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Mon initiation au Jeu de Rôles ne fut pas
tant un chemin long et caillouteux, qu’une piste pleine de gouffres béants et
presque pas de ponts. Il y eut tant de voies sans issues que je suis sidéré de
toujours pratiquer ce loisir.
Au début on aurait pu croire que je n’aurais jamais la chance de maîtriser
ou de jouer du tout.
J’ai commencé en 5ème ou 4ème. J’étais accro aux comics
avec peu d’espoir de m'en sortir. C’était avant que les Guerres
Secrètes des Super-Héros Marvel m’envoient tournoyer dans une frénésie
qui fit paraître terne ma précédente collectionnite de B.D.
Ce fut à cette époque qu’un nouveau JdR sortit, nommé Marvel
Super Heroes Advanced Role Playing Game. J’avais entendu parler de AD&D mais, à l’époque, les JdR d’héroïc-fantasy ne
m’intéressaient pas. De plus, je ne connaissais aucun autre joueur. Quand je
vis le JdR Marvel sur l’étagère de
ma boutique de JdR/comics, j’eus le
même sentiment que si j’avais trouvé le Saint Graal de tous les jeux.
J’achetai Marvel et un scénario ou
deux. Je créai trois ou quatre personnages pour m’habituer et étudiai attentivement les règles. J’étais stupéfait
qu’ils aient vraiment des caracs pour tous les personnages-clés de l’Univers
Marvel. Puis j'ai rassemblé tous mes amis et les ai aidé à créer des
personnages. J’allais maîtriser une saga épique.
Toutefois, parvenir réellement à maîtriser, même la plus petite aventure, me
prit des années. Cela me déroutait à l'époque, et cela me déconcerte encore
aujourd'hui : tous ceux qui créaient un personnage étaient tout feu tout
flamme à l'idée de créer un PJ super-héros, qui pouvait faire et être tout
ce que leur petite imagination pouvait concocter - mais personne ne voulait
jouer à un jeu de rôles. Ils voulaient juste avoir le concept par écrit.
Cette idée me déboussola. C’est sûr : c'est drôle de voir le produit de
votre imagination couché sur le papier avec des caracs et des pouvoirs, mais ne
pas amener ce personnage à la vie pour voir ce qu'il pourrait faire en
situation de danger, était et reste au-delà de ce que je peux comprendre.
J'étais agacé, et c'est un euphémisme.
Lorsque je parvins enfin à maîtriser une
partie, ce ne fut qu'un scénario à la fois avec des joueurs et des PJ différents
à chaque fois, et cela ne revenait à rien d'autre qu'à une baston bourrine
dans le style super-héros. Nous nous amusions, mais je voulais raconter une
histoire. J'avais des idées grandioses de longues intrigues avec tous les
bonus. Je voulais voir les PJ confrontés à des défis énormes et à des
dilemmes déchirants. J'aurais pu obtenir ce genre d’aventures à un jeu de
plateau où les pions auraient des personnages collés dessus.
A cette époque, je ne faisait que créer des
centaines de persos, et abandonnai le JdR pour un temps.
Ce ne fut pas avant le lycée que je jouai vraiment à ma première partie
presque sérieuse. Un ami avait créé un monde pour AD&D
et une race pour les Personnages-Joueurs, appelée les Valura. Ils m'invitèrent
à jouer puisque j'avais un peu d'expérience du JdR et que j'avais aussi fait
un peu de théâtre. Je créai un personnage qui finirait par devenir un des
pivots de la campagne. J'élevai un dragon de bronze à partir d’un oeuf,
l'aidai à devenir adulte, me liai à lui aussi bien en tant que personnage que
comme joueur, et j'eus le cœur déchiré lorsqu'il fut tué au combat au cours
de la campagne. J'en ai adoré chaque minute, qui me prenait aux tripes.
La campagne ne tint pas plus de 6 mois, mais elle fut un virage décisif. Je m'étais
rendu compte qu'il existait d’autres déviants comme moi-même, qui faisait réellement
autre chose que simplement créer des personnages. Ces hurluberlus JOUAIENT
vraiment aux JdR. Le concept raviva les braises mourantes de mon obsession et me
fit fortement désirer trouver plus de gens comme ceux-là.
