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NDLR : les rédacteurs de Critical Miss ont fait une blague aux éditeurs
D20, en leur envoyant une fausse réflexion profonde, intitulée "l'inéluctabilité
de l'inflation des récompenses de [fin de] scénario dans un environnement
concurrenciel et non monopolistique de production de scénarios". Leur
théorie: la
concurrence entre produits OGL aboutirait à une surenchère de récompenses
dans les scénarios, les joueurs achetant le supplément qui « en donne
plus à leur personnage »…
Concernant votre théorie sur l’inflation : j’ai le sentiment que de
nombreux éditeurs parmi ceux qui vous ont répondu ont pris votre remarque trop
au sérieux. Mais je devine qu’il y a en fait beaucoup de vrai là-dedans.
Aucun système de règles n’est un évaluateur parfait de l’équilibre du
jeu. La tentative la plus honnête et la plus proche est HERO/Champions,
qui souffre du double défaut :
1. d’être complexe à se faire des nœuds au cerveau si vous n’êtes
pas le genre de MJ à passer ses nuits avec sa calculatrice scientifique
Texas Instruments
2. d’être si équilibré qu’il en perd toute saveur - le seul point
qui mettent un peu d’ambiance est les effets spéciaux, qui par essence ne
contribuent pas à l’équilibre du jeu.
La signification de tout ceci est que, bien sûr, tout ce qui aide le meneur
de jeu à maintenir l’équilibre dans la 3ème édition de D&D
est (arf !) imparfait et que tout supplément qui s’y conforme sera de la
même manière imparfait.
Le jeu de rôle est un marché adolescent. Il parle au petit garçon qui est en
nous. L’âge moyen du groupe avec lequel je joue est de 27 ans et la dernière
fois nous avons eu une terrible engueulade car les joueurs (et j’étais un des
meneurs là-dedans) se sont énervés sur un PNJ du genre « loufoque et bizarre
» qui n’offrait aucun indice sur l’intrigue et ont décidé que la seule
chose qui restait à faire était de l’abattre avec nos énormes flingues. C’est
ce que je disais : des adolescents. Certaines de ces personnes sont impliquées
dans la science de pointe du XXIème siècle. Elles travaillent pour le Projet
Génome de la Cornell University et devraient à l’heure qu’il est
travailler d’arrache-pied pour fabriquer des composants d’ordinateur
fonctionnels avant la date limite, qui arrive maintenant dans 36 heures, mais au
lieu de cela ils sont plongés aussi consciencieusement que possible dans la
lecture complète de votre magazine. Mais je digresse…
[NDLR Encore des gens qui lisent au boulot…]
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[NdT1]: Steven Hawking est un grand physicien qu’une
maladie dégénérative cloue sur une chaise roulante |
Je ne sais pas si vous vous souvenez des jeux
Palladium des années 80. Ils étaient, au sein de la même maison d’édition,
un exemple classique « d’escalade de la puissance ». Chaque supplément de
Robotech apportait son lot de mécha toujours plus puissants. Arrivé
à Rifts, c’était même au-delà du risible. Je me rappelle avoir
maîtrisé ces jeux et avoir fait la course aux armements avec les joueurs.
Ils achetaient les suppléments pour se créer de nouveaux personnages. Alors
je devais aller m’acheter d’autres suppléments pour pouvoirs créer des
PNJ qui puissent vaguement menacer ces nouveaux PJ. Les autres joueurs se
rendaient compte que leurs personnages étaient réduits à des pugilistes du
niveau de Steven Hawking (béni soit-il) [1] et ils se mettaient à bouder.
Bien sûr, cet état d’esprit n’a pas disparu. C’est pourquoi vous
devriez toujours acheter le jeu de base et IGNORER TOUS LES SUPPLEMENTS. White
Wolf a utilisé cette stratégie pour vous forcer à acheter toujours plus de livre
de Clan, de livre de Schmoll, de livre de Tribu et que
sais-je encore. Ce que vous en tirez c’est 48 pages de délayage qui
reprennent ce qui était évident dans les deux paragraphes dédiés aux clans
dans le livre de base. Plus un appendice de 8 pages qui donnent à votre Magus
Tremere de nouveaux sorts super cools. Et, inévitablement, tous les PNJ
de toute campagne que vous achèterez utiliseront exclusivement ces pouvoirs
paumés à la fin du supplément.
De nos jours, les éditeurs de JdR sont assez subtils pour saboter les règles
du livre de base et le rendre complètement inutilisables pour vous encourager
à acheter les suppléments. Si vous jetez un œil au livre de base de Deadlands,
même un simple feuilletage vous fera comprendre qu’aucun des 5 types de
personnages magiciens n’est même vaguement utilisable sans avoir acheté l’extension
appropriée. Extension qui est d’ailleurs mentionnée dans le livre de base
et décrite comme le « BLABLABLA Guide disponible sous peu ». C’est assez
louche, AMHA.
Je ne ferai pas de scandale sur pourquoi je hais autant les JdR dont l’univers
de jeu est basé sur une méta intrigue. Il suffit de dire que cela transforme
les gammes de jeu en soap opéra. Fondamentalement, cela provient du même
endroit que votre bête noire : le modèle économique du JdR est pitoyable.
Les meilleurs jeux sont ceux que vous achetez 30€ et pour lequel vous n’avez
besoin de rien d’autre. HERO/Champions m’a donné trois ans de
campagne (j’ai beaucoup fantasmé sur cette calculatrice). Un livre. J’ai
maîtrisé Ambre pendant trois ans à l’université, j’ai raconté
des tas d’histoires et eu plus de 40 joueurs en utilisant un seul livre. J’ai
parfois utilisé occasionnellement une règle optionnelle du seul supplément
qu’ils n’aient jamais publié que j’avais acheté un dimanche pluvieux
alors que j’aurais dû être au labo, mais c’était uniquement par pur
sentiment de culpabilité.
Certes, j’achète parfois des suppléments pas vraiment parce que j’en ai
besoin, mais plutôt parce que j’ai l’impression que l’éditeur a besoin
de soutien (ou, dans le cas de Nobilis, parce que je suis un fan
inconditionnel de James Wallis).
Une fois, J’ai flingué trente euros pour le jeu Everway pour le
cadeau de Noël de mon pote Tom (il était chez feu Maxi Livres ou un magasin
de ce genre à Durham) et il a fait jouer une campagne de cinq ans à laquelle
je jouerai encore si je n’étais pas « transatlatiquement handicapé »
actuellement. Pas de suppléments. Et ainsi de suite…
Je soulignerai ceci : ces connards se plantent. La seule façon que vous avez
pour convaincre les gens que ça vaut la peine d’avoir « plus de la même
chose » est de placer la barre plus haut : de faire que ça ne paraisse pas
seulement « plus » mais mieux. Et c’est dur à faire SANS escalade de la
puissance. Ce qui est vraiment dommage. Et, bien sûr, personne ne va l’admettre
parce que c’est le talon d’Achille de l’industrie et que ce n’est pas
poli de l’admettre en public. Un jour peut-être je vous soumettrai une
diatribe qui s’étendra sur tout ce sujet et je le déguiserai vaguement en
article. En attendant, je vais simplement retourner lire votre site pour
pouvoir éviter de commencer à programmer avant une heure décente, disons 4
heure du matin.
- Scorpio Rising.
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