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Des jeux génériques à la pelle

Jason L. Blair

Votre JdR favori est générique. (Il n'y a rien de mal à ça !)

 

Si vous n’avez jamais acheté GURPS , Tri-StatdX, ou un autre système de jeu « universel », peut-être ne pensez vous pas avoir acheté un JdR générique. Pourtant, je vous parie que si.

Mise en place d’un décor fantaisiste

[NdT 1: les Singes Macho de l’Espace - allusion à Macho Women With Guns]

Soit une personne qui achète un jeu appelé Macho Monkeys…in space ([NdT1] MMiS! en abrégé). Il lit le chapitre de l’histoire et il l’aime, il lit le chapitre sur le contexte, il l’aime, il lit le chapitre sur les règles … et il ne l’aime pas. Cette personne a alors le choix entre trois options : (1) Prendre son système de JdR préféré, et y convertir le contexte de MMiS !; (2) aller sur Internet poster sur son forum préféré « quelles règles pour MMiS! ? » ; ou (3) reposer MMiS! Sur l’étagère et l’oublier pour toujours.

Pour l’option (1), le rôliste connaît déjà son système favori de pied en cap ainsi il fait sa propre conversion. Il change les noms des compétences et des caractéristiques, peut-être augmentera-t-il les dommages causés par les armes et il s’arrêtera là. C’est l’option la plus consommatrice en temps. Cela demande beaucoup de travail, mais c’est une possibilité.

Pour l’option (2), le rôliste demande à d’autres joueurs. C’est là qu’habituellement nous rencontrons un problème. Ce dernier est endémique à tous les médias. Il survient lorsque les gens regardent l’emballage et non le produit.

[NdT2 clin d’oeil à Big Eyes Small Mouth (BESM), un JdR manga générique]

Réponse 1 : MMiS! n’est-ce pas un jeu sur les singes ? Utilise donc Big ears, Red Asses [NdT2]

Ouais, d’accord, BERA est bourré d’images de singes, et on a une bibliographie qui liste tous les livres de Diane Fossey. Mais, qu’en est-il exactement du système ? Est-il taillé pour jouer un singe ou est-ce juste que les compétences ont des noms comme « babouinerie », « tactiques de gorille », et « faire le singe » ? Si vous retirez le vernis, vous verrez un système avec ses propres ensembles de ratios, de probabilités, et un liant entre les différentes parties du système. Le tout est présenté comme étant « le » JdR sur les singes … mais c’est juste un JdR.

Réponse 2 : Peu importe. Utilise le D20. Tu peux utiliser le D20 pour n’importe quoi.

Il y a toujours ce genre de type. C’est sa réponse à tout, et, finalement, ce n’est pas tellement inapproprié si vous recherchez un système neutre. Attention, je ne dis pas que c’est un mauvais système mais juste que comme beaucoup d’autres systèmes, il agit comme un arbitre durant un débat.

« D’accord, Paladin Joe, ton attaque passe. Maîtresse Xanana, ton sort a échoué. Paco Levoleur, tu as fait les poches du nain. »

[Le système D20] est indifférent, mais il fait ce pour quoi il est fait. Si vous appréciez son fonctionnement, c’est super. Mais cela n’en fait pas un « système parfait » pour un genre ou un contexte particulier, juste votre système parfait.

Réponse 3 : Hé, qu’est-ce qui ne va pas avec MMiS! ?

Houla ! rien. J’en parle juste comme ça.

Le revers de la médaille

Une autre personne prend un exemplaire de MMiS ! deuxième édition dans le « bac des occasions » au magasin du coin « les JdR du Nid de la Wyverne & le Grand Magasin de la BD ». Il lit le chapitre de l’histoire et hausse les épaules, il lit le chapitre du contexte et bâille ; il lit les règles … et il adore ! Pourquoi ? Parce qu’il aime le système. Avec ceci à l’esprit, il entreprend de convertir son contexte préféré (le classique cowboy-horreur, Le Six-coups de Cthulhu) à MMiS! 2ème éd. Il y a des chances qu’il convertisse tous les futurs univers qu’il trouvera à MMiS ! 2ème éd.