L'année du bac, j'allai à la Dragon*Con pour la première fois et me jetai sur
toutes les parties que je pouvais trouver. Je jouai dans un tournoi d'AD&D,
fus invité à une partie de soûle-toi-et-joue-à-AD&D-toute-la-nuit-jusqu'à-ce-que-tu-
tombes raide, puis je découvris un de ces jeux qui furent des tournants majeur
dans ma vie rôliste: un ami m'invita à jouer un JdR nommé Paranoïa.
Ce dernier jour de la Convention fut le meilleur moment, à être simplement
idiot et paranoïaque. Si vous n'avez jamais joué à ce JdR, croyez moi c'est
le pied si vous y jouez comme il faut. Cela m'apprit que vous n'êtes pas obligés
d'être sérieux pour avoir une partie formidable, et nous étions tout sauf sérieux.
Mon clone était accro aux pilules de bonheur et fut jeté d’une corniche
par un clownbot saboté par un commie-mutant. Je tombai vers le sol en agitant
les bras aussi fort que je le pouvais, hurlant « Je suis heureux !!!
Je suis heureux !!! ». Je manquai mon test de folie, mais survécus
à la chute, de justesse. Comme je le disais, une séance formidable. Je
finis par jouer avec ce groupe pendant 8 mois dans LA MÊME CAMPAGNE. La plupart
de nos clones y passèrent, mais la campagne, elle, continuait.
Je débutai l’université l’année suivante, et fut intégré dans une
partie de Champions exceptionnelle.
Puis je découvris le JdR qui serait celui qui me ferait maîtriser des parties
jusqu’au jour du Jugement Dernier. Vampire était sorti et j’avais entendu le bruit que l’on
faisait autour, mais ce jeu ne m'intéressait tout simplement pas autant que Champions,
Paranoïa, et AD&D. Puis un ami me demanda si j’aimerais participer à une
de ses campagnes. Je voulais tout essayer comme joueur, alors je me mis à créer
un personnage pour un tout nouveau JdR nommé Loup-Garou : l’Apocalypse. Je devins fou du système Storytelling
de White Wolf. C’était suffisamment simple pour que je puisse passer peu de
temps à lire les règles de base et aussitôt savoir comment jouer à ce jeu.
Maîtriser prit un peu plus de temps, mais cela en valait vraiment la peine.
Les gens avec qui je jouais à l’époque avaient toutefois un petit problème :
aucune partie ne pouvait survivre plus de deux semaines. Ils voulaient tous maîtriser
ou jouer à au moins une douzaine de JdR différents. Nous jouions quelque temps
puis on commençait autre chose. C’était un cycle sans fin de démarrage/arrêt
de parties. Comme je l’ai dit plus haut, je voulais maîtriser une campagne épique.
Je savais que les JdR du Monde des Ténèbres, surtout Loup-Garou,
me donneraient cette opportunité. Tout ce dont j’avais besoin, c’était
d’un groupe stable.
Je tombai sur mon prochain achat à peu près en même temps. Après avoir joué
une partie d’Ambre – le jeu de rôles sans dés, j'ai commencé à acheter le
livre de règles et tous les 10 volumes de la série. Je fus saisi par les
intrigues machiavéliques que Roger Zelazny avait concocté pour l’univers
d’Ambre. Je fus inspiré par le
concept de ces comploteurs qui gambadent entre les réalités, dotés de
pouvoirs fantastiques, d'une espérance de vie de plusieurs millénaires, et de
possibles enfants flânant dans les divers univers. La partie ne dura pas
longtemps, mais mon amour pour l’univers de jeu et le système persistèrent.
Je trouvai même des règles alternatives qui permettaient un meilleur contrôle
de la part du MJ.
Je jouai et maîtrisai une grande variété de JdR pendant ces années et j'ai
eu la chance d’être confronté à de nombreux systèmes de règles, mais
malheureusement encore, seulement pour peu de temps à chaque fois.
Après avoir quitté l’université, j'ai rejoint quelques autres groupes de
« zappeurs de JdR », jusqu’à ce que je décide de maîtriser une
campagne de Loup-Garou pour un nouveau
groupe. C’était tout ce qu’ils voulaient, une partie chaque semaine, mais ils
étaient bons pour le Grand Tour. Cette campagne Loup-Garou
dura 8 mois, jusqu’à ce que je sois vidé. C’était la première fois
que je maîtrisais quelque chose d’aussi long et je n’y étais pas habitué.
