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Il était une fois

Prendre le…canoë…au bond ?

Par Michael John Timonin

Où l’auteur se penche sur ses débuts dans le JDR, et sur les canoës.

 

Nombreux sont ceux qui ont écrit sur la manière dont ils ont commencé à jouer aux JdR. Ils ont presque tous décrit cela comme quelque chose de si facile, qui s’est déroulé naturellement. Pas pour moi. Arriver à jouer fut une route longue et semée d’embûches.

Mes premières expériences de jeu de rôle remontent au collège,  en 4ème ou 3ème je pense. Scott, un de mes amis, et comme moi collectionneur de comics, avait commandé une maquette de vaisseau Star Trek en étain avec un bon de commande trouvé au dos d’un comic. Quand elle arriva, il en fut déçu (elle était trop petite), mais elle fut livrée avec un catalogue FASA. FASA, comme vous le savez tous, j’en suis sûr, produit les gammes Battletech / Mechwarrior. Nous étions fascinés par l’idée de gros robots se tapant dessus, donc nous avons rassemblé nos économies et commandé un exemplaire de Battletech.

 

[1] NDT: Battletech est un jeu de plateau où les joueurs commandent des robots géants, appelés Mechs,  regroupés en formation de trois (une « lance ») afin d’écraser plus facilement l’adversaire.

C’était génial. On a tout installé dans la cave de Scott, parcouru rapidement les règles de base avec les Mechs [1] préconstruits, les règles avancées avec les Mechs préconstruits, puis nous sommes devenus vraiment créatifs et avons construit nos propres Mechs. En moins d’un mois, nous commandions des lances de Mechs et nous étripions l’un l’autre d’un bout à l’autre de la carte.

FASA édite aussi Shadowrun. Un autre ami, le voyant dans le catalogue, commanda un exemplaire de la première édition du livre de Shadowrun. Déconcerté par la création de personnage, il me prêta le livre pour que je lui explique. Je l’ai lu en détail, j’ai préparé rapidement un personnage, surligné les informations vitales et le lui ai rendu. Et ce fut la dernière fois que j’en entendis parler. Personne ne joua à Shadowrun tant que j’étais dans les environs (bien que j’aie cru comprendre qu’ils firent une assez bonne campagne après mon départ).

A peu près à cette époque, un de nos amis mentionna Donjons et Dragons. Bien sûr, nous avions tous entendu parler de ce jeu, et nos mères nous avaient recommandé de ne pas y jouer, sinon Satan prendrait nos âmes. Mais ce type avait tout le matos, et voulait mener une campagne. Ca m’a paru sympa, donc j’ai dit que j’y jouerai. Et ce fut la dernière fois que j’en entendis parler. Nous n’avons jamais fait de personnages, je n’ai même jamais vu le Manuel du Joueur.

Puis j’ai déménagé. Papa était garde-côte, et nous déménagions à peu près tous les 5 ou 6 ans. Un peu dur pour la vie sociale, mais ça m’a permis de voir une grande partie du Canada, ce qui n’est pas si mal.

A mon nouveau lycée, j’ai fini par dénicher d’autres personnes qui trouvaient le jeu de rôle bien cool. Ils avaient Shadowrun et GURPS ainsi que Rifts et un certain nombre d’autres jeux moins en vogue. Ce qu’ils n’avaient pas, par contre, c’était un véritable planning. J’ai créé un autre personnage pour Shadowrun. J’ai créé d’innombrables PJ pour Marvel Super Heroes. J’ai fait un personnage GURPS assez classe et plusieurs personnages à Rifts, et il me semble que j’ai joué chaque personnage exactement une fois avant que la partie ne s’arrête.

J’ai même essayé de maîtriser quelques jeux : un Mechwarrior (2ème édition) bizarre, impliquant des expatriés des Clans et un chat parlant ; un Shadowrun sur table et un par e-mail. Créer des personnages était sympa, mais je voulais jouer pendant plus d’une seule séance.

