[NdT1 : Rat musqué est le surnom de John Kovalic,
auteur de la bande dessinée Dork
tower] |
Dans le circuit de séminaire de la conv, j’ai
réuni quelques-uns de mes collègues Invités d’Honneur pour un événement
appelé Gaming Gurus Pick the Goods [Les gourous du JdR sélectionnent les
bons]. L’extraordinaire concepteur Jonathan Tweet, le grand
manitou de la GenCon Peter Adkison et John Kovalic, suprême fournisseur de
rats musqués [NdT1], et j’ai frayé mon chemin à travers le hall des
distributeurs pour chercher des nouveautés cool à proposer pour un
séminaire à venir.
Nous étions à la recherche de publications nouvelles et assez nouvelles.
Aussi nos recommandations devaient-elles être basées sur une première
impression rapide. Nous n’avions pas le temps de jouer en détail à tous
les jeux de rôles ni de débusquer leurs vices cachés. Si un produit
attirait l’œil d’un des membres de l’expédition, il gagnait sa place
sur la pile. C’est le niveau minimal pour une évaluation. Même ainsi, nous
consacrions à cette chasse une somme d’énergie plus grande que n’importe
quelle personne saine d’esprit ne l’aurait fait pour une salle de cette
taille.
Je fus choqué par ce que nous rencontrâmes. Stand après stand, nous devions
patauger dans des présentations faiblardes, confuses, quelconques voire
inexistantes. Nous nous présentions aux tables des distributeurs avec bien
plus d’énergie et d’enthousiasme que la plupart des acheteurs pleins de
méfiance. Les vendeurs n’avaient pas besoin de nous tirer vers leurs
étalages ; nous nous servions nous-mêmes comme sur un plateau d’argent. D’accord,
certains occupants des stands nous connaissaient comme des gars du métier et
pouvaient s’imaginer qu’il n’y avait pas de véritable vente en
perspective. Pourtant, c’était particulièrement estomaquant de poser la
question « Qu’est-ce que vous avez comme formidables nouveautés ? » et d’entendre
« Euh… pas grand-chose... » ou un « Oh, toujours les mêmes vieilles
cochonneries ! », encore plus dévastateurs.
Comme autres non-réponses à vous figer le sang, nous avions « Je ne sais
vraiment pas, je ne fait que m’occuper du stand », et le mémorable « Je
suis la petite amie, demandez-le à lui ». (Quelques semaines plus tard,
Jonathan, Kenneth Hite et moi-même répétions le processus à la GenCon. Je
ne vous répète pas le pire des boniments de cette manifestation.)
Si ce n’est une petite poignée d’entreprises disposant du personnel
adéquat, la plupart des fabricants de jeu ne pouvaient tenir un stand sans
travailleurs bénévoles, qu’ils soient amis, créateurs indépendants, fans
ou autres personnes d’importance [pour eux]. Ce que notre petite aventure
mit par inadvertance en lumière, c’était que la plupart ne prenait pas le
temps de donner un briefing, ne serait-ce que minimal, à leur conscrits avant
de les laisser face à un public grouillant. Projeter l’image d’une
personnalité accueillante ne vient pas nécessairement naturellement aux
membres de notre glorieuse tribu de polards. Nombre d’entre nous sont soit
distants, soit excessivement volubiles et ont quelques difficultés à s’exprimer,
ou à rester dans le sujet.
Quiconque qui a un tant soit peu la responsabilité de tenir un stand à une
manifestation devrait se sentir terrifié que le personnel du stand, qu’il
soit employé ou volontaire, donne au public des réponses aussi
décourageantes que celles citées ci-dessus. Mes cheveux se dressaient sur ma
tête. Je me suis alors interrogé sur mes propres compétences de camelot et
si j’étais devenu imbu de moi-même après avoir été un vendeur
énergique et efficace dans mes jeunes années.
Tout responsable de stand, avant toute manifestation, doit, doit, doit
absolument rassembler ses volontaires pour une réunion. Si ce sont des
rôlistes, par dieu, faites leur jouer un rôle. Menez leur un scénario dans
lequel ils doivent vous baratiner vous, client quasi-intéressé, sur le
produit.
Assurez-vous qu’ils sachent ce qu’ils doivent savoir sur chaque produit.
Ne laissez personne tenir votre stand avant que vous n’ayez pu les prendre
à part pour affûter leur laïus. Personne ne veut d’un maniaque trop
enthousiaste bondissant dans les allées et rabattant des participants malgré
eux, mais vous avez besoin de quelqu’un qui peut, à la demande, instiller
au client le même enthousiasme qui vous a fait publier votre produitau
début. Faites ce que ferait n’importe quel responsable de stand pour n’importe
quelle vraie foire ou salon : donnez leur un script ! Il n’est pas
nécessaire qu’ils le répètent mécaniquement comme des perroquets, mais
ils doivent en connaître les grandes lignes.