Garder la trace de toutes les intrigues secondaires devient un peu fatiguant à
la longue. J’étais aussi en train de sortir sévèrement de la campagne, ce
qui n’est jamais une bonne chose à moins que vous ne sachiez improviser
quand les joueurs sortent leurs propres idées. J’étais un peu inflexible et
je le savais. J’avais finalement l’épopée que j’avais rêvé de maîtriser
pendant des années, mais j’étais tombé dans le vieux piège à Maître de
Jeu qui consiste à coller trop fermement au scénario.
Je suspendis la campagne jusqu’à ce que je trouve un moyen de rendre les
intrigues plus fluides et interactives.
Je maîtrisai et jouai des parties sur des durées plus courtes, et achetai
quelques guides du Conteur de la gamme White Wolf. Ils avaient des articles du
genre « notes de l’auteur » dans les guides du Conteur, qui
enseignaient au lecteur comment être un meilleur Conteur, plutôt que de
distribuer des infos sur le monde et des gadgets pour les MJ. Je les
parcourus, ainsi que tout ce qui pouvait me tomber sous la main. Internet devint
une ressource très importante, tout comme les gens du magasin de jeux d’à côté.
J’avais été un client régulier d’une boutique depuis que j’étais gamin
et ils étaient plus qu’heureux de me donner des conseils et de finir par
parler des heures de JdR et du travail du MJ.
Enfin, je débutai une nouvelle campagne Loup-Garou
en 1997, et nous n’avons joué la fin qu'en avril [2000]. C’était l’épopée
à plusieurs niveaux d’intrigues que je voulais maîtriser depuis des années.
Je l’ai commencée avec une campagne du commerce et laissé la partie évoluer
jusqu’à ce qu’il n’y ait plus besoin de matériel officiel. Les
Personnages-Joueurs avaient des ennemis qui réapparaissaient de temps en temps.
Chaque PNJ avait son historique et ses caractéristiques propres. Les PJ furent
mêlés à des évènements qui conduisirent à la destruction de leurs caern,
la chute d’un des PJ, puis la quête de son salut, et la reconquête du foyer
de la meute. Je leur ai fait créer des nouveaux personnages et ils ont
d’abord joué l’épisode final avec leurs anciens persos partant dans une Quête
de l’Umbra pour reprendre possession de leur caern perdu, ensuite avec leurs
nouveaux persos en tant que « jeunes loups » gardant le caern en
leur absence. Après une pause, nous recommencerons avec leurs nouveaux persos
et j’utiliserai leurs vieux persos comme PNJ plus âgés.
La plupart des
gens du groupe font maintenant partie de mon
équipe de démonstration White Wolf que j'ai fondée il y a quelques années,
ici, à Atlanta. Nous jouons maintenant à Everway
et Enchanted Worlds un dimanche sur
deux, et faisons les démos (…) dans diverses boutiques de jeux les samedis.
Dans le courant de l'année prochaine, j'ouvrirai une boutique de jeux dans le
coin, et les démos seront aussi une de ses caractéristiques.
Je le reconnais, mon objectif a été long à atteindre, mais je n’en
changerais jamais. Je peux maintenant raconter les histoires épiques que j'ai
toujours voulu faire. Cependant, tout n'est pas rose. Je suis le MJ principal
du groupe, et c'est parfois épuisant. Parfois, je n’ai pas le temps de
penser à la séance à venir pendant la semaine. Cela constitue beaucoup de
travail. Pourtant, quel passe-temps n’en donne pas ? En vérité,
j’aime travailler à mes parties. Quand je suis vidé, je trouve un bon
livre ou un film qui donne un peu d’inspiration, je pique quelques
éléments d’intrigue, et je suis de nouveau parti au galop. Si je n’ai
pas eu le temps de préparer, j’improvise. J’ai tiré des scénarios
formidables d’évènements aléatoires que j’avais introduit sur un
coup de tête.
Il y a tant de bons côtés dans ce loisir que je ne peux tout simplement pas
imaginer ce que ma vie serait si je n’avais pas une ou deux étagères et un
sac à dos pleins de livres de JdR. Même mon fils de 4 ans adore quand mon
groupe débarque. Il lance les dés comme un pro. D’accord, je lui fais
lancer un dé à 20 faces de la taille de son poing, mais il héritera un jour
de la collection de plus de 1000 dés. Jusque là, je vêtirai le manteau de
MJ avec fierté et mon œil conservera cette lueur maléfique que mes joueurs
ont appris à craindre et aimer à la fois.
Et maintenant, on joue !
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