J'aurais voulu être un héros
Par Sarah Hollings
L’héroïsme et la tension dramatique
sont les pierres angulaires de l'expérience rôliste
ultime
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Si vous lisez cet article, vous devez être rôliste depuis un certain temps et
savoir précisément ce que vous attendez de « l’expérience d’être
joueur de jeu de rôles ». Nous lisons des livres, écrivons l’histoire
de notre personnage, construisons des mondes et travaillons à cette expérience
ultime avec nos partenaires de JdR.
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Vous pourrez suivre les progrès de Sarah
vers la construction de son Utopie en suivant le lien à la fin de cet
article. |
Mais ce Nirvana du jeu de rôle fantasy est très
différent d’un joueur à l’autre. Et comme beaucoup de quêteurs, j’ai
tenté de trouver ma propre voie ; et j’ai travaillé à ma propre version
du jeu de rôle med-fan idéal. Grâce à cet article, j’espère parvenir à
partager avec vous ce que je veux réaliser, et placer quelques panneaux de
signalisation pour les autres quêteurs.
L’une de mes convictions concernant les jeux de rôles med-fan est qu’ils
doivent traiter de Héros. Des tonnes d’articles ont été écrit pour dire
ce qu’est un héros. Plus que de
simples définitions, certains forment de véritables traités – sur un mot
lourd de sens pour beaucoup de rôlistes, et pour tous les romantiques. Je
manque de place ici pour m’étendre sur le sujet, autorisez-moi un peu de
flou artistique et je vais essayer d’illustrer mon propos.
Je suis habitée par un ardent désir d’aventure et de bravoure. Cette quête
est celle de l’héroïsme. L’héroïsme apparaît dans les conflits et
dans la lutte. Mais je pense que ce n’est jamais plus clair que dans un
conflit avec un ennemi mortel et dans l’empoignade physique qui s’ensuit.
Quel est le plus beau combat que vous ayez jamais vu ? Oubliez les matchs
de boxe et les empoignades de cour de récré – ce sont des combats réels.
Aucun combat réel ne sera jamais bon, dans la mesure où la monotonie de son
déroulement et la méchanceté vulgaire des participants le gâcheront inévitablement.
J’entends montrer des batailles de proportions héroïques entre de
formidables adversaires.
Quel combat, quel conflit vous a fait retenir votre souffle, vous accrocher à
votre siège et vibrer à chaque corps à corps, à chaque coup ? Luke
Skywalker se battant au bord du cratère dans Le Retour du Jedi ?
Pierre et le loup ? Le Terrible Pirate Roberts et Iñigo Montoya au
sommet des Pics de la Folie ?
Dans mon cas, ce serait un duel à l’épée, en direct, brillamment chorégraphié, lors
d’une représentation de Macbeth sur scène. Ces gars là avaient de vraies
épées en acier. Le choc du métal contre le métal et les perles de
transpiration étaient plus vraies que nature, même sous l’éclairage théâtral.
« Frappe sans pitié, MacDuff, maudit soit le premier qui demande
quartier »
Vous vous rappelez ? Macbeth bien sûr perdit contre MacDuff, mais il
avait été trompé par les sorcières et ses dernières répliques montrent,
au cœur de son désespoir absolu, le retour de son authentique âme de
guerrier.
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NdT: ceci est illustré dans les films du Seigneur
des Anneaux, - notamment dans Les Deux Tours - , quand chaque
bataille précédée de harangues enflammées créent une pression
dramatique. |
Ce que je veux dire est que de telles batailles nous passionnent à cause de
l’héroïsme résultant d’une vraie tension dramatique. Il y a l’action,
mais il doit aussi y avoir du drame. Maintenant, ajoutons que le drame naît
de l’intrigue, du cadre et de l’histoire. Nous devons savoir pourquoi les
protagonistes combattent, leurs motivations. Nous voulons des serments de
sang, des ennemis jurés, de sombres Némésis ou des alliés respectés. Ils
se battent pour le bien, contre le mal ; ils se battent pour redresser
les torts, sauver des princesses. Nous voulons que notre héros soit mis à
l’épreuve, mais la seule raison pour laquelle nous voulons le voir
l’emporter est la cause pour laquelle il combat ! Les jeux de rôle
sont faits – en tout cas pour moi – pour être placé au cœur de
l’action, pour être Xena la Guerrière et combattre les serviteurs du mal
pour défendre des causes et accomplir des quêtes.