A l’université, je rencontrai plus de joueurs. Devin maîtrisait un AD&D semi-classique, utilisant l’univers de DarkSun, et j’ai créé quelques personnages pour ces parties. Geoff aimait bien les Royaumes Oubliés, et j’ai aussi fait quelques personnages. Nous avons joué deux fois – quand on pouvait réunir tout le monde. C’était mieux qu’au lycée, mais c’est dur quand vous ne pouvez pas jouer plus d’une ou deux fois par mois. Ils n’étaient pas non plus les meilleurs MJ – Je ne rentrerai pas dans les détails, mais Devin avait un penchant pour les parties sanglantes, et Geoff avait tendance à être plutôt coulant quand il s’agissait de jet de dés (oh, bon, 17 c’est PRESQUE 20, je vais te donner les double dommages…), et ni l’une ni l’autre de ces attitudes ne permet de parties cohérentes.

C’est alors que nous rencontrâmes Kevin. Kevin est l’un des meilleurs MJ que je connaisse, et c’est ce qui compte. (Cependant, je devrais vraiment signaler que c’est une plaie en tant que joueur. Il connaît toutes les règles !)

Ma première expérience d’une campagne de jeu de rôle prolongée et cohérente fut à un jeu appelé Time Cops. C’est un univers maison qui utilise le système HERO édité par Hero Games. Kevin était le MJ. Les joueurs étaient mes amis, moi et, vers la fin, ma femme Lora. Nous étions ses pions dans un immense jeu d’échecs interdimensionnel dont les protagonistes étaient des démons, des vampires et de vastes corporations. Mais rien de tout cela n’est important pour l’instant. Ce qui est important, ce qu’il est vital que vous reteniez, c’est le canoë gonflable à 6 places en caoutchouc jaune.

Mon premier personnage dans le monde excentrique de Time Cops était un gangster des années 50. C’était un cambrioleur hors-pair, un artiste de l’évasion et il était extraordinairement riche. Je veux dire, riche à acheter des pays. Bien sûr, rien de tout ça n’était important, ce qui était important c’était que, suite à une expérience ratée courant 2010, il était piégé dans le temps, loin de son empire et de son énorme réserve d’argent. De plus il n’arrêtait pas de se faire subtiliser son flingue. Donc quand Noq, le démon rondelet qui « dirigeait » les Time Cops lui offrit l’opportunité de fouiller dans le placard de l’équipement, naturellement il en profita. Et, en plus de munitions et d’un pistolet supplémentaire, il prit un canoë gonflable à 6 places en caoutchouc jaune. Et ceci est vital, comme vous le verrez bientôt.

Quelques temps après l’obtention de ce canoë (le temps étant quelque peu malmené dans un jeu impliquant des voyages dans le temps), notre groupe, séparé du système principal par les circonstances, utilisait une machine à remonter le temps de secours. Cette machine de secours avait la forme d’une grande malle à costumes avec un couvercle arrondi. La malle était rose et couverte de gros pois jaunes.

 

[2] NDT : la série « Mr. Dressup »,  fut diffusée pendant près de trente ans à la télévision canadienne. « Mr. Dressup »  amusait le jeune public avec des marionnettes, des histoires, des chansons et du bricolage.

Les canadiens reconnaîtront « la Malle à Chatouilles de Mr. Dressup » [2]. Quand vous ouvriez la malle, une volée de marches descendait vers un appartement de 3 pièces. Dans le salon se trouvaient des commandes qui vous permettaient de choisir une année et un lieu vers lesquels voyager. Cette machine avait deux problèmes majeurs. Le premier était que voyager d’une époque à une autre prenait trois mois. Le second était que le couvercle de la malle devait absolument être scellé, sans quoi la brume noire qui sépare les lignes temporelles s’infiltrait à l’intérieur et nous tuait tous. Vous voyez où tout ceci nous mène, non ?

