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Nombreux sont ceux qui ont écrit
sur la manière dont ils ont commencé à jouer aux JdR. Ils ont presque tous décrit
cela comme quelque chose de si facile, qui s’est déroulé naturellement. Pas
pour moi. Arriver à jouer fut une route longue et semée d’embûches.
Mes premières expériences de jeu
de rôle remontent au collège, en
4ème ou 3ème je pense. Scott, un de mes amis, et comme moi collectionneur de comics,
avait commandé une maquette de vaisseau Star Trek en étain avec un bon de
commande trouvé au dos d’un comic. Quand elle arriva, il en fut déçu
(elle était trop petite), mais elle fut livrée avec un catalogue FASA. FASA,
comme vous le savez tous, j’en suis sûr, produit les gammes Battletech /
Mechwarrior. Nous étions fascinés par l’idée de gros robots se tapant
dessus, donc nous avons rassemblé nos économies et commandé un exemplaire de Battletech.
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[1] NDT:
Battletech est un jeu de plateau où les joueurs commandent des robots géants,
appelés Mechs, regroupés en formation de trois (une « lance »)
afin d’écraser plus facilement l’adversaire. |
C’était génial. On a tout
installé dans la cave de Scott, parcouru rapidement les règles de base avec
les Mechs [1] préconstruits, les règles avancées avec les Mechs préconstruits,
puis nous sommes devenus vraiment créatifs et avons construit nos propres Mechs.
En moins d’un mois, nous commandions des lances de Mechs et nous étripions
l’un l’autre d’un bout à l’autre de la carte.
FASA édite aussi Shadowrun.
Un autre ami, le voyant dans le catalogue, commanda un exemplaire de la première
édition du livre de Shadowrun. Déconcerté par la création de
personnage, il me prêta le livre pour que je lui explique. Je l’ai lu en détail,
j’ai préparé rapidement un personnage, surligné les informations vitales et
le lui ai rendu. Et ce fut la dernière fois que j’en entendis parler.
Personne ne joua à Shadowrun tant que j’étais dans les environs (bien
que j’aie cru comprendre qu’ils firent une assez bonne campagne après mon départ).
A peu près à cette époque, un de
nos amis mentionna Donjons et Dragons. Bien sûr, nous avions tous
entendu parler de ce jeu, et nos mères nous avaient recommandé de ne pas y
jouer, sinon Satan prendrait nos âmes. Mais ce type avait tout le matos, et
voulait mener une campagne. Ca m’a paru sympa, donc j’ai dit que j’y
jouerai. Et ce fut la dernière fois que j’en entendis parler. Nous n’avons
jamais fait de personnages, je n’ai même jamais vu le Manuel du Joueur.
Puis j’ai déménagé. Papa était
garde-côte, et nous déménagions à peu près tous les 5 ou 6 ans. Un peu dur
pour la vie sociale, mais ça m’a permis de voir une grande partie du Canada,
ce qui n’est pas si mal.
A mon nouveau lycée, j’ai fini
par dénicher d’autres personnes qui trouvaient le jeu de rôle bien cool. Ils
avaient Shadowrun et GURPS ainsi que Rifts et un certain
nombre d’autres jeux moins en vogue. Ce qu’ils n’avaient pas, par contre,
c’était un véritable planning. J’ai créé un autre personnage pour Shadowrun.
J’ai créé d’innombrables PJ pour Marvel Super Heroes. J’ai fait
un personnage GURPS assez classe et plusieurs personnages à Rifts,
et il me semble que j’ai joué chaque personnage exactement une fois avant que
la partie ne s’arrête.
J’ai même essayé de maîtriser
quelques jeux : un Mechwarrior (2ème édition) bizarre, impliquant
des expatriés des Clans et un chat parlant ; un Shadowrun sur table
et un par e-mail. Créer des personnages était sympa, mais je voulais jouer
pendant plus d’une seule séance.
A l’université, je rencontrai
plus de joueurs. Devin maîtrisait un AD&D semi-classique, utilisant
l’univers de DarkSun, et j’ai créé quelques personnages pour ces
parties. Geoff aimait bien les Royaumes Oubliés, et j’ai aussi
fait quelques personnages. Nous avons joué deux fois – quand on pouvait réunir
tout le monde. C’était mieux qu’au lycée, mais c’est dur quand vous ne
pouvez pas jouer plus d’une ou deux fois par mois. Ils n’étaient pas non
plus les meilleurs MJ – Je ne rentrerai pas dans les détails, mais Devin avait un
penchant pour les parties sanglantes, et Geoff avait tendance à être plutôt
coulant quand il s’agissait de jet de dés (oh, bon, 17 c’est PRESQUE 20, je
vais te donner les double dommages…), et ni l’une ni l’autre de ces
attitudes ne permet de parties cohérentes.
C’est alors que nous rencontrâmes
Kevin. Kevin est l’un des meilleurs MJ que je connaisse, et c’est ce qui
compte. (Cependant, je devrais vraiment signaler que c’est une plaie en tant
que joueur. Il connaît toutes les règles !)
Ma première expérience d’une
campagne de jeu de rôle prolongée et cohérente fut à un jeu appelé Time
Cops. C’est un univers maison qui utilise le système HERO édité
par Hero Games. Kevin était le MJ. Les joueurs étaient mes amis, moi et, vers
la fin, ma femme Lora. Nous étions ses pions dans un immense jeu d’échecs
interdimensionnel dont les protagonistes étaient des démons, des vampires et
de vastes corporations. Mais rien de tout cela n’est important pour
l’instant. Ce qui est important, ce qu’il est vital que vous reteniez,
c’est le canoë gonflable à 6 places en caoutchouc jaune.