Un jeu en deux parties

Votre livre de JdR moyen comprend un contexte et un système. Si vous le prenez, que vous changez le contexte et que vous modifiez les caractéristiques et les compétences via un thésaurus, vous avez un nouveau jeu. Cependant, regardez le système et vous verrez qu’il n’a pas changé.

Changez les détails du contexte mais gardez le système comme il est et vous obtenez un nouveau JdR. Mais à nouveau, regardez le système. Rien d’important n’a changé. Dans chaque cas, le système est générique.

En définitive, gardez les détails du contexte et greffez un système entièrement différent. Oh regardez, cela fonctionne encore mais cette fois, c’est le décor qui est générique. Vous pouvez faire ça toute la journée. (Certains le font. On les appelle « créateurs de JdR »). Savez-vous ce que cela signifie ? Vous le devinez : la plupart des JdR sont génériques.

Cependant les JdR peuvent être différenciés par leurs prémisses. Il y a l’idée de base du contexte et il y a aussi le principe du système. La plupart des livres de JdR choisissent un contexte avec une prémisse forte, détaillée en données fictives et en données historiques, mais la recouvrent d’un système mou qu’ils ont délaissé. Un système avec une prémisse pourrait par exemple disposer les événements dans un ordre donné et contraindre certaines actions durant l’histoire. En d’autres termes, c’est un système avec un but.

Quand seulement un des deux a une prémisse forte, l'autre composant sera générique.

Quand le système et le contexte ont tous les deux des prémisses fortes et identiques (ou au moins complémentaires), vous commencez à vous éloigner du générique.

Quand tous les deux ont des prémisses fortes mais en conflit, vous obtenez une pagaille et vous devez décider lequel des deux prédominera pour jouer. En général on bazarde la prémisse de l’univers alors que le système cherche à tout prix à avancer, même laborieusement.

Quand aucun n’a de prémisse forte, vous avez obtenu un état véritablement générique.

La prédominance du système

[NdT3 HERO est un système générique très complexe où la création de personnage est très longue ; le JdR générique TWERP tient sur 4 pages, et il n’y a qu’une seule caractéristique]

Les gens posent toujours des questions comme : « Quel système dois-je utiliser pour combattre des clercs dinosaures robotiques ? » Cela revient à déterminer la quantité de travail qu’ils devront effectuer pour modifier un système existant (ajouter des termes robotiques à un contexte sur l’affrontement des clercs dinosaures dans l’ouest sauvage). Cela revient aussi à savoir si les gens préfèrent les jeux simples ou compliqués. Auquel cas, ils pourraient poser des questions plus précises comme « comment puis-je faire cela en utilisant HERO ? » ou « comment faire cela en utilisant TWERP ? [NdT3] » Mais tout revient finalement -qu’ils en aient conscience ou non- à savoir s’ils apprécient la prémisse du système ou non.

La prémisse d’un système se base sur des dogmes. Cela peut être que toutes les actions ont une probabilité d’échec de 43%. Cela pourrait être l’axiome que le charisme (ou la Personnalité, le Charme, la Présence) est l’aptitude la plus utile dans une fusillade. Ou encore le principe que tout peut être résolu avec un seul dé. Ce pourrait être la croyance que la voie de l’illumination est pavée de cadavres d’orcs pilleurs de caravanes.

Quoiqu’il en soit, c’est une prémisse et en tant que rôliste vous avez besoin de décider ce que vous recherchez dans les principes d’un système. Parfois il est difficile de quantifier ce que vous appréciez. Cela pourrait simplement consister dans le fait que les revolvers sont mortels ou que la cybernétique rend fou. Des fois c’est plus évident, et vous appréciez que chaque évènement est amené d’une manière spectaculaire ou que vous avez plus de bonus en ajoutant des idées excitantes plutôt qu’en mettant en œuvre une stratégie de combat.

Les lieux, les gens

Parfois le contexte a une prémisse ; mais si le système ne la soutient pas, il revient aux joueurs (d’accord, soyons honnêtes, plutôt au maître de jeu) d’évoquer les thèmes et de pousser les personnages à agir en accord avec la prémisse. Il y a des joueurs qui préfèrent cela, pensez-y. On doit reconnaître qu’ils peuvent flatter le maître de jeu dans ce type de scénario, et que cela peut se terminer pour les joueurs par la course aux récompenses et la résolution d’énigmes. Le tout n'étant pas si différent d’un jeu vidéo.

