis à terre, mais Accolon est méchamment blessé. L'échange qui suit ressemble à peu près à ça :
- " Le dernier garde est fou de colère. "
- " Pourquoi ? "
- " Tu as tué ses amis, tu te souviens ? "
- " Ah, oui ! J'ai fait ça, moi ? Il n'acceptera pas que je me rende si je le lui propose, n'est-ce pas ?"
- " Je crois bien que non. "

A la fin du combat, j'avais réussi à tuer les trois gardes - et mon personnage.
Notre première campagne dura deux ans et demi, mais j'ai été le seul joueur à créer plus d'un personnage. En fait, j'en ai fait quatre ou cinq, car ils mourraient tous assez rapidement. Le sus-cité Accolon, fils bâtard du roi de Todyar et d'une dame d'honneur d'Avalon, est celui qui a duré le plus longtemps. Mon taux de mortalité ne me préoccupait pas beaucoup, toutefois. Bon, d'accord, il me préoccupait, mais pas autant que vous pourriez le penser, car je prenais vraiment du plaisir à créer de nouveaux personnages et leur background. Je peux passer des heures à peaufiner tous les petits détails de la fiche de personnage. 
Par contre, ça m'énervait vraiment que certains personnages dont les actions stupides avaient coûté la vie à mon personnage réussissent d'une façon ou d'une autre à survivre au massacre.

La campagne s'arrêta brutalement. Le personnage d'un joueur, Marc, était un sorcier maléfique. Nous savions tous qu'il était mauvais, mais pas nos personnages. Ledit magicien utilisa un parchemin pour tuer Sharky le hobbit. Celui-ci lui tapait toujours sur les nerfs, et il avait fait échouer ses plans une fois de trop. 
Cependant, le sus-cité parchemin dépassait le pouvoir du magicien, et après quelques jets de dés ratés, le groupe tout entier fut décimé. " Euh… Désolé. "

Peut-être avait vous déjà entendu la phrase " Le roi est mort, vive le roi ! " [en français dans le texte]. Elle s'appliqua cette fois là. Après filé une claque au joueur du sorcier, nous avons immédiatement refait de nouveaux personnages, cette fois sous ma supervision. Oui, j'allai devenir MJ !

Bien sûr, j'ai commis toutes les erreurs classiques. J'ai détaillé un continent complet, complété d'une carte, alors que nous ne sommes jamais allé plus loin que les environs immédiats. J'ai développé des PNJ complexes, avec des historiques détaillés. Par conséquent, mes joueurs savaient immédiatement si un PNJ était un acteur majeur de l'intrigue, ou juste un personnage lambda. " Un grand type approche. Il a les yeux bleus et les cheveux bruns. Ses vêtements sont verts, sous lesquels il porte une armure de cuir finement ouvragée. Son épée est un chef d'œuvre qui scintille au soleil. D'une voix chaude, il déclare : " Heureux de vous rencontrer voyageurs. Je suis Torangil de Todyar. Bla, bla, bla…. ". Comparez ça avec ma description du maire de la ville :
- " Hum…euh… Le maire est un gros type. Il porte une armure. "
- " Quel est son nom? "
- " Euh… Il n'a pas de nom - Non, EUH… il s'appelle... il s'appelle… Billy ! "

Entre-temps, Marc m'avait fait connaître Vampire : la Mascarade et les autres jeux de la gamme du Conteur. Découverte capitale numéro quatre ! Comme je l'ai dit, j'ai toujours aimé les livres de fantasy, particulièrement ceux qui contiennent beaucoup d'informations sur le contexte. L'art est un de mes autres centres d'intérêt. Bien, vous pouvez deviner ma réaction. Les jeux du Conteur suintent de contexte et d'atmosphère. 
En accord avec l'air du temps, je n'ai jamais vraiment fait attention aux règles : l'univers de jeu est ce qui m'avait le plus attiré vers les livres. Depuis, j'ai lu de nombreux suppléments de Vampire, ainsi que ceux de Wraith : le Néant et d'autres. Nous avons même joué l'équivalent de deux séances de Vampire, mais n'avons pu trouver le temps de prolonger l'expérience, en plus de notre campagne d'AD&D.

Ensuite, notre groupe de joueurs en a rencontré un autre. Celui-ci nous a apporté des joueurs expérimentés et des tonnes de matériel. Ce contact élargit notre horizon car ils jouaient également aux jeux de plateau comme Roborally, les colons de Catane et le Seigneur des anneaux, pour n'en citer que quelques-uns. Bien que les JdR soient encore majoritaires, ils ne sont plus le seul type de jeu auquel je joue.

Ma route vers le rôlisme fut longue, mais elle fut agréable et mémorable. Ce qui avait commencé par un intérêt pour la littérature de fantasy a évolué vers un de mes principaux loisirs. J'ai découvert de nombreux jeux et rencontré de nombreuses personnes sympathiques en chemin. Je n'aurais raté  ça pour rien au monde.

En ce moment, notre MJ mène une campagne avec des personnes de notre groupe originel et du nouveau. Elle est destinée à être la plus grande de toutes les campagnes. Notre prochaine session est dimanche - et je n'en peux plus d'attendre.


Jack de Oude est un étudiant qui vit actuellement à Eindhoven, aux Pays-Bas. Il a l'étrange habitude de parler aux ordinateurs, ce qui n'est probablement pas la meilleure façon de communiquer avec eux. Sa dernière expérience de jeu inclut une partie du jeu de plateau Civilisation longue de 9 heures.

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Traduit par Antoine Drouart. Tiré de PTGPTB n°17, avec l'aimable autorisation de Steve Darlington. Aucune reproduction n'est permise sans l'accord de Steve Darlington. "Places to Go, People to Be" et "PTGPTB" sont aussi sous copyright. La version originale  peut être consultée sur le site de PTGPTB.