L’un des aspects les plus importants de mon univers de
jeu, ainsi que des règles qui lui sont associées, de ses illustrations et de
tout le reste, est une collection de profils héroïques que j’appelle les
Figures de Légende. Chacune de ces Figures de Légende déborde d’intrigues
et d’un background si plein de tension dramatique que l’héroïsme est
assuré d’en jaillir. Il n’y a pas besoin d’être un suivant, de s’engager
dans une armée ou de s’empêtrer à perpétuité dans les manœuvres
politiques pour être un héros ; dans mon JdR idéal, chaque joueur peut
être aussi héroïque que Xena.
Dans mon jeu de rôle ultime, non seulement il y a de l’héroïsme pour tous
les participants, mais les combats ont du panache. Comme je le suggérais plus
haut à propos du duel dans la représentation de Macbeth, le combat est tout
en haut dans ma liste des éléments indispensables à un JdR grandiose. Et le
combat donne, comme aucune autre chose, une chance aux héros de démontrer leur
valeur et de tenir leurs promesses. Mais pour que cela fonctionne de mon point
de vue, le combat doit absolument avoir du panache. C’est pourquoi je suis
en train de travailler sur des règles complexes pour le combat et les
affrontements magiques qui devraient permettre ces combats merveilleusement
chorégraphiés que j’ai pu voir dans mes films favoris ou imaginer à la
lecture de mes livres préférés.
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Un des meilleurs exemples de système de combat dramatique et très
chorégraphié se trouve dans le JdR d’action hongkongaise Feng
Shui |
Quand j’aurai terminé (si cela arrive jamais !)
la rédaction de mon JdR, notre héros sera capable de bondir, saisir une
branche basse et balancer un coup de pied fouetté à la tête de ses ennemis.
On va voir la force magique de la sorcière jaillir du mouvement de ses mains.
L’épée du chevalier coupera et tranchera, et ses ennemis saigneront. Ca
paraît impressionnant mais je ne demande pas grand-chose – juste la
perfection !
Bien sûr, le plus difficile est de savoir ce que vous voulez
- de se débarrasser de tout ces "si seulement", et de
commencer le processus de création avec une liste de souhaits. Mais avant
cette liste de souhaits, il y a la liste des bofs, ce dont nous ne voulons
pas. Il y a plusieurs points dans le JdR traditionnel, qui n’ont jamais
collé avec ma conception de l’héroïsme.
Prenez les monstres : nous savons que les monstres sont les méchants –
après tout, ce sont des monstres ! Et ouais, c’est nous les Joueurs !
Mais quand est ce qu’on affronte les vrais méchants ? Et comment
saurais-je qu’ils sont vraiment méchants ? Combattre un golem, c’est une
chose – mais combattre un golem que le maléfique Sorcier Saletype a créé
pour l’envoyer contre moi, c’est héroïque, et c’est fun !
Pour moi, un authentique méchant n’a besoin que d’être capable
d’imaginer faire le mal. Si durant mon enfance un dragon enlève ma sœur
mais que ce n’est qu’une bestiole stupide qui cherche son prochain repas,
c’est pas de bol, mais c’est la vie. Mais si le dragon veut une jeune
vierge et la couve d’un regard avide, c’est une histoire. La quête de
ma vie prend forme : je vais devoir pourchasser ce dragon, et le défaire !
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Le précédent paragraphe ne voulait pas mettre
en doute l’intelligence de nos amis à écailles. |
Donc, dans mon JdR idéal, les quêtes et les PNJ fournissent la chair à
canon. Et plutôt que de dégager son chemin à la hache dans des hordes de
monstres errants qui se demandent bien ce qu’ils peuvent faire là, nous
nous attarderons sur les détails de chaque coup de chaque bataille, comme
s’il formait un chapitre à part de ce conte héroïque.