C’est le second, et bien plus commun, péché capital que nous avons
observé dans le hall des distributeurs ce jour-là. Lorsqu’on leur
demandait, la plupart des occupants des stands pouvaient effectivement
retrouver leur tout dernier truc le plus cool, mais presque aucun n’était
capable de faire une description rapide de son principe de base.
Le marketing réussi de tout produit commence par un unique argument de vente.
Qu’est-ce qui dans cet objet fait que quelqu’un va avoir envie de l’acheter
plutôt qu’autre chose ? Un argument de vente doit être une phrase courte
et rapide pleine de promesses et d’informations. Vingt-cinq mots ou moins,
de préférence moins.
Nous avons entendu de nombreuses réponses qui ne ressemblaient pas du tout à
des arguments de vente. Nous avons entendu que tel livre était culte car il
était très populaire dans un certain pays durant les années 80. Parfois, le
vendeur parcourait le livre jusqu’à sa règle favorite et commençait à
nous l’expliquer en détail, comme s’il expliquait le jeu, mais hors de
tout contexte. Ou encore on nous disait combien ce JdR était incroyablement
bon et original, mais la nature exacte de cette différente restait très
évasive.
A maintes occasions, j’ai essayé de lutter pour extraire un argument de
vente d’un vendeur laborieux. Avec un jeu de rôle, il y a de nombreuses
façons de formuler la question. « Que font vraiment les personnages dans la
partie ? » « Je suis meneur. Comment convaincre mes joueurs de jouer à ce
JdR ? » ; « en quoi ce jeu diffère-t-il de D&D ? » ou le
plus direct : « Parlez-moi de ça en 25 mots ou moins. »
Dans certains cas, il était clair que le jeu avait une accroche et que le
type du stand n’était pas correctement préparé à la donner. Plus
démoralisant, nous avons réalisé que de nombreux livres, cartes ou plateaux
de jeu étalés sur les tables avaient étaient conçus, testés, financés,
fabriqués et mis sur le marché sans une raison d’être valable et unique.
Les produits n’avaient rien d’immédiatement distincts des autres JdR bien
établis qui dominaient déjà leur propre catégorie.
Il n’est plus temps de composer ce résumé de 25 mots pour votre accroche
quand vous arrivez à la convention où votre grosse production doit faire (s’il
plaît aux dieux de l’impression et des services postaux) sa présentation
officielle. Cela vient à peu près trois minutes après que vous avez conçu
le désir de créer votre jeu de rôles et envisagé de le commercialiser.
Une poignée de personnes passèrent notre test avec les honneurs. Leurs
produits finirent immédiatement sur notre pile de matériel à promouvoir. Si
vous voulez voir un jour comment ils ont fait, essayez de choper John Zinser,
le boss d’Alderac,
pour qu’il vous fasse une démo du dernier jeu de sa boîte. C’est un
homme qui sait pourquoi vous avez envie d’acheter son JdR.
La pulsion qui conduit à la création d’un JdR est une chose belle et pure,
mais si vous voulez le vendre à d’autres personnes (et dépenser de l’argent
pour y arriver), le simple désir ne suffit pas. Nous autres, membres de la
tribu des polards, adorons élaborer et polir les détails. Nous aimons
bricoler et réparer les choses. Nous pouvons bien aimer un jeu donné,
excepté un de ses éléments apparemment défectueux. Bien que valables, ces
impulsions devraient avoir pour résultat la création d’une page web, et
pas un JdR publié à grands frais.
Si vous êtes un civil - c’est-à-dire un rôliste qui se contente de jouer
aux jeux et ne veut jamais les concevoir ou les publier - vous pouvez vous
demander pourquoi vous devriez vous soucier de ce genre de choses. Peut-être
que vous ne devriez pas. Vous ne devez certainement rien aux gars qui
remplissent leur stand de volontaires pleins de bonnes intentions mais
inefficaces, ou qui claquent des paquets de pognon dans des maisons d’éditions
mal foutues.
Cependant, pour vous, la valeur d’un JdR se mesure à votre capacité à
trouver des joueurs pour jouer avec. La meilleure façon de prédire si un
nouveau JdR fera germer une moisson de nouveaux joueurs et de se poser cette
question difficile : Quelle est l’accroche ? Qu’est-ce qui rend ce JdR
différent ? Est-ce que l’accroche est suffisamment séduisante pour couvrir
mon investissement en temps et en argent ?
Oubliez la santé du milieu du JdR, ou le bien-être financier des nouveaux
fabricants. Si nous y mettons tous un peu plus du nôtre, les jeux de rôles s’amélioreront.
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