Mon premier personnage dans le monde
excentrique de Time Cops était un gangster des années 50. C’était un
cambrioleur hors-pair, un artiste de l’évasion et il était
extraordinairement riche. Je veux dire, riche à acheter des pays. Bien sûr,
rien de tout ça n’était important, ce qui était important c’était que,
suite à une expérience ratée courant 2010, il était piégé dans le temps,
loin de son empire et de son énorme réserve d’argent. De plus il n’arrêtait
pas de se faire subtiliser son flingue. Donc quand Noq, le démon rondelet qui
« dirigeait » les Time Cops lui offrit l’opportunité de
fouiller dans le placard de l’équipement, naturellement il en profita. Et, en
plus de munitions et d’un pistolet supplémentaire, il prit un canoë
gonflable à 6 places en caoutchouc jaune. Et ceci est vital, comme vous le
verrez bientôt.
Quelques temps après l’obtention
de ce canoë (le temps étant quelque peu malmené dans un jeu impliquant des
voyages dans le temps), notre groupe, séparé du système principal par les
circonstances, utilisait une machine à remonter le temps de secours. Cette
machine de secours avait la forme d’une grande malle à costumes avec un
couvercle arrondi. La malle était rose et couverte de gros pois jaunes.
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[2] NDT : la série « Mr. Dressup »,
fut diffusée pendant près de trente ans à la télévision
canadienne. « Mr. Dressup » amusait le jeune public avec des marionnettes, des histoires,
des chansons et du bricolage.
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Les canadiens reconnaîtront
« la Malle à Chatouilles de Mr. Dressup » [2]. Quand vous ouvriez
la malle, une volée de marches descendait vers un appartement de 3 pièces.
Dans le salon se trouvaient des commandes qui vous permettaient de choisir une
année et un lieu vers lesquels voyager. Cette machine avait deux problèmes
majeurs. Le premier était que voyager d’une époque à une autre prenait
trois mois. Le second était que le couvercle de la malle devait absolument être
scellé, sans quoi la brume noire qui sépare les lignes temporelles
s’infiltrait à l’intérieur et nous tuait tous. Vous voyez où tout ceci
nous mène, non ?
Or donc, un méchant agrippe la
malle juste au moment où nous nous préparons à partir. L’explosion d’une
grenade que lui a jeté l’un des nôtres ouvre le couvercle à l’instant même
où nous quittons le flux temporel. La brume noire commence à s’infiltrer
dans l’escalier, donc je gonfle le canoë dans la cage d’escalier, bloquant
ainsi la porte et sauvant la vie à tout le monde. Ce fut précisément le début
de la saga du canoë. Nous gardions une liste du nombre de fois où le canoë
nous sauva la vie. Je pense que nous en étions arrivés à 6 quand mon
personnage fut transformé en vampire puis tué pendant une frénésie de sang.
La peste soit de ces gangsters si bien armés. Nous avons utilisé ce canoë
pour glisser le long d’une pente raide, comme amortisseur en sautant d’un
immeuble, et dans d’autres situations, encore plus incroyables. Il ne fut
utilisé qu’une seule fois en tant que canoë – lorsque la malle est rentrée
dans le temps au-dessus d’un lac dans Central Park. Et ainsi, depuis ce temps
là, toutes les équipes de Time Cops sont équipées d’un canoë gonflable à
6 places en caoutchouc jaune.
En ce qui me concerne, le vrai
bonheur d’une longue campagne cohérente réside dans la possibilité
d’utiliser ce genre de gags récurrents. Comprenons-nous bien, je suis aussi
favorable au jeu en dilettante. J’aime jouer des one-shot, ou même de courtes
campagnes, mais pour le développement du personnage et l’humour, je préfère
le long terme.
Kevin est réellement celui grâce
à qui je joue toujours au jeu de rôle. Je pense qu’on peut dire la même
chose de la plupart de ses joueurs réguliers. Voyez-vous, il était flexible
quand il était important d’être flexible, mais rigide quand les règles
devaient être respectées. Un des joueurs avait horreur de faire des
personnages, alors il disait ce qu’il voulait et Kevin créait le perso. Moi,
au contraire, j’aime faire des personnages, plein de personnages, partout des
personnages. Donc il m’expliquait les règles pour que je puisse créer moi-même
des personnages. Au final, grâce à Kevin, nous étions heureux tous les deux,
et nous avons continué à jouer.
Un autre joueur aimait jouer des
personnages absurdement puissants, donc Kevin écrivait des campagnes qui lui
permettaient de créer des personnages impossibles à arrêter, et lui envoyait
alors des gros monstres à détruire. Ma femme, Lora, apprécie les personnages
complexes à fortes personnalités. Kevin tissait une trame où se mêlaient romance
et approfondissement de personnage derrière les gros monstres, et elle joua
le PJ le plus touffu et source d’intrigues que j’aie jamais vu. Le dernier
joueur de notre éuipe aimait jouer des personnages forts avec des attributs
bizarres, donc Kevin lui laissait créer des grands personnages qui explosaient
tout et qui s’étouffaient généralement eux-mêmes dans leurs propres manigances
complexes. Ses campagnes avaient toujours quelque chose pour chaque joueur, et,
juste au moment où nous commencions à être déçus du style des D&D
de Devin, nous avons été revigorés et sommes restés fidèles à notre
passion grâce à Kevin. Tel est le pouvoir d’un bon MJ.
Depuis nos premières parties
ensemble, la plupart des autres ont commencé leurs propres parties. Kevin joue
toujours à Time Cops, et Lora et moi jouons toujours notre propre
campagne dans une ville différente et sous un autre nom. Ainsi, l’un dans
l’autre, tout le monde est gagnant, et c’est exactement ce qui fait le JdR,
non ?
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