Les trésors sont aussi une banale contrariété. Nous adorons tous rafler des
trésors – eh, on les a maravés ces monstres, pas vrai ? Où il est
notre trésor ? Le problème avec les trésors, c’est qu’ils ont
tendance à traîner partout dans les donjons.
C’est comme si des douzaines de gens extrêmement riches avaient vécu
là avant d’y mourir mystérieusement, laissant des épées magiques
couvertes de pierres précieuses, des sacs d’or et tout le reste traîner
par terre, comme autant de débris de la Marie-Céleste. Prétendre qu’ils appartenaient aux monstres ou qu’ils en
avaient la garde, n’a généralement pas plus de sens.
A moins que les orcs ne gardent l’infect butin de leur chef (auquel cas il y
a aura des portes bardées d’acier, des verrous et autres pièges de tas de
trésors), vous ne trouverez rien d’autre après les avoir tués que
quelques os de cochon, des haches de bataille mal entretenues et peut-être
une poignée de pièces d’or.
On trouvera les anneaux magiques sur de pâles créatures aux yeux éteints
errants dans des cavernes souterraines, ou aux mains de sorcières parcheminées
vivant sur des îles invraisemblables au milieu d’eaux infestées de
serpents. Les épées magiques seront arrachées du roc par des héros au cœur
pur, ou gagnées sur des dragons vivants au sommet de pics vertigineux. L’or
sera pris aux voleurs ou aux seigneurs à l’âme noire, ou gagné par de
hauts faits.
Il est vrai que le pauvre MJ a pas mal de boulot pour créer des scénarios
– des donjons, ou n’importe quoi d’autre. Mais il faudrait aussi que le
trésor soit détaillé dans ces quêtes. Dans mon JdR idéal, ce sera le cas.
Il y a quelque chose d’autre dans l’héroïsme. Une essence presque indéfinissable.
Quelquefois, ce n’est pas plus qu’une affaire de style, de savoir-faire. Mais cela peut être aussi profond qu’un code d’honneur et de
fierté, ou un sens de la destinée qui conduit à préférer la juste
solution à la solution de facilité.
Nous sommes en pleine Fantasy – nous n’avons pas à nous brosser les
dents, personne ne va aux toilettes, et nous n’avons pas à faire quelque
chose de façon banale si nous pouvons le faire avec éclat et panache,
bravoure et dramaturgie. C’est quelque chose qui ne peut être traduit en
termes de règles. Cela doit venir de joueurs ayant bien détaillé le
background de leurs personnages et ayant la volonté de les interpréter.
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Si vous avez besoin d’être convaincu de la
nature suprêmement romantique de l’épée, consultez
ce
site. |
Un sujet qui peut aider le jeu de rôle à s’élever
au-dessus de l’ordinaire est le système utilisé pour le combat et les
armes. Pour moi, il n’y a pas d’armes avec autant d’éclat que l’épée.
Notre héros combat avec astuce, panache et un art consommé – mais toujours
avec honneur. L’épée est l’incarnation de cet honneur.
Il y a pléthore de types d’armes différents que je ne veux pas
sous-estimer: haches, masses d’armes, toutes les armes d’hast, et les
armes de distance. Elles ont leur rôle.
Chacun son truc, je suppose ; mon sentiment est que les haches sont là
pour que les nains et les orcs aient quelque chose avec quoi combattre, mais
on ne trouvera jamais de héros au bout d’une hallebarde, et un bâton
convient très bien à Gabrielle – mais Xena se bat à l’épée !
Un autre exemple de JdR qui s’attache à donner aux combats cette ambiance
dramatique (bien qu’à un rythme beaucoup plus lent que Feng
Shui) est l’excellent Ars
Magica.
Ainsi pour ressentir ceci dans une partie, j’ai besoin d’un univers et
d’un système de jeu qui me permette d’esquiver un coup de sabre d’une
pirouette. Je dois entendre le choc du métal, tandis qu’à ma droite je
pare un coup de taille assassin et que je décoche un crochet du gauche sur le
menton poilu d’un ennemi qui ne l’a pas volé!
