[*] NdT, et pour la trad du titre, à la parodie
des Inconnus sur la secte du grand $kippy, nous guidant vers "une totale
liberté d’esprit cosmique vers un nouvel âge réminiscent" et file
ton pognon. |
* Merci aux divers membres de l’équipe qui ont
contribué par leurs réflexions et leurs idées [*]
** A partir de maintenant, nous le remplacerons par le sigle JdRMdNAR
Etape 1: le Thème du JdR est les Personnages qui sont joués.
Dans la plupart des JdR, le thème est lié soit à un univers, soit à un
genre. Ainsi à D&D vous pouvez jouer n’importe quel personnage d’Heroic
Fantasy. Dans Star Wars, vous jouerez dans l’univers de la Guerre des
Etoiles.
Mais dans un JdRMdNAR, le thème du jeu est que vous jouez tous des
personnages d’une certaine nature, que ce soit des magiciens, des rats*, ou
des vendeurs de contrats d’assurance au rabais. Typiquement, c’est une
sorte d’« espèce », mais ça peut aussi être un rôle.
* J’avais écrit ça pour rire, mais j’ai découvert depuis qu’une
célèbre maison d’édition proposait vraiment un supplément qui vous
permet de jouer un rat.
Etape 2: Appelez le “Quelque chose : l’Autre chose”.
… où le « quelque chose » est le type de personage que vous jouez.
L’ ”Autre Chose” n’a pas vraiment besoin d’avoir une signification
quelconque. Il est là parce que, en général, vous ne pouvez pas déposer l’appellation
« Quelque chose » en tant que telle.
Il est difficile de déposer un mot comme “Magicien”, parce que c’est
un mot de tous les jours. Mais vous pouvez déposer une phrase que vous avez
composée vous-même, comme « Magiciens : la Guerre Magique ».
Etape 3 : Placez-le dans un monde presque comme le nôtre.
Cette étape est cruciale. Votre JdRMdNAR ne doit pas se dérouler dans un
univers de Fantasy ou de science-fiction. Il sera sur Terre, dans le présent
ou un futur proche.
Sauf que ce ne sera pas tout à fait comme notre Terre. Il sera assez proche
pour que les joueurs soient un tant soit peu familiers avec l’univers, mais
suffisamment différent pour qu’ils aient besoin d’acheter des « Guides
» pour chaque région géographique que vous publierez.
En surface, c’est notre monde, mais dans ses profondeurs une société
parallèle est cachée aux yeux des gens normaux (c’est-à-dire,
fondamentalement, tous ceux qui ne font pas partie des « Quelques choses »).
Cette société a ses propres règles, ses propres dirigeants, ses propres
lieux d’intérêt. Les membres de cette société (c’est-à-dire, les «
Quelques choses ») connaissent la vrai vérité du monde. Les autres n’en
ont foutrement aucune idée.
La beauté de tout cela est de permettre aux joueurs de fantasmer que notre
monde réel est en fait le monde du JdRMdNAR, que les « Quelques choses »
existent là dehors, ce qui rend l’expérience du JdR plus prenante. Bien
sûr, le désavantage est que des joueurs perturbés commencent à penser que
le monde réel est réellement le monde du JdRMdNAR, et soient amenés à d’hideuses
fautes de goût vestimentaire.
Etape 4: avoir un Objectif “Global”
Il ne suffit pas de créer un simple univers où les personnages luttent
pour atteindre leurs buts, quels qu’ils soient. On est pas à Traveller.
Il doit y avoir un objectif global quelconque au jeu. Les « Quelques choses
» ne font pas qu’exister. Leur existence à une signification (c’est la
Signification, avec un grand S).
Il ne faut pas en faire trop. Les joueurs doivent croire que les personnages
qu’ils jouent sont vraiment très importants. Plus le principe en est
absurde et grotesque, mieux c’est. Et si vous pouvez les relier à un mythe
ou une religion existants, si possible de façon tordue, c’est encore mieux.