Or donc, un méchant agrippe la malle juste au moment où nous nous préparons à partir. L’explosion d’une grenade que lui a jeté l’un des nôtres ouvre le couvercle à l’instant même où nous quittons le flux temporel. La brume noire commence à s’infiltrer dans l’escalier, donc je gonfle le canoë dans la cage d’escalier, bloquant ainsi la porte et sauvant la vie à tout le monde. Ce fut précisément le début de la saga du canoë. Nous gardions une liste du nombre de fois où le canoë nous sauva la vie. Je pense que nous en étions arrivés à 6 quand mon personnage fut transformé en vampire puis tué pendant une frénésie de sang. La peste soit de ces gangsters si bien armés. Nous avons utilisé ce canoë pour glisser le long d’une pente raide, comme amortisseur en sautant d’un immeuble, et dans d’autres situations, encore plus incroyables. Il ne fut utilisé qu’une seule fois en tant que canoë – lorsque la malle est rentrée dans le temps au-dessus d’un lac dans Central Park. Et ainsi, depuis ce temps là, toutes les équipes de Time Cops sont équipées d’un canoë gonflable à 6 places en caoutchouc jaune.

En ce qui me concerne, le vrai bonheur d’une longue campagne cohérente réside dans la possibilité d’utiliser ce genre de gags récurrents. Comprenons-nous bien, je suis aussi favorable au jeu en dilettante. J’aime jouer des one-shot, ou même de courtes campagnes, mais pour le développement du personnage et l’humour, je préfère le long terme. 

Kevin est réellement celui grâce à qui je joue toujours au jeu de rôle. Je pense qu’on peut dire la même chose de la plupart de ses joueurs réguliers. Voyez-vous, il était flexible quand il était important d’être flexible, mais rigide quand les règles devaient être respectées. Un des joueurs avait horreur de faire des personnages, alors il disait ce qu’il voulait et Kevin créait le perso. Moi, au contraire, j’aime faire des personnages, plein de personnages, partout des personnages. Donc il m’expliquait les règles pour que je puisse créer moi-même des personnages. Au final, grâce à Kevin, nous étions heureux tous les deux, et nous avons continué à jouer. 

Un autre joueur aimait jouer des personnages absurdement puissants, donc Kevin écrivait des campagnes qui lui permettaient de créer des personnages impossibles à arrêter, et lui envoyait alors des gros monstres à détruire. Ma femme, Lora, apprécie les personnages complexes à fortes personnalités. Kevin tissait une trame où se mêlaient romance et approfondissement de personnage derrière les gros monstres, et elle joua le PJ le plus touffu et source d’intrigues que j’aie jamais vu. Le dernier joueur de notre éuipe aimait jouer des personnages forts avec des attributs bizarres, donc Kevin lui laissait créer des grands personnages qui explosaient tout et qui s’étouffaient généralement eux-mêmes dans leurs propres manigances complexes. Ses campagnes avaient toujours quelque chose pour chaque joueur, et, juste au moment où nous commencions à être déçus du style des D&D de Devin, nous avons été revigorés et sommes restés fidèles à notre passion grâce à Kevin. Tel est le pouvoir d’un bon MJ. 

Depuis nos premières parties ensemble, la plupart des autres ont commencé leurs propres parties. Kevin joue toujours à Time Cops, et Lora et moi jouons toujours notre propre campagne dans une ville différente et sous un autre nom. Ainsi, l’un dans l’autre, tout le monde est gagnant, et c’est exactement ce qui fait le JdR, non ?

 


Michael est un canadien qui vit aux Etats-Unis où, bien qu’il ait fini par rejoindre un club de jeu de rôle, il joue toujours beaucoup moins qu’avant. Il joue  actuellement une campagne de Vampire : The Dark Ages et vient juste de débuter sa propre campagne de Time Cops.

 

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Traduit par Nital. Tiré de PTGPTB n°12, avec l'aimable autorisation de Steve Darlington. Aucune reproduction n'est permise sans l'accord de Steve Darlington. "Places to Go, People to Be" et "PTGPTB" sont aussi sous copyright. La version originale  peut être consultée sur le site de PTGPTB.