Donc, mon JdR idéal et son système de règles doivent permettre tout
cela. J’ai besoin d’un système de combat qui permette des combats héroïques
et élégants. Cependant, plus important encore que de savoir qui
j’affronte, je dois savoir pourquoi nous sommes engagés dans un combat
mortel. Le background du personnage devrait être conçu pour nous apprendre
non seulement qui sont nos adversaires, mais surtout pourquoi nous les
combattons.
Il existe beaucoup de systèmes de jeu, et les gens ont construit des tas de
mondes, mais pour moi, la raison d’être tient moins dans le monde lui-même
que dans les luttes entre ses habitants. Dans tout ce que j’ai écrit
jusqu’ici pour mon projet, mon but a été de faire jaillir la tension
dramatique et donc l’héroïsme de ces combats. L’opposition entre les idéaux
et les croyances, les désirs,
les envies de meurtre et tant d’autres motivations. Cependant, il y a autre
chose.
Quand un héros suit sa noble destinée, ou la nie pour chercher la faveur de
l’astre sombre, il grave sa propre légende. Son personnage gagne en réputation
et en notoriété, puisque c’est le
seul moyen qui ait de la classe de conserver ses fans .
C’est certain, un personnage marquant peut avoir un côté obscur ;
nous connaissons le mal caché dans l’anneau de Frodon qui menace de
l’emporter, et Ian Solo commence par lorgner sur la première place. Mais
ils restent des gentils, et nous savons qu’ils feront le bon choix.
Étant donné ce qui précède, je trouve l’idée d’un alignement bon ou
mauvais un peu désuète. Les personnages-joueurs sont simplement Bons. Ou Mauvais.
Ou faux, ou vrais, ou au milieu. Mais plus important, nous accomplissons la
destinée d’un personnage en agissant en accord avec cette nature, qu’elle
soit bonne ou mauvaise.
J’insiste, il y a de la place dans un système de jeu pour récompenser la
bonne interprétation de la nature d’un personnage. Coller à la nature
d’un personnage, plutôt que de voleter nonchalamment d’un caprice à
l’autre, met en accord le personnage avec sa propre Destinée. Et bien que
les récompenses soient minimes, ils se répandent comme une bénédiction sur
de nombreux aspects des règles et de la feuille de personnage.
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Pour Morphyry, c’est ici. |
Dans l’espoir de progresser vers ce concept de
Destinée, j’ai créé Morphyry – le commencement d’un monde, avec des règles,
du background, et tout ce qui va avec.
La Destinée à Morphyry est plus que de la simple chance. Il y a une certain
emphase en elle. Les Figures de Légendes, les héros, ont un rôle, une
vocation. Ce sont leurs compétences, leur vocation désintéressée, et
parfois solitaire qui permettent aux gens ordinaires de vivre en paix dans
leurs fermes, leurs étables et leurs tavernes. Si les héros devaient faillir
et délaisser le chemin de l’honneur et de l’héroïsme, ils y perdraient
aussi leur âme.
Un héros peut mourir, et cela arrivera probablement, mais il continuera à
vivre dans les légendes, dans les chansons des bardes et les comptines
chantonnées aux enfants pendant les siècles à venir.
Un jour, je finirai peut-être mon monde et je pourrai enfin visiter Morphyry
et y vivre cette transcendance du JdR. Je me glisserai dans les bottes d’un
héros, vivrai le drame et sentirai le flux du destin au travers de chacun de
mes actes. Je deviendrai une légende à mes propres yeux.
Sarah joue depuis dix ans. Elle est radio-opératrice pour la police de
l’Etat de Queensland, et étudie la psychologie à l’Université de
Queensland. Tout en ce faisant, elle a donné à son JdR de rêve un début de
réalité et l’a publié sur le Net pour nous permettre à tous de le découvrir.
Elle vous invite personnellement à découvrir
Morphyry et à lui donner votre avis.
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Traduit par Aicars. Tiré de PTGPTB
n°4, avec l'aimable autorisation de Steve Darlington. Aucune reproduction
n'est permise sans l'accord de Steve Darlington. "Places to Go, People
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peut être consultée sur le site
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