Mais nous avons probablement donné trop de règles, et pas assez d’explications.
Commençons par construire notre propre exemple.
NOTE: le but de l’exemple ci-dessous est de faire une satire de la
tendance qu’ont certains éditeurs de prendre des cultures, des gens, des
légendes ou des détails parfaitement normaux, peut-être même communs, et
de les Signifier avec un grand S (c’est-à-dire leur associer un niveau
cosmique de signification). Nous avons choisi un groupe particulier pour cette
caricature. Il n’y a là aucune intention d’attaquer ce groupe d’aucune
façon [d’ailleurs le traducteur est lui-même dépendant de l’Etat ;-)].
Etape 1: les Personnages
Dans notre jeu, les joueurs interprèteront des Fonctionnaires, un ancien
peuple qui a coexisté avec le reste de l’humanité depuis l’aube des
temps, ou du moins depuis la première circulaire administrative.
Etape 2 : le Nom
Nous appellerons notre JdRMdNAR « Fonctionnaires : l’Admynistration. »
Etape 3 : l’Univers de jeu
C’est un monde comme le nôtre. Mais prenez la mauvaise file d’attente,
entrez dans le mauvais bureau et vous découvrirez un monde étrangement
différent. Il sera plein d’hommes et de femmes, mais pas d’hommes et de
femmes tels que vous les connaissez. Ils sont affairés, indifférents. Ils
parlent un langage qui semble fait de mots existants mais qui mis ensemble n’ont
aucun sens. La seule chose que vous comprenez est « Revenez demain avec le
bon formulaire ». Et après 16h00 , ils disparaissent tous comme par
enchantement pour réapparaître le lendemain matin à dix heures…
Etape 4: l’Objectif Global
Alors prenons la Bible, faisons-la faire une rotation de 180 degrés et
tirons en quelque chose de vraiment stupide.
Au début il y avait le vide. Et le vide était sans forme. Visiblement, il
était vide. De toute façon, Dieu - suivant un plan stratégique d’implémentation
en 6 jours - se rendit responsable de la création de l’univers, du monde et
de l’homme.
Désolé, je dois trop bavarder avec les gars du marketing. J’essaye
encore.
Dieu créa le monde, et nous avec. Cela lui prix six jours.
(Je vous passe le détail long et ennuyeux de tout ce qu’il a dit. Si
nous écrivions un JdRMdNAR, nous aurions fait une bande dessinée au début
pour expliquer tout le bazar, mais nous ne sommes pas en train de la faire,
nous n’avons pas de BD, alors basta !)
Les hommes se multiplièrent, et ce fut rapidement un beau bordel. Dès qu’ils
étaient en groupe (c’est-à-dire plus de deux), les hommes n’arrivaient
plus à s’entendre, et tôt ou tard se mettaient sur la gueule. Dieu leur
passa bien une petite douche froide pour les calmer, rien n’y fit. Alors il
convoqua un de ses plus zélés serviteurs, Maurice (ce qui était son nom de
code : son nom public était Moïse, qui passait mieux à l’époque). Il lui
confia le Journal Officiel Divin, qui était composé de 333 tablettes de
pierre contant tous les règlements, lois, circulaires et autres amendements
qui devaient permettre la bonne entente des hommes sur Terre. Mais
Maurice/Moïse jugea que le monde n’était pas encore prêt à recevoir cet
enseignement d’un seul coup, et que 333 tablettes de pierre étaient bien
trop difficiles à transporter en bas du Mont Sinaï. Aussi il en descendit-il
2 à charge de preuves. En secret, il confia les 331 autres à un ordre secret
: l’Admynistration, dont les membres étaient les… Fonctionnaires.
Depuis, les Fonctionnaires distillent peu à peu cette connaissance à l’humanité
et la guident vers la Société Parfaite, envers et contre tous les désordres
de l’Histoire, les adversaires diaboliques qui œuvrent contre cet Objectif
et contre tous les plans de diminution de leurs effectifs et autres réductions
de budget.
Etape 4a: Contredites l’Objectif Global
Plus tard, vous pourrez sortir d’autres jeux qui se passent dans le même
univers, mais dont les Objectif contredisent l’Objectif du premier jeu. C’est-à-dire
que si les personnages ont une appréhension correcte des Pourquois du monde
qui les entoure, ils ont tort dans un autre jeu.
Dans « Retraités : la Cacochymie », les personnages incarnent des
Retraités qui savent que la seule chose qui peut sauver le monde est le
Retour au Bon Vieux Temps.
Etape 5: Un Ennemi Puissant
En lien avec l‘Objectif global, il doit y avoir un peuple, une race ou
une entité qui luttent contre l’Objectif quel qu’il soit.
Les Ennemis éternels des Fonctionnaires sont les Libéraux, qui pensent
que l’Admynistration est une cabbale monstrueuse qui pousse le monde vers la
Stase totale. L’Objectif transcendantal des Libéraux est de… gagner plus
de pognon.
Etape 6 : Créez des Groupes/Tribus/Clans/Sectes/Guildes…
Vous devez créer un certain nombre de groupes au sein de l’univers de
jeu, chaque personnage n’appartenant qu’à un seul de ces groupes. Le
choix du groupe n’influence pas seulement le rôle du personnage dans le
monde, mais aussi la personnalité, les capacités et les buts du personnage.
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[NdT1] De : to splatter - éclabousser, répandre. Désigne la myriade de suppléments
archipointus avec lesquels vous allez inonder les étagères des
collectionneurs. |
Il y a une raison très importante pour laquelle vous devez avoir plusieurs
groupes. Cela vous permettra de publier des Guides du joueur (appelés
aussi splatbooks [NdT1]) pour chaque groupe, et de multiplier vos ventes d’autant. Et
une fois que vous avez fait le tour des groupes, vous pouvez même écrire un
livre pour les personnages qui n’appartiennent à aucun groupe (vous aurez
besoin d’un nom spécial pour ces personnages, comme s’ils formaient une
sorte de… groupe).
Les Hénarques n’appartiennent à aucun groupe en particulier, mais
forment une cabbale secrète qui s’infiltre dans les autres groupes.
Premièrement, vous devez donner un nom aux groupes.
Au début les Fonctionnaires étaient unis mais, avec le temps, ils se sont
scindés en différents Mynistères.
Ensuite, venez-en aux groupes eux-mêmes (il vous en faut au moins une
demi-douzaine, sinon plus). Nous ne donnons pas ici la liste complète des
Mynistères, mais voici quelques exemples.
Les Postiers : ce sont les messagers de l’ordre et leur influence s’étend
partout à travers le pays, jusque dans les plus petits villages. Un Postier
est jovial et aime bien boire un petit coup en passant. Mais juste un.
Les Contrôleurs : ils sont les gardiens de l’Admynistration, s’assurant
que chacun a bien les autorisations nécessaires pour faire ce qu’il fait.
Un Contrôleur est austère et sévère.
Les Conducteurs : ce sont les pilotes de l’ordre. Ils sont les seuls à
maîtriser les différents moyens de locomotions. On ne les voit que rarement
car ils sortent très peu de leurs cabines de commande. Un Conducteur est
mystérieux et en retard.
Etape 6a : Le Groupe Disparu
Il y a toujours un groupe qui n’existe plus, et qui est aujourd’hui
entouré de mystère et de légende.
Il y a longtemps, le Mynistère des télécommunicateurs s’occupait des
transmissions au sein de l’Admynistration. Mais il a été démantelé par
une violente attaque des Libéraux et seuls les Postiers ont survécu. La
seule trace qu’il reste aujourd’hui des Télécommunicateurs est un
abonnement téléphonique indéchiffrable, outrageusement cher dont personne
ne sait exactement à quoi il sert. Des rumeurs courent sur le fait que les
Libéraux prépareraient une nouvelle offensive sur le Postiers survivants.
Etape 6b : Le Groupe Maléfique
Il y a toujours un Groupe Maléfique (dans notre exemple un Mynistère) qui
travaille activement contre l’ « Objectif » décrit à l’étape 4 (de
préférence, il travaille pour les Ennemis définis à l’étape 5).
Le Mynistère du Budget est censé gérer l’argent de l’Admynistration.
En réalité, il est corrompu et travaille pour les Libéraux à réduire
toujours plus les fonds disponibles pour les autres Mynistères.
Etape 7 : Pouvoir Exceptionnels
Les personnages - qui, après tout, sont tous membres d’une race ou d’un
peuple spécial - ont des capacités plus nombreuses et plus puissantes que
les gens normaux. Votre but est essentiellement que les Grosbills puissent
ignorer tous les aspects « Angoisse existentielle », « Objectif » ou «
conflit moral » de l’univers de jeu, et puissent créer des bêtes de
combat à la place.
Les Fonctionnaires ont plus de RTT que les autres et une meilleure retraite
(comparativement à leur salaire), ainsi que dans certains cas, des pouvoirs
propres à leur Mynistère (les Edfiens ont un rabais sur leur facture d’électricité,
les Conducteurs ont des billets gratos…) Tous les Fonctionnaires ont le
puissant pouvoir de Grève. Il leur permet de plonger leurs adversaires (tout
le monde, en fait), dans une stase intemporelle.
Etape 8 : pas d’Avantages ni de Désavantages.
De nombreux JdR utilisent le concept d’Avantage/Désavantage pour donner
du relief au personnage. Ce n’est pas le cas pour un JdRMdNAR. Vous ne
devez pas inclure de telles règles dans votre livre de base.
Elles trouveront leur place dans le Guide du joueur que vous sortirez trois
mois plus tard.
Etape 9 : Faites une fiche de personage pourrie.
Ne vous préoccupez pas de faire une fiche de personnage particulièrement
utile dans le livre de base.
Vous pourrez toujours en publier une meilleure dans le Guide du joueur, et
des fiches encore meilleures dans les suppléments dédiés aux différents
groupes.
Etape 10 : Employez une terminologie archaïque
Lorsque vous écrivez vos règles, la dernière chose à faire est d’appeler
un chat un chat. Le dictionnaire des synonymes est votre ami.
Si vous voulez un attribut qui mesure la force, ne l’appelez pas « force
». Trouvez un mot obscur à la place, qui n’est plus utilisé dans une
conversation courante depuis le 17ème siècle.
Dans Fonctionnaires : l’Admynistration, l’attribut pour la force s’appelle
la Fougue, on appelle l’intelligence, l’Esprit, et l'habileté est
renommée la Grâce.
Etape 11: N’appelez pas le groupe des personnages un “groupe”
N’appelez jamais le groupe, un « groupe ». Utilisez un nom classieux à
la place.
Dans Fonctionnaires : l’Admynistration, les personnages forment un
Kabinet.
Etape 12 : Phrases Accrocheuses
Dégottez quelques phrases accrocheuses pour décrire le jeu, quelque chose
de poètique, peut-être de l’époque de Baudelaire.
Les risques du métier : son menton a soudainement quitté la paume de sa
main droite posée grâce à un coude et sa tête est venue frapper lourdement
le bureau. Une fois encore, un fonctionnaire s'est tué au travail. [Les Nuls,
presque à l’époque de Baudelaire]
Etape 13 : GN
Sortez plus tard une version GN qui utilise la règle de Pierre-papier-ciseaux
Etape 14 : les T-shirts
N’oubliez pas de sortir des T-shirts, avec des dessins obscurs du livre
de règles. Dans la seconde édition remplacez les illustrations douteuses
(mais éventuellement les plus croustillantes) par celles qui peuvent faire
vendre.
Etape 15 : la Deuxième Edition
Et enfin, la deuxième édition. Assurez-vous que la première édition
contienne suffisamment d’erreurs et de limitations pour pouvoir lancer une
deuxième quelques années plus tard.
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