Si l’univers n’a pas de prémisse mais que le système en possède une, les choses sont encore fonctionnelles.

Cependant, si la prémisse de l’univers fonctionne en tandem avec celle du système, les choses fonctionnent admirablement.

Allons maintenant plus loin

Certains JdR décrivent de vastes royaumes, des stations spatiales à la périphérie de l’espace [connu], et la botanique extra-terrestre en grand détails, depuis un compte rendu complet des acariens dans la poussière des maisons jusqu’aux géants à 100 bras qui patrouillent les landes glacées de Béronie. Mais ils ne font pas vraiment quelque chose. Ils vous donnent des lieux et des choses à découvrir, si vous le voulez, et des races et des cultures à piller et combattre, si vous le souhaitez. Mais ils ne vous poussent pas à l’action. Vous pouvez vous asseoir au bar, boire une bière, et faire des gestes indélicats à la serveuse toute la journée. Ces jeux sont des univers avec un système.

Et puis, il y a des JdR qui ont des étapes déterminées. Premièrement, vous faites cela, ensuite vous faites cela, et ainsi de suite. Ils ont une structure de jeu rigide de sorte que si vous jouez à ce JdR, vous devez aussi y adhérer. Certains JdR ajoutent ou remplacent la structure de la partie par les interactions sociales entre les joueurs. Ces jeux sont un système avec un univers.

Un argument générique

Il n’y a actuellement que très peu de systèmes non génériques. Si vous prenez votre livre de JdR habituel et que vous sautez au chapitre sur les règles, vous trouverez probablement des caractéristiques, des compétences, des armes, des armures, et un ou plusieurs mécanismes avec des dés. Les noms de ces éléments pourraient être différents. Ils pourraient même refléter le scénario fourni ou le genre : les caractéristiques d’un JdR d’Horreur pourraient être la Peur, la Volonté, la Santé Mentale ; pour un JdR de Western elles pourraient être la Verve, le Tempérament et le Souffle ; et pour un jeu de Fantasy ce pourrait être la Bravoure, la Magie, et la Sagesse. Ces dénominations ne sont pas exclusives à un genre, mais le genre choisi les influence, dans le sens où elles permettent d’avoir à l’esprit le ton et la sensation du genre auquel on les a rajouté. Mais ce sont juste des noms, et si vous regardez au-delà, si vous regardez en fait le système sur lequel elles reposent, vous n’avez généralement tout compte fait qu’une certaine manière de déterminer « oui », « non », et «en gros». Généralement, mais pas toujours.

Cela ne rend pas un JdR mauvais. Mais, en tant que rôlistes, nous devrions être conscients de ce que nous achetons vraiment, et pouvoir assumer la diversité de nos goûts. Certaines personnes préfèrent des systèmes peu envahissants, à la « prémisse libre » combinés à un contexte à la prémisse dirigiste.

D’autres préfèrent des univers à la « prémisse libre » avec un système à prémisse dirigiste ; et d’autres encore ont besoin que les deux aspects aient une prémisse libre ou une prémisse dirigiste. Eh, peu importe, du moment que chacun à la table est au diapason et s’amuse, alors cela veut dire que ce JdR fonctionne bien.

 


Jason Blair est le rédacteur en chef de Key 20 Publishing. Sa première création, Little Fears, a été un succès commercial et critique qui lui valut d'être nominé pour le meilleur JdR aux Origins Award 2001. il a ensuite écrit Wyrd is Bond, au système de jeu, simple a l'extrême. Il vit en banlieue de Cleveland, Ohio. 


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Copyright © 2004 , tous droits réservés. 

Traduit par Grégoire. Tiré de Daedalus, avec l'aimable autorisation de Matt Snyder. Aucune reproduction n'est permise sans l'accord de l'auteur et de PTGPTBvf. 
La version originale  peut être consultée sur le